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poignards, il refusa de tremper dans une nouvelle conspiration; et ce refus devint pour lui l'arrêt de sa mort (1). (L'Ami du peuple, n° CCCCXIX.)

La triple pantalonade.

› Les pères conscrits qui repoussent toute députation de corps et de sections qui vient dénoncer les prévarications des fonctionnaires publics, sous prétexte qu'elles ne sont pas légales, et qui admettent foute députation de corps ou de sections qui vient adhérer à leurs opérations ou les flagorner, ont reçu avec applaudissement, dimanche dernier, celle de la section de la Grange-Batelière, demandant les honneurs de l'apothéose pour les cendres de Riquetti, au nom du peuple français, par les mouchards du maire et du général, comme celui de la nomination de Mirabeau à la place du commandant du bataillon de cette section.

A peine avait-elle été faite, que le pantalon Goupil s'est écrié Les Anglais ayant honoré la mort de Newton, l'assemblée doit prononcer sur ceux que mérite le grand homme dont la mort couvre la France de deuil. Le président, qui savait que la farce était en deux actes, annonce sur-le-champ une députation de département pour présenter le même vocu. Elle se présente: c'est Pastoret, le doucereux intrigant qui porte la parole. Après avoir tracé le tableau des prétendus services rendus à la patrie par Riquetti, il demande (ici Marat cite la partie de la pétition relative à l'église Sainte-Geneviève, proposée comme sépulture des grands hommes).

› Les pères conscrits, bouffis de vanité, allaient consacrer ce beau projet, lorsque Robespierre, redoutant ses suites funestes, s'élève avec force contre plusieurs articles, et ils se sont hornés à décréter qu'Honoré Riquetti Mirabeau a mérité les honneurs

(1) Son secrétaire vient d'avouer qu'il à été payé pour l'empoisonner. Les commissaires qui se sont saisis de l'affaire, tous vendus à la faction des conspirateurs, ont déjà travaillé à le faire rétracter. Attendons-nous à voir ces affreux mystères ensevelis à jamais dans l'antre ténébreux des comités et des tribunaux, (Note de Marat.)

qui seront décernés par la nation aux grands hommes qui ont bien servi la patrie.

> › Je ne m'arrête pas au ridicule qu'offre une assemblée d'hommes bas, rampans, vils et ineptes, se constituant juges d'immortalité. Comment des hommes couverts d'opprobre ont-ils le front de s'ériger en dispensateurs de la gloire! comment ont-ils la bêtise de croire que la génération présente et les races futures souscriront à leurs arrêtés! Mais le moyen de ne pas se récrier en voyant des hommes qui ne s'occupent qu'à trahir la patrie, prétendre distribuer les récompenses dues à ses défenseurs, et avoir seuls le droit d'ouvrir et de fermer le temple des vertus civiques? Il ne s'ouvrira que pour eux et leurs pareils; jugez-en par leur début. Voilà donc un fourbe, un fripon, un traître, un conspirateur à la tête des bienfaiteurs de l'humanité, des défenseurs du citoyen opprimé, des martyrs de la liberté! Quel homme de bien voudrait que ses cendres reposassent dans le même lieu? Cet honneur ne peut appartenir qu'à un Chapellier, un Target, un Demeuniers, un Voidel, un Dandré, un Malouet, un Bouillé,,un Mottié. Puisse le ciel propice à mes vœux le leur faire partager au plus tôt.» (L'Ami du peuple, n° CCCCXX.)

Insigne pantalonade des pères conscrits.

› Battre le fer tandis qu'il est chaud est une grande maxime en politique, maxime toujours négligée par l'aveugle multitude, et toujours suivie par ses oppresseurs.

› Aujourd'hui l'assemblée traîtresse profite habilement de la mort d'un de ses membres les plus gangrenés pour égarer l'opinion publique par le sentiment de la reconnaissance, et couvrir du clinquant des honneurs qu'elle lui décerne les funestes décrets qu'il a fait passer, elle vient de le conduire en grand cortége au tombeau, ce traitre infàme qu'elle s'efforce de faire pleurer au peuple comme un défenseur, et qu'elle voudrait faire adopter à la nation comme le sauveur de la patrie.

La pétition du département a eu son plein effet; elle avait été concertée avec les pères conscrits dès le jour que les conspi

rateurs qui mènent le sénat eurent arrêté de se défaire de Riquetti; aussi a-t-elle été décrétée le lendemain sans discussion. Voici la manière dont le comité l'a modifiée pour en voiler les traits les plus choquans. (Ici Marat cite le décret du 4 avril.)

› Voilà donc les pères conscrits se constituant sans pudeur arbitres de la renommée et distributeurs de brevets d'immortalité. Non contens d'avoir usurpé les droits de la génération présente, ils usurpent encore ceux des générations futures. Ce ne sera donc plus à l'histoire à juger les morts, ni à la postérité à faire les réputations ainsi l'ont décidé les faiseurs de décrets; et pour montrer ce qu'on doit attendre de la sagesse de leurs décisions, c'est à un homme sans moeurs, sans probité, şans âme, à un homme qui trafiqua perfidement des droits et des intérêts de la nation avec le monarque, et qui n'employa ses talens qu'à tromper le peuple, qu'ils décernent la première place dans le temple du civisme, où doivent être placées les images des bienfaiteurs de la patrie.

Glissons sur cette double dérogation à leur décret en faveur de Riquetti; elle était prescrite par la honte de leur propre diffamation, par le soin de relever leur crédit; mais comment disculper la bassesse de leur choix dans le cas où ils donnent à la loi un effet rétroactif? Parmi les grands hommes auxquels la France a donné le jour et qui ont bien mérité de leur pays, il en est plusieurs qui honoraient l'humaine nature. Tels étaient Belzunce, ce digne évêque de Marseille qui, tout le temps que la peste ravagea la ville, soigna de ses mains les malades que les médecins avaient abandonnés; Sully, ce sage ministre qui rétablit les finances du royaume, et empêcha son maître de faire tant de sottises qui auraient causé le malheur du peuple; Catinat, non moins illustré par sa probité rare que par ses exploits militaires; Villars, qui en un jour retira la France de l'abîme où l'avait plongée la folle ambition de Louis XIV, et qui l'empêcha d'être démembrée par ses nombreux ennemis; Montesquieu, qui honora l'humanité par ses vertus et la vengea par sa sagesse, qui éclaira sa patrie par ses lumières, et l'illustra par son génie.

› Au lieu de ces grands hommes qui auraient justifié la bonté de leur choix, les pères conscrits ont accordé les honneurs de l'apothéose à un Descartes, rêveur fameux par les écarts de son imaginative, et dont le nom est fait pour le pays des chimères ! à un Voltaire, adroit plagiaire, qui eut l'art d'avoir l'esprit de tous ses devanciers, et qui ne montra d'originalité que dans la finesse de ses flagorneries; écrivain scandaleux, qui pervertit la jeunesse par les leçons d'une fausse philosophie, et dont le cœur fut le trône de l'envie, de l'avarice, de la malignité, de la vengeance, de la perfidie, et de toutes les passions qui dégradent la nature humaine! un Desilles, martyr prétendu de la liberté, et vrai suppôt du despotisme, dont la mort fut la suite d'une présomption d'étourdi, au lieu d'être un généreux sacrifice au bonheur de la patrie.

Bien mériter de la patrie, c'est lui consacrer ses lumières, ses travaux, ses veilles, sa liberté, ses jours; c'est lui faire de grands sacrifices, en ne cherchant d'autre récompense que le plaisir et la gloire de la servir; et non tirer avantage des choses qui tardent au bien commun. Ainsi le philosophe qui éclaire la nation sur ses droits, le législateur qui lui donne de bonnes lois, le magistrat qui les fait exécuter avec intégrité, l'orateur courageux qui épouse avec zèle la défense des opprimés, le guerrier qui expose sa vie pour repousser l'ennemi, le négociant généreux qui ramène l'abondance dans des temps de disette, voilà les bienfaiteurs de la patrie, et non le citoyen qui s'enrichit à faire prospérer l'agriculture, les manufactures et le commerce, et non le citoyen qui s'enrichit ou se distingue à faire fleurir les lettres, les arts, les sciences; et non le citoyen qui fait la guerre pour s'avancer en grade ou cueillir des lauriers.

Le but de l'assemblée nationale est de faire du prétendu temple des vertus civiques, une galerie d'hommes célèbres, monument de pure ostentation nationale. Bientôt y seront placés les bustes de Corneille, de Racine, de Boileau, de La Fontaine, de Turenne, de Vendôme, de Vauban, en un mot de tous les personnages qui ont illustré le siècle de Louis XIV, et qui sans

doute l'auraient mieux mérité que Descartes, Voltaire et Desilles.

Si cet établissement subsiste, il servira aussi de réceptacle à la tourbe académique moderne, aux fonctionnaires publics qui auront joué un rôle principal, aux valets de la cour qui auront mené la bande: et nous y verrons déposer avec pompe l'effigie d'un Mottié, d'un Bailly, d'un Bouillé, d'un Buffon, d'un Réaumur, d'un la Caille.

› Enfin, il servira de réceptacle à tous les petits ambitieux ayant de la fortune, dont ils priveront leurs héritiers, pour la léguer à quelque intrigant qui s'engagera de leur procurer une niche. Aussitôt les cabales agiteront le sénat; l'intrigue seule ouvrira les portes du temple de l'immortalité, et la récompense des vertus civiques sera le prix de l'adulation, des bassesses, d'une bourse d'or, et des faveurs d'une catin, comme les places à l'Académie. Alors arriveront en foule la canaille sénatoriale et la canaille académique; alors seront placés au rang des bienfaiteurs de la patrie des fripons engraissés du sang des peuples pour la trahir, alors les Emmery, les Chapelier, les Target, les Thouret, les Tronchet, les Condorcet, les Pastoret, les Malouet, les Dandré, les Regnier, les Desmeuniers, les Prugnon, les Voidel, seront mis au rang des grands hommes.

› Cet honneur, après lequel ils soupirent, ferait le désespoir d'une grande âme, et quel homme intègre pourrait consentir à ce que sa cendre reposât avec celle de pareils confrères? Rousseau et Montesquieu rougiraient de se voir en si mauvaise com. pagnie, et l'ami du peuple en serait inconsolable.

> Si jamais la liberté s'établissait en France, et si jamais quelque législature se souvenant de ce que j'ai fait pour la patrie, était tentée de me décerner une place dans Sainte-Geneviève, je proteste ici hautement contre ce sanglant affront. Oui, j'aimerais mieux cent fois ne jamais mourir que d'avoir à redouter un aussi cruel outrage. › (L'Ami du peuple, no CCCCXXI.)

Détails épars qui complètent la notice sur la mort de Mirabeau. Lorsque le mot: Seraient-ce déjà les funérailles d'Achille

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