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HISTOIRE

DE LA RÉVOLUTION

FRANÇAISE.

LIVRE DEUXIÈME.

CHAPITRE PREMIER.

LA PROPRIÉTÉ DEVANT LA RÉVOLUTION.

Coup d'œil rétrospectif.

Élan de l'opinion. - Lettre de Louis XVI à l'archevêque d'Arles. - Débats sur le régime féodal; sa chute définitive. - Grande erreur historique relevée; l'abolition des dimes sans rachat, vol fait aux pauvres. Sieyes calomnié. — Le fait de la propriété exclusive est-il un droit? Question posée devant le monde par l'Assemblée, à l'insu de l'Assemblée.-La monarchie conservée comme sauvegarde de la propriété exclusive, mais non plus comme principe. -Nouvelle nuit de la Pentecôte, miraculeuse mais encore incomplète.

Depuis l'ouverture des états généraux jusqu'au lendemain de la célèbre nuit du 4 août, trois mois seulement; et, dans ce court espace de temps, que de grandes choses voulues, tentées et accomplies! Des divers points de la France, quelques plébéiens

E. III

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ignorés sont venus se réunir à Versailles pour commencer le règne de la loi. Mais des soldats les menacent de toutes parts; la cour les outrage; devant des portes, injurieusement fermées, on se plaît à les faire attendre sous la pluie; on les force à errer par la ville comme une troupe de vagabonds méprisés. Eux, bien sûrs qu'ils portent la fortune de la France, ils s'engagent par un serment sublime; puis, d'un cœur résolu, avec calme, avec majesté, ils poursuivent leur entreprise. Bientôt, grâce à leur audace puissante et réglée, rien ne restera debout de ce qui avait été jusqu'alors honoré ou redouté parmi les hommes. Ils dominent le roi, ils attirent les prêtres, ils domptent les nobles. Plus de classes dans la société; on dira désormais la Nation! Plus d'ordres dans les états généraux; on dira désormais: l'Assemblée!

Que la cour, saisie de vertige, appelle à son aide dragons allemands ou chasseurs tyroliens, cela importe peu, vraiment; car l'heure approche où, le souffle des idées les frappant pour ainsi dire au visage, les bataillons reculeront de terreur, et où le droit sera la force.

En effet, l'épée des prétoriens n'est pas plutôt sortie du fourreau, à Versailles, que Paris se lève, dans un prodigieux transport. Les places et les jardins se remplissent du tumulte des camps; le peuple, qui n'a pas de pain, ne veut que des armes; dans les chaires, des prêtres sont vus indiquant d'une main la route du forum et montrant de l'autre l'image de Jésus crucifié; sur chaque pavé de la capitale, un homme prêt à mourir; et, pendant qu'à l'hôtel de ville un gouvernement de la révolte s'improvise, s'installe au milieu des mugissements de la Grève, la Bastille, épouvantée quoique imprenable, s'ouvre tout à coup devant la multitude, qui l'inonde, l'insulte et la renverse.

Le bruit du canon arrivait jusqu'à Versailles; on y écoutait, l'oreille à terre, le retentissement sourd des combats de Paris. L'Assemblée alors commença de changer d'alarmes. Les chefs de la bourgeoisie crurent que la royauté leur était nécessaire contre la cour à la fois et contre le peuple. Au roi des nobles, il s'agissait de substituer le roi des propriétaires. Les principaux membres de l'Assemblée proposèrent donc à Louis XVI de le conduire à Paris, pour que, là, aux applaudissements du peuple, calmé mais abusé, la monarchie vaincue acceptât une consécration toute nouvelle. La situation était devenue indomptable: les princes prirent la fuite, comme des criminels, à la faveur des ténèbres; les valets eux-mêmes craignirent de s'attarder dans le palais qu'avait habité la gloire de Louis XIV. Ainsi qu'à la veille de quelque voyage suprême, Marie-Antoinette brûla précipitamment ses papiers, serra ses parures de diamants, et, après avoir entendu la messe, reçu la communion, disposé son âme à la mort, Louis XVI partit pour Paris.

Quel changement! Vingt mille piques, fabriquées de la veille, se hérissant le long des quais, des drapeaux aux couleurs inconnues, des filles de seize ans. armées d'un glaive à côté de moines armés d'un mousquet, des bouquets de fleurs à la lumière des canons, afin de montrer sans doute qu'il n'y avait plus de milieu désormais entre faire le bonheur des hommes et les exterminer..., tel fut le spectacle offert au malheureux prince dont on apercevait, penché à la portière de la voiture royale, le visage attentif et pâli. Il arriva enfin sur la place de Grève, ce roi d'un peuple qui le traînait en triomphe, il monta les marches de l'hôtel de ville, il parut aux fenêtres, portant des couleurs qui n'étaient pas les siennes, et la foule cria: Vive la nation! C'en était fait le sacre de Reims ve

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