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d. leur

l'on pourroit faire pour dire que ce n'eft point
attaquer la confcience des Diffidens, qu
défendre de profeffer leur cute ; & j' fpere de
prouver que c'est une fouveraine injuftice, que
c'eft attaquer leur confcience & la violer, que
ceft être intolérant, perfécureur & inquit, que
c'eft faire aux autres ce que vous ne voudriez
pas qui volis fût fait.

Mais ayant l'honneur de vous parler, Mef-
feurs, pour vous prier de faire entrer dans la
Déclaration des Droits un principe certain &
bien énoncé, fur lequel vous puiffiez établir un
jour des Lois juftes au fujet des non-Catholiques,
je dois parler d'abord de leur fituation en
France.

Les non-Catholiques (quelques-uns de vous, Meffieurs, l'ignorent peut-être) n'ont reçu de l'Edit de Novembre 1787, que ce qu'on n'a pu leur refufer. Oui, ce qu'on n'a pu leur refufer; je ne le répète pas fans quelque honte, mais ce n'eft point use inculpation gratuite, ce font les propres termes de l'Edit. Cette Loi, plus célèbre que jufte, fixe les formes d'enregistrer leurs naiffances, leurs mariages & leurs morts; elle leur permet en conféquence de jouir des effets civils, & d'exercer leurs profeffions. ..... & c'est tout.

C'eft ainfi, Mefleurs, qu'en France, au dixhuitième fiècle, on a gardé la maxime des temps barbares, de divi er une Nation en une cafte fàvorifée, & une cafte difgraciée; qu'on a regardé comme un des progrès de la légiflation, qu'il fût permis à des François, profcris depu's cent ans, d'exercer leurs profeflions, c'eft-à-dire, de vivre, & que leurs enfans ne fuffent plus illégitimes. Encore les formes auxquelles la Loi les a foumis font-elles accompagnées de gênes & d'entraves; & l'exécution de cette Loi de grace a porté la dou

"

leur & le défordre dans les Provinces où il existe des Proteftans. C'est un objet fur lequel je me propof de réclamer lorfque vous ferez parvenus à l'article des Lois. Cependant, Meffieurs (telle eft la difference qui exifte entre les François & les François); cependant les Proteftans font privés de plufieurs avantages de la Société : cette croix, prix honorable du courage & des fervices rendus, à la Patrie, il leur eft défendu de la recevoir; car, pour des hommes d'honneur, pour des François, c'eft être privé du prix de l'honneur que de l'acheter par l'hypocrifie. Enfin, Meffieurs, pour comble d'humiliation & d'outrage, proferits dans leurs penfées, coupables dans leurs opinions, ils font privés de la liberté de profeffer leur Culte. Les Lois pénales (& quelles Lois que celles qui font pofées fur ce principe, que l'erreur eft un crime)! les Lois pénales contre leur Culte n'ont point été abo ies; en plufieurs Provinces ils font réduits à le cé ébrer dans les déferts, expofés à toute l'intempérie des faifons, à fe dérober comme des criminels à la tyrannie de la Loi, ou plutôt à rendre la Loi ridicule par fon injuftice, en l'éludant, en la violant chaque jour.

Ainfi, Meffieurs, les Proteftans font tout pour la Patrie; & la Patrie les traite avec ingratitude: ils la fervent en Citoyens; ils en font traités en profcrits: ils la fervent en hommes que vous avez rendus libres; ils en font traités en efclaves. Mais il exifte enfin une Nation Françoife, & c'eft à elle que j'en appelle, en faveut de deux millions de Citoyens utiles, qui réclament aujourd'hui leur droit de François. Je ne lui fais pas l'injuftice de penfer qu'elle puifle prononcer le mot d'intolé rance; il eft banni de notre langue, ou il n'y fubfiftera que comme un de ces mots barbares & furannés dont on ne se fert plus, que parce quel idée qu'il préfente eft anéantie. Mais, Meffieurs, ce

n'eft pas même la Tolérance que je réclame; c'eft la liberté. La Tolérance! le fupport! le pardon! la clémence! idées fouverainemant injuftes envers les Diffidens, tant qu'il fera vrai que la différence de Religion, que la différence d'opinion n'eft pas un crime. La Tolérance! Je demande qu'il foit profcrit à fon tour; & il le fera, ce mot injufte, qui ne nous préfente que comme des Citoyens dignes de pitié, comme des coupables auxquels on pardonne, ceux que le hafard fouvent, & l'éducation ont amenés à penfer d'une autre manière que nous. L'erreur, Meffieurs, n'est point un crime celui qui la profeffe, la prend pour la vérité; elle est la vérité pour lui; il eft obligé de la profeffer, & nul homme, nulle fociété n'a le droit de le lui défendre.

Eh! Meffieurs, dans ce partage d'erreurs & de vérités que les hommes fe diftribuent ou fe transmettent, ou fe difputent, quel eft celui qui oferoit affurer qu'il ne s'eft jamais trompé, que la vérité eft conftamment chez lui, & l'erreur conftamment chez les autres ?

Je demande donc, Meffieurs, pour les Protef tans François, pour tous les Non-Catholiques du Royaume ce que vous demandez pour vous: la liberté, l'égalité de droits. Je le demande pour ce Peuple arraché de l'Afie, toujours errant, toujours profcrit, toujours perfécuté depuis près de dix-huit fiècles, qui prendroient nos mœurs & nos ufages, fi, par nos Lois, il étoit incorporé avec nous, & auquel nous ne devons point reprocher fa morale, parce qu'elle est le fruit de notre barbarie & de l'humiliation à laquelle nous l'avons injuflement condamné.

Je demande, Meffieurs, tout ce que vous demandez pour vous que tous les Non-Catholiques François foient affimilés en tout & fans réferve aucune à tous les autres Citoyens, parce

qu'ils font Citoyens aufi & que la Loi, & que la liberté, toujours impartia es, ne diftribuent point inégalement les actes rigoureux de leur exacte juftice.

Et qui de vous, Meffieurs (permettez-moi de vous le demander, qui de vous oferoit), qui voudroit, qui mériteroit de jouir de la liberté, s'il voyoit deux millions de Citoyens contraster, par leur fervitude, avec le fale impofteur d'une liberté qui ne feroit plus, parce qu'elle feroit iné galement répartie? Qu'auriez-vous à leur dire, s'ils vous reprochoient que vous tenez leur ame dans les fers, tandis que vous vous réservez la liberté? Et que feroit, je vous prie, cette ariftocratie d'opinions, cette féodalité de penfées, qui réduiront à un honteux fervage deux millions de Citoyens, parce qu'ils adorent votre Dieu d'ane aut e manière que vous ?

Je demande pour tous les Non-Catholiques ce que vous demandez pour vous: l'égalité des droits, la iberté; la liberté de leur Re la liberté igion, de leur Culte, la liberté de le célébrer dans des maitons confacrées à cet objet, la certitude de n'être pas plus troublés dans leur Religion que vous ne l'ê es dans la vôtre, & l'affurance par faite d'être protégés comme vous, autant que vous, & de la même manière que vous, par la commune Loi.

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Nation

N permetez pas, Meffieurs,..... éroute & libre, ne le fouffrez po nt, que l'on yes cte l'exemple de ces Nations encre intolé qui pro crivent vore Culte chez elles. Vous pas faits pour recevoir l'exer.ple, ma's pour er; & de ce qu' eft des peup.es injuftes, ofi pa que vous deviez l'ême. L'Europe, e à la liberté, atted de vous de grandes vous êtes dignes de les lui donner. Que que vous allez former, foit le modèle

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de tous les autres, & qu'il n'y refte aucune tache. Mais fi les exemples peuvent être cités, imitez Melli urs, celui de ces généreux Américains qui ont mis à la tête de leur Code Civil la maxime facrée de la liberté univerfelle des Religions; de ces Penfylvaniers, qui ont déclaré que tous ceux qui aderent un Dieu, de quelque manière qu'is l'adorent, doivent jouir de tous les droits de Ctoyen; de ces doux & fages Habitans de Phi'a te!-phie, qui voient tous les Cultes établis chez eux, & vingt Temples divers, & qui doivent peut-ê:re à cette connoiffance profonde de la liberté, la liberté qu'ils ont conquife.

Enfin, Meffieurs, je reviens à mes principes, ou plutôt à vos principes; car i's font à vous: vous les avez conquis par votre courage, vous les avez confacrés à la face du monde, en déc ́arant que tous les hommes naiffent & demeurent libres & égaux.

Les droits de tous les François font les mêmes, tous les François font égaux en droits.

Je ne vois done aucune raifon pour qu'une partier des citoyens dife à l'autre : Je ferai libre, mais vous ne le ferez pas.

Je ne vois aucune raifon pour qu'une partie des François dife à l'autte: Vos droits & les rôt es, font inégaux; nous fommes libres dans notre confcience, mais vous ne pouvez pas l'être dans la vôt e, parce que nous ne le voulons pas.

Je ne vois aucune raison pour que la Partie opprimée ne puiffe lui répondre: Peut-ê re ne parleriez-vous pas ainfi, fi vous étiez le plus pait nombre; votre volonté exclusive n'est que la Loi da plus fort, & je ne fuis point tenu d'y obéir. Cette Loi du plus fort pouvoit exifter fous l'empire defpotique d'un feul, dont la volonté faifoit l'unique Lo:; elle ne peut exifter fous un Peuple libre, & qui refpecte les droits de chacun. No. 36. 5 Septembre 1789.

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