Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

la prudence leur eût dicté des précautions. L'incendie des Châteaux et le pillage des Archives avoient gagné la Principauté de Montbelliard et celle de Porentrui; mais ces ravages ont été arrêtés à temps. On assure que le Roi de Sardaigne a fait marcher des troupes en Savoie pour garder ses frontières.

Une lettre authentique de Vesoul, et très-récente, puisqu'elle date du 13, nous instruit des détails suivans, sur la fidélité desquels on peut compter.

» Je ne tenterai pas de vous rendre la fituation de ce Bailliage. Vous voulez des faits; je ne vous parlerai que de ceux de notoriété publique. Les Abbayes de Clairfontaine, de Lure, de Bithaine, & plufieurs autres de différens Ordres, ont été invefties par des bandes de pay fans, auxquels elles ont été forcées de remettre tous leurs titres, leurs provifions de vins & de farines, & pis que cela en divers lieux. Les Châteaux ont été encore plus maltraités. Ce n'est point l'affaire de Quincey qui a occafionné les premiers défaftres, puifqu'e le a eu lieu le dimanche 19, à onze heures du foir; & le 16, le Château de Saucy, appartenant à Madame la Princeffe de Beaufre-, mont, avoit été attaqué, dévasté, & la Princeffe obligée de monter à cheval, déguifée, & de pafler la rivière à gué. Le 18, dévastations de Lure, Bithaine, & du Château de Molans ; le 3 au matin, celle du Château de Châtenoy.

"

Je fuis à même de fatisfaire votre curiofité fur l'affaire de Quincey. I eft aujourd'hui conftaté, 1o. Qu'il n'y a point eu d'invitation faite par M. de Mefmay, ni aux Chaffeurs de notre Garnifon, ni aux Bourgeois, ni à perfonne;

2°. que depuis le mercredi 15, ce Seigneur éroit abfent de fon Château : l'accident est arrivé le 19 au foir. 3°. On a reconnu qu'il n'y avoit, & qu'il n'y a jamais eu aucune trace de mine dans l'endroit où étoit la poudre, & où l'explo. fion s'eft faite. 4°. Qu'il n'y a point eu de table dreffée pour les convives dans cet endroit, éloigné du château de 50 pas. 5°. Que trois Dragors & un adolefcent de 16 ans ont péri feuls. Deux des Dragons étoient occupés d'un befoin; e troifième caufoit avec le jeune homme, 6°. Six habitans feuls de Vef ul étoient réunis au Château avec 50 Dragons ou Chaffeurs; ceux-ci n'étoient arrivés qu'à 9 heures du foir, & plufieurs fe trouvoient déja ivres. Quant à M. de Mefmay, il n'y a, jufqu'ici, aucune déposition contre lui. » » Nous favons tous, il eft connu de chacun dans le Bailliage, que ce Gentilhomme fort riche & agromare, forçoit les pierres à produire, & que toute l'année il faifoit jouer la poudre dans les rochers de Quincey. Avoit-il obtenu une petite furface plane? il y faifoit porter de la terre, au moyen de deux grues, & recueilloit du vin excellent. Au moment de fon départ, il s'en trouvoit 700 muids dans fa cave. Je ne fuis ni fon apologifte ni fon accufateur; je vous rends des faits avérés: je me demande de p'us, ce que fignifie un complot contre quatre Dragons & un enfant? je me demande, pourquoi le confpirateur n'a pas empoifonné les mets & les vins fervis à 56 convives réunis au Château, plutôt que de faire périr ces quatre Dragons & cet enfant? Je me demande qu'elle efpèce de vengeance M. de Mefmay avoit à exercer fur ces Dragons?

Quoi qu'il en foit, cet évènemeut a été suivi de défaftres bien plus déplorables. Le château de Vauxvilers eft abymé de la cave jufqu'au teit. Madame la Duchefe de Clermont-Tonnerre a été

[ocr errors][merged small]

enlevée par fes donieftiques, qui ont abattu un pan de mur de fon parc, pour la faire fauver. Réfugiée dans le faux grenier d'une maison particulière, elle y eft reftée cachée fous des fagots, jufqu'à l'instant où Madame la Princeffe de Broglie lui a envoyé, de Saint Remi, un détachement de Chaffeurs pour la conduire en lieu de fureté. Ces Chaffeurs ont infpiré du courage à la Milice, qui a pris les armes avec eux: douze des pillards ont été tués, & 27 fairs prifonniers. "

» Le Comité de Vefoul a envoyé, dans toutes les paroiffes, le fgnalement d'un homme qui a remis dans plufieurs Communautés des ordres faux, fignés Louis, par lefque's ils étoient autorifés à faccager les Châteaux & les Mona

tères. »

» Cetre fréréfie a paffé en Alface & en Lorraine. Plufieurs gentilshommes s'étoient rallemblés à Chauvirey contre les brigands; quelquesuns ont été bleffés; 24 des fcélérats agreffeurs font restés fur le carreau. Mademoiselle d'A***, en habit d'homme, paffe pour en avoir tué trois de fa main.

» La moiffon ouverte nous a procuré une trève : je fouhaite qu'elle amène une tranquillité conf

tante. »

Le 12 Juillet, il y avoit eu un pillage de grains à Rouen: la maison du Procureur Général fut enfoncée et dévastée; les séditieux commirent ensuite cent dé-. sordres dans la ville, forcèrent des magasins de commerce, des moulins, etc. Quelques-uns de ces malheureux furent saisis; il y en eut même d'exécutés. La Milice Bourgeoise et les troupes ramenèrent la tranquillité, et assurèrent la libre circulation des bleds: le prix du

pain baissa à un taux fort modéré, et cet état de calme se prolongea jusqu'aux premiers jours de ce mois.

Un fieur J***, venu de Paris, s'introduifit, à cette époque, parmi la jeuneffe de Rouen, qui formoit une troupe de Volontaires; il parvint à fe faire nommer Capitaine d'une Compagnie : dèslos une fermentation fourde fe fit fentir; la défunion éclata bientôt entre les Volontaires & la Milice Bourgeoife.

La fermentation augmentoit au point que le Corps municipal & électoral fe vit dans l'impof fibilité de donner des Ordres, fans rifquer de compromettre son autorité, & de mettre aux prifes les Citoyens contre les Citoyens.

Pluficus mauvais fujets d'une des Compagnies du Régiment de Navarre furent gagnés, & femèrent parmi quelques-uns de leurs camarades, des idées d'infubordination qui gagnèrent de proche en proche, & inquiétèrent vivement le Corps des Officiers.

Dans ces conjonctures, le fieur B***, Acteur des Variétés de Paris, arrive ie Lundi 3 du cou rant, avec quelques-uns de fes agens, qui répan dirent parmi le peuple qu'il étoit Député de Paris. Vers minuit une troupe de bandits, ayant à leur tête le fieur B*** qu'ils appeloient leur Général, le porte chez M. P'Intendant (Magiftrat qui jouit de la plus jufte confidération), brife les portes de fon Hôtel, fait la recherche de fa perfonne, avec les plus horribles imprécations, & demandé fa tête. M. de Mauffion s'étant fouftrait à leur fureur, i's commirent toutes fortes d'excès dans fes appartemens, fe répandirent dans fes caves, & s'y enivrèrent.

Le lendemain matin, dès que ces miférables, dont le mot de ralliement étoit Carabo, eurent cuvé

[merged small][ocr errors]

leur vin, ils fe réunirent fous les ordres de leur Général, & fe portèrent à incendier tous les Bureaux des Fermes.

Cependant les Chefs & Officiers du Régiment de Navarre, qui avoient détruit la veille le complot formé dans fon fein, furent prévenus que plufieurs de leurs Soldats, mêlés parmi la populace, fe répardolent dans les rues de Rouen, en criant qu'i's alloient délivrer les prifonniers, s'emparer de l'Intendant, & ui couper la tête. Authitôt on battit la générale, & les Officiers coururent à leurs compagnies. Le Régimeur fit bientôt entendre un murmure d'indignation, & demanda la pur.ition des coupables.

Pendant cet intervalle, le fieur B*** avoit éé arrêté par une patrout le bourg.oife, & mis dans les prifons du Palais. Le fieur J***, à la tête d'une partie de fa Compagnie, vient le réclamer au nom du Corps des Volontaires - Ptriotes, auxquels on le remit, pour ne point donner lieu à une fciffion dangereufe. Le fieur B** fe mit dans la diligence peur retourner à Paris, Mais le Corps des Volontaires ayant acquis des lumières fur le compie du fieur J*** & du fieur B***, s'emparèrent du premier, & firent courir après le fecund. Un détachement le rattrapa à Magny, & le ramena à Rouen le lendemain ma tin. L'un & l'autre ont été conftitués prifonniers; &, d'après les informations & dépofitions faites contre eux, tous deux ont été décrétés, & on inftruit leur procès.

Le lendemain, deux des incendiaires ont été pendus. Les malfaiteurs, arrêtés par la p ife de leurs Chefs & de quanti é d'entre eux, plus encore par l'harmonie rétablie entre tous les Corps Militaires, les Citoyens & la Municipalité, fe font diffipés, & ont rendu le calme à la Ville.

« ZurückWeiter »