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(a) Pro

Plancio,

très-long séjour en Afie. St. Matthieu étoit d'une profeffion odieu se, à la verité, parmi les Juifs, extrémement jaloux de leur liberté, mais fi confiderée parmi les Romains, que Ciceron (a) difoit, que dans l'ordre des Publicains ou Péagers, étoit la fleur des Chevaliers, l'ornement de la Ville, l'appui de la République. On voit par-là que bien que St. Matthieu, felon toute apparence, fût Juif, il falloit pourtant qu'il ne fût pas de la lie du Peuple, puis qu'il avoit été admis à cet emploi. Ces réflexions & ces exemples peuvent fuffire pour répondre aux objections que faifoient les Payens fur le caractère des Apôtres, comme s'ils euffent été absolument idiots, & un ramas de gens de néant. Mais d'autre côté, il paroît par-là qu'ils n'avoient ni affez de favoir, ni affez de renommée & d'autorité pour qu'on pût attribuer le fuccès de l'Evangile à leur crédit & à leur fagesse.

Quoi qu'il en foit, en lifant le Nouveau Teftament il faut toujours avoir devant les yeux que l'Evangile fut annoncé d'abord par des Juifs & dans la Judée, les Evangeliftes & les Apôtres ayant été de cette Nation & de cette Religion, fi l'on en excepte St. Luc, qui étoit d'Antioche de Syrie, & dont il est incertain s'il étoit Juif ou Payen, quand il embrassa le Christianisme. Il y a beaucoup d'apparence qu'il étoit Payen d'origine, & Juif Profelyte, comme on l'a remarqué dans les Préfaces fur St. Luc, & fur l'Epître aux Coloffiens. Auffi voit-on dans ce Livre Sacré des allufions continuelles aux mœurs des Juifs, à leurs coûtumes, à leurs cérémonies, à leurs fêtes. Leurs Proverbes, leurs Apologues, & leurs Moralitez y font fouvent employées, & faute d'être inftruit du ftile de ces divins Auteurs on s'embaraffe & on cherche du mystère où il n'y en a point, en prenant à la lettre ce qui quelquefois n'eft qu'une fimple allufion à quelque coûtume ou à quelques paroles du Vieux Testament.

Le Legiflateur de la Nouvelle Alliance en a usé à cet égard, comme le Legislateur de l'Ancienne. Dieu voulant s'affujettir le Peuple d'Ifraël par un culte particulier, ufa d'un temperament admirable, par rapport à la conftitution de ce Peuple. Tout ce qui pouvoit le porter à l'Idolatrie, il le défendit avec une feverité & avec des précautions tout extraordinaires. Mais en même tems pour ne pas l'effaroucher, il conferva, ou il appropria à fon culte tout ce qu'il y avoit d'innocent dans les ufages, & dans les coûtumes des Peuples, parmi lefquels cette Nation avoit vêcu. J E SUS-CHRIST en ufa de même dans l'établissement de l'Evangile.

Bien que la Circoncision fût le figne de l'Ancienne Alliance, Dieur voulut que le Médiateur de la Nouvelle fût circoncis, afin d'ôter au Peuple Juif tout prétexte de le rejetter, & on ne négligea à fon égard & à l'égard de fa fainte Mere aucune des ordonnances de la Loi. Le Baptême de Jean avoit deux fignifications, la repentance du côté du Peuple, & la rémiffion des péchez de la part de Dieu. JESUS-CHRIST n'avoit befoin ni de l'une ni de l'autre, cependant il ne laiffa pas de recevoir le Baptême, nonfeulement afin d'autorifer par-là le Ministère de fon Précurfeur, mais auffi pour ne négliger aucune pratique légitime, & ufitée parmi les Juifs. (a) JESUS-CHRIST étant lui-même l'accomplif. (a) Matt ÌII. 15. fement de la Loi, elle tomboit, pour ainfi dire, d'elle-même par fon avenement. Mais comme il n'étoit pas tems alors de réveler ce Mystère, on voit JESUS-CHRIST l'obferver avec une exactitude exemplaire, & il fe fait un devoir de fe trouver aux Fêtes folemnelles des Juifs. Si quelquefois on lui reproche de violer le Sabbat, il répond à ces reproches par des raifons, & par des exem, ples qui devoient convaincre les Juifs & de calomnie & de fuperf tition tout ensemble. Ce que l'on vient de dire fuffit pour faire voir combien il est important pour l'intelligence de quantité d'endroits du Nouveau Teftament d'avoir les connoiffances dont on vient de parler.

du Genre

ticulier

daïque

vint au

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II. On peut regarder le Genre humain, lorfque JESUS-CHRIST De l'état vint au monde, comme un malade attaqué d'une maladie mortelle, humain, & le tems de la venue du Souverain Réparateur comme un jour & en parde crife qui devoit décider de la guerifon ou de la mort du ma- deda Nalade. C'est pourquoi ce que Jean Baptifte difoit de la Nation Ju- tion Judaïque que (b) la coignée étoit déja mife à la racine de l'arbre, S. quand Je Paul l'a dit (c) en d'autres termes de tous les hommes en général. fus Chrift La plus grande partie de l'Univers étoit (d) fans Dieu au mon- monde.' de, l'Idolatre étant une espece (e) d'Athée d'autant plus crimi- (b) Jean nel que non content de ne pas reconnoître le vrai Dieu il rend aux Créatures un culte qui n'appartient qu'à lui feul. On ne doit pas s'étonner que des peuples qui faifoient profeffion d'avoir (d) Eph.' pour II. 12. Dieux des monftres d'impureté & de toutes fortes d'injuftices fuf-(e) C'eft fent eux-mêmes abandonnez aux vices les plus énormes, comme cela le terme paroît par le témoignage de S. Paul (f). Mais d'autre côté la Nation fert St. Judaïque, diftinguée par tant de faveurs de Dieu, n'étoit à plufieurs Paul. égards ni plus faine, ni moins corrompuë que les autres peuples du 1. 21. monde, comme le même Apôtre le remarque en plufieurs endroits

(c) Rom.

I. 18.

dont fe

(f) Rom!

11. 17,24.

III. 9.

(b)Matth.

XV. 3,4,

516.

(Rom de fes Epitres (a). On ne voit pas à la verité que cette Nation fe fût fouillée par l'Idolatrie depuis fon retour de la Captivité de Eph. II.3. Babylone. Mais elle étoit tombée dans d'autres crimes énormes Tit.III.3. qui ne la rendoient pas moins digne des Jugemens de Dieu ou de la compaflion du Souverain Medecin. Dépofitaire de la Loi elle avoit négligé ce précieux Threfor qui lui avoit été confié par une faveur de Dieu toute particuliere. Depuis que la Prophetic avoit ceffé, & que les Oracles Divins avoient été affujettis aux interpretations des Docteurs, cette fainte Loi avoit été alterée par des Glofes & par des Traditions, qui en anéantiffoient la pratique, (b) comme JESUS-CHRIST le reproche aux Pharifiens, ou qui la réduifoient prefque toute, à l'exterieur. Zélateurs de leurs cérémonies jufques à la fureur, les Juifs conduits par de mauvais Maîtres fouloient, pour ainfi dire, aux pieds les devoirs les plus effentiels de la vertu & de la pieté, & la Religion de la plupart d'entr'eux n'étoit que fuperftition & qu'hypocrifie. Fiers d'ailleurs de ces dehors fpecieux, & d'une Loi qui fans doute eût fait tou te leur gloire, fi au lieu de s'arrêter à l'écorce, ils en euffent pris le veritable fens, ils fe croyoient autorisez à mépriser tout le reste des hommes, & à nourrir des haines implacables pour tous les autres peuples du monde, avec qui ils ne s'accordoient que dans un feul point, c'eft dans une fouveraine corruption quant aux mœurs. Les Auteurs les plus jaloux de la gloire de cette Nation, comme, par exemple, Jofeph, en ont fait une peinture affreufé à cet égard.

Necef

Précur

Leur.

Le portrait abrégé que l'on vient de faire de fes mœurs, nous fité d'un mène naturellement à admirer la conduite de Dieu, en envoyant fon Fils au monde. Car on voit par là, combien il étoit néceffaire que le Meffie fût précédé d'un Avantcoureur tel qu'étoit Jean Baptifte. L'ordre naturel eft bien d'éclairer l'efprit pour toucher le cœur, afin que l'obéïffance que l'on rend à Dieu foit volontaire & éclairée, mais quand la corruption eft parvenue à fon comble, & que l'efprit eft envelopé de ténèbres inacceffibles à la lumiere de la Vérité, il faut commencer par changer le cœur, il faut lever les obftacles qui s'opposent à l'entrée des véritez falutaires. Avant que de femer une terré de femer une terré il faut la défricher, la nettoyer & la labourer. Sur tout les véritéz de l'Evangile étoient de nature, à n'entrer que dans des cœurs bien préparez, parce qu'el les combattoient toutes les paffions humaines, & en particulier celles des Juifs, comme l'orgueil- & la fenfualité. C'est ce que

JESUS

III.19.&

V.44.

JESUS-CHRIST difoit aux Juifs. (a) Les hommes, dit-il, ont (a) Jean mieux aimé les ténèbres, que la lumiere, parce que leurs œuvres font mauvaises, & ailleurs, Comment pourriez-vous croire, vous qui n'aimez qu'à recevoir de la gloire les uns des autres? Il étoit donc tout ensemble & de la dignité de J E SUS-CHRIST & de l'interêt de la Nation, qu'il y eût un Precurfeur qui vînt avec l'efprit & la vertu d'Elie, pour préparer les voyes au Fils de Dieu & pour la difpofer à le recevoir, Car si malgré cette précaution de la fageffe de Dieu, JESUS-CHRIST rencontra tant d'obstination dans gros de la Nation Judaïque, n'y a-t-il pas lieu de croire, qu'elle eût été générale fans la prédication de Jean Baptifte? C'étoit un préalable néceffaire, foit pour la converfion du Peuple Juif, foit pour rendre tout-à-fait inexcufable fon impénitence & fon incredulité.

le

XII. 34

Cette corruption extraordinaire du Peuple Juif, & ces précau tions de la fageffe de Dieu pour fa converfion, peuvent fervir aufli de clef pour rendre raifon de la dureté avec laquelle JEsu sCHRIST parloit quelquefois aux Juifs, & fur tout aux Pharifiens. On eft furpris en effet de voir à l'ouverture d'une œconomie de douceur & de grace, celui qui étoit la douceur même s'exprimer quelquefois en termes fi rudes & en apparence fi outrageants, comme quand il appelle les Juifs d'alors une génération méchante & adultere (b) & qu'il traite les Pharifiens d'hypocrites, (b) Matt. de race de viperes & de vrais fcelerats, qui ofoient mettre leurs traditions & leurs maximes en la place de la Loi de Dieu. Mais on revient de cette furprise, quand on fait reflexion qu'il s'agif foit de frapper les derniers coups, & qu'il n'y avoit plus rien à ménager avec un Peuple, qui avoit abufé de tous les foins & de toutes les précautions de la bonté de Dieu pour sa conversion. 1. Ils avoient les Oracles des Prophetes, où étoient marquez tous les caractères du Meffie, & ils ne contestoient pas même que la plûpart de ces Oracles ne convinffent à JEsus le Nazarien. 2. Le Précurfeur étoit venu avec l'efprit & le caractère marquez par les mêmes Oracles, il leur avoit prêché la pénitence & leur avoit annoncé l'arrivée prochaine du Meffie. 3. JEsus vint dans le tems où ils faifoient profeffion d'attendre le Meffie & avec tous les caractères exterieurs & interieurs fous lefquels il avoit été désigné. Ils rejettent également & le Miniftre & le Maître, & ils font de l'un & de l'autre l'objet de leurs calomnies. Certainement bien. loin d'être furpris de la force & de la feverité avec laquelle JESUS-CHRIST parloit à un Peuple ainfi difpofé, on trouvera au

con

III. De

tique &

contraire dans ce langage autant de bonté que d'indignation. Ces reflexions peuvent éclaircir beaucoup d'endroits de l'Evangile, mais il faut entrer dans-un plus grand détail, & des mœurs du Peuple Juif paffer à son état exterieur.

III. On peut le confiderer par rapport à la République & à la Tétat poli- Religion. La Nation Judaïque en général est la Pofterité d'Abrareligieux ham, d'Ifaac & de Jacob, ce que l'Ecriture Sainte remarque foudes Juifs. vent, pour diftinguer le Peuple de Dieu de la Pofterité d'ifmaël

qui étoit auffi fils d'Abraham par Agar. Les Juifs furent auffi appellez Ifraelites ou Enfans d'Ifraël, qui étoit le furnom de Jacob, pour n'être pas confondus avec la Pofterité d'Efau frere de Jacob,& comme lui fils d'Ifaac. On les défignoit encore par le nom d'Hébreux, foit du nom Heber, l'un des ancêtres d'Abraham, foit du même mot qui en Hébreu fignifie paffage, parce qu'Abraham passa l'Euphrate pour aller, felon l'ordre de Dieu, de Chaldée en Canaan. Depuis que les dix Tribus qui compofoient le Royaume d'Ifraël eurent été emmenées en captivité, la Nation Judaïque fut ordinairement plus connue fous le nom de Juifs, du nom de la Tribu de Juda, qui demeura en poffesfion du Royaume, & d'où devoit naître le Mesfie; peut-être même qu'ils ne porterent ce nom que depuis le retour de Babylone.

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que

Jamais Nation ne reçut de Dieu des faveurs plus éclatantes la Nation Judaïque, jamais Nation ne s'en rendit plus indigne. Dieu ne l'eut pas plutôt tirée d'Egypte à main forte & à bras étendu, que fon ingratitude éclata par fon idolatrie, & par fes continuels murmures au Défert. La Pofterité de ces rebelles introduite dans la Terre promise, suivant les traces de fes ancêtres tomba dans l'Idolatrie, & dans une licence effrenée, préferant l'anarchie aux Juges que Dieu lui donnoit pour la gouverner fous fes aufpices. Dieu la livra fouvent à la fureur des Nations voisines, afin de la châtier, & de la ramener de fes égaremens. Mais de tems en tems il lui fufcita des Liberateurs, qui furent autant d'Avantcoureurs du Souverain Liberateur. Las d'avoir Dieu même pour leur Monarque, & de n'être gouvernez que par les Juges qu'il leur choififfoit, ils demanderent des Rois comme les autres Nations, executant, fans y penfer, les deffeins de Dieu, qui vouloit que le Mesfie nâquit de Race Royale. Ils en obtinrent, & ils abuferent encore de cette faveur. Après la mort de David type du Mesfie, & dans la famille de qui Dieu vouloit que le Regne fût héréditaire, parce que le Mesfie devoit naître de cet

te

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