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l'homme fociable ou qui voulut qu'il vécût en fociété.

Les devoirs de l'homme envers lui-même font pareillement fondés fur la volon té Divine. Dieu en donnant à l'homme le defir d'être heureux & de fe conferver lui a donné la raison qui lui en fait découvrir les moyens; ces moyens font d'éviter tout ce qui peut lui nuire, de s'abstenir des excès qui peuvent nuire à fon être, de s'interdire les plaifirs dangereux, de réfister à fes paffions inconfidérées, en un mot de ne rien faire qui puisse mettre fa fanté, fon bien-être, fa vie en péril, ni l'expofer au mépris ou à la haine de ceux avec qui il eft forcé de vivre & dont les fecours lui font néceffaires chaque inftant.

Il eft donc évident que c'eft remplir les vues de la Providence que de travailler au bonheur de la Société & de travailler au fien propre, & que c'est agir contre fes ordres que d'agir d'une façon contraire. Ainfi nous violons la loi de Dieu toutes les fois que nous nuifons à la Société ou à nous-mêmes, & nous en fommes néceffairement punis par le mal que nous nous faifons, par les remors que nous éprouvons, par le défordre qui arrive dans la Société, qui quand elle cft

défordonnée ne peut plus contribuer à notre bonheur propre. D'un autre côté nous fommes heureux quand nous prenons les moyens de rendre la Société heureufe, fon bonheur & fon malheur rejaillit toujours fur nous-mêmes, & nous fommes toujours les premieres victimes de nos paffions, quand nous les écoutons aux dépens de notre bien-être durable. Telle eft la Sanction de la Loi divine c'eft ainfi que Dieu dès ce monde récompense ou punit ceux qui font fideles à remplir fes vues, que la raifon fait connoître à tout homme qui voudra la confulter; il y trouvera tout ce qu'il faut pour fe conduire ici-bas; elle le guidera plus fûrement que ces Religions factices inventées par les Prêtres, qui facrifient fi fouvent le bonheur public & celui des individus à leurs propres intérêts; il y trouvera des règles fûres pour bien agir dans tous les cas, quelles que foient d'ail leurs fes fpéculations métaphyfiques; en un mot il y découvrira ce qu'il doit à fes femblables, ce qu'il fe doit à lui-même, & en s'y conformant il s'acquitera de ce qu'il doit au Dieu qui l'a créé; il remplira donc les devoirs de la vraye Religion, de la Religion naturelle, de la Religion univerfelle, qui n'eft autre que la morale faite

pour toute l'efpece humaine, qui ne peut être fujette à difpute & qui jamais ne peut confeiller de nuire au genre humain.

Voilà ma Religion, mon R. P.; tout être raisonnable, quels que foyent fes préjugés ou fes opinions, fera forcé de l'approuver & de foufcrire à ma profeffion de foi; elle convient à tout honnête homme de quelque pays & de quelque Religion qu'il foit. Pour peu qu'on veuille la méditer on fentira qu'elle fuffit pour régler. la conduite des perfonnes fenfées, & les principes généraux que je viens d'établir prouveront que fi j'attaque avec force les préjugés reçus c'est pour leur fubftituer des vérités qui ne peuvent être contestées (*) & que j'efpere avec le tems pouvoir mettre dans tout leur jour. En attendant, ce que j'ai dit doit fuffire pour vous prouver que mon incrédulité n'eft point fondée fur le liber. tinage, fur la malice de mon cœur, fur la corruption des mœurs. L'âge, la réflexion & des infirmités fréquentes ont

cal

(*) Les principes de ma morale font plus amplement développés dans un autre ouvrage que je deftine uniquement à cet objet, où je ferai voir l'indépendance de la morale de toute Religion factice, qui ne peut jamais que nuire à la morale univerfelle ou à la Religion de la nature.

mé mes paffions; je vis dans la retraite & fans ambition, au milieu de ma famille & de quelques amis, qui me rendent heureux & dont le bonheur m'intéreffe. Une fortune honnête fuffit pour contenter mes defirs, & même pour me procurer l'avantage.de fecourir la mifere dans mes femblables; je vis tranquile, depuis que j'ai banni de mon efprit les fantômes que l'erreur y avoit enfantés; j'attends, fans trembler, la mort, comme un terme inévitable que l'Auteur de la nature a fixé à tous les êtres; cette mort ne peut point effrayer celui qui fcait que fon fort eft dans les mains d'un être infiniment parfait, dont la fageffe, la bonté, la juftice ne peuvent être mêlées d'aucune imperfection ni jamais fe démentir.

à L............... le 18. Mars 1711,

FIN.

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