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TROISIÈME PARTIE.

DES ÉCRIVAINS ECCLÉSIASTIQUES DU
TROISIÈME SIÈCLE.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES.

Ainsi donc la littérature chrétienne, pauvre dans son origine, était parvenue, avant la fin du deuxième siècle, à un état qui ne peut qu'exciter notre admiration, soit que nous considérions l'étendue des publications, la variété des sujets traités ou la perfection de l'exécution, surtout quand nous réfléchissons au peu de temps qui s'était écoulé depuis l'origine du Christianisme, et à la situation dans laquelle il se trouvait à l'égard du gouvernement. Les apologistes chrétiens, à peine encore éclairés par la lumière de la foi, ne craignaient pas de répondre à l'appel de la science grecque, de faire à ses objections les réponses les plus convenables, et de défendre vigoureusement l'entrée du cercle resserré de la révélation chrétienne contre son influence destructive. C'était déjà beaucoup que d'avoir su si bien maintenir son terrain, et repousser les attaques du paganisme et de l'hérésie, tant

dans la vie commune que dans le domaine de la science. Mais aussi jusqu'à ce moment c'était là le point principal; il ne fallait pas penser encore à voir la science chrétienne prendre un essor individuel et indépendant; le temps seul pouvait procurer à la religion l'affermissement extérieur et le repos intérieur dont elle avait besoin.

Telle qu'avait été la fin du deuxième siècle, tel aussi demeura presque tout le troisième. La position hostile du paganisme et celle du gouvernement envers le Christianisme, n'éprouvèrent point de changement essentiel. Les persécutions continuèrent, et devinrent même, à quelques égards, plus violentes et plus générales qu'auparavant. En effet, plus le Christianisme prenait d'extension dans toutes les classes, plus son influence s'affermissait imperceptiblement dans les cœurs, annonçant un changement total dans les relations mutuelles des hommes, changement que l'on reconnaissait sans se rendre compte de son origine, plus aussi le gouvernement, étroitement lié au paganisme, sentait le besoin de l'étayer dans sa chute, et de lui accorder une puissante protection. On essaya, à la vérité, parfois de s'arranger avec la nouvelle religion, et, comme on n'avait pas une idée bien claire de sa nature et de sa tendance, on se flatta de pouvoir la concilier par la tolérance avec la religion de l'État; on lui faisait alors entendre qu'on ne l'inquiéterait plus, pourvu qu'elle voulût se contenter des conquêtes qu'elle avait déjà faites, renoncer à toutes autres prétentions et se placer dans une position pacifique à l'égard du paganisme. On crat par momens qu'il serait possible de parvenir au but que l'on se proposait d'alteindre, par le moyen d'un syncrétisme religieux. Mais quand toutes ces tentatives eurent échoué devant l'inflexibilité de la foi chrétienne, on saisit de nouveau le glaive, afin de parvenir par la violence à ce que l'on n'avait pu obtenir par un pacte.

Les chrétiens ne se laissèrent point induire en erreur par toutes ces manœuvres. Ils s'étaient enfin convaincus que la haine des païens et leurs persécutions ne provenaient pas de simples préjugés ou de malicieuses calomnies: car le temps avait rejeté celles-ci et détruit ceux-là; mais qu'elles avaient leur source dans l'opposition naturelle qui existait entre le paganisme et le Christianisme, et que rien par conséquent ne pouvait y mettre un terme. A compter de ce moment, ils cessèrent donc d'écrire des apologies et de les présenter aux autorités supérieures; mais en revanche le combat entre les principes des deux religions n'en devint que plus ardent. A l'époque de la naissance de Jésus-Christ, un refroidissement presque complet s'était manifesté au sujet de la religion; les hommes instruits, chez les Grecs et les Romains, n'avaient plus que peu ou point de respect pour les dieux. Mais l'Olympe étant aussi généralement délaissé et ouvertement méprisé par les partisans de la nouvelle religion, ceux qui lui demeuraient attachés concentrèrent de nouveau toute leur puissance spirituelle, et le paganisme s'efforça de se défendre contre ses ennemis en prenant une forme plus élevée. Tout ce qui pouvait être dit en sa faveur fut développé avec éloquence et érudition. Une vive lutte s'établit done sur ce point, et la supériorité des chrétiens s'y montra dans tout son éclat. C'est à cette lutte que se rapportent les ouvrages remarquables de saint Clément d'Alexandrie: Cohortatio ad gentes; de Tertullien: de Idololatria ad nationes; de saint Cyprien : de Vanitate idolorum; de Minutius Félix: Octavianus, etc. Les plaintes et les reproches des païens, qui attribuaient aux chrétiens tous les malheurs qui arrivaient à l'État, furent réfutés dans plusieurs ouvrages, et entre autres dans celui de saint Cyprien : ad Demetrianum. L'ouvrage à la fois apologétique et polémique le plus considérable de cette époque est celui d'Origène : contra Celsum. Il est, par la même raison, le plus important; car il y relève

tous les reproches, soit religieux, soit politiques, faits au Christianisme, tant par les juifs que par les païens. La controverse avec les juifs fut poursuivie avec moins d'ardeur. Cette masse disjointe, flétrie comme le figuier que la malédiction du Seigneur avait frappé, ne conservait plus d'autre sentiment que celui de sa haine ardente contre les chrétiens; mais elle était du reste politiquement et spirituellement trop faible pour pouvoir entreprendre une lutte contre le Christianisme. Aussi, à compter de ce moment cessa-t-on peu à peu de s'en occuper; Tertullien et Hippolyte sont presque les seuls qui, à cette époque, leur accordent encore quelque attention.

Sur ces entrefaites le beau temps du gnosticisme était passé. Rejeté sur tous les points et sous toutes les formes au dehors du domaine de l'Église, cette hérésie traînait une languissante existence, se décomposait faute de liaison intérieure, et disparaissait pour le moment du moins quant à la forme sous laquelle il s'était montré dans l'origine. En attendant, quoique son importance diminuât graduellement, il n'en resta pas moins un objet d'attention pour l'Église, et un grand nombre d'écrits continuèrent à paraître pour le combattre ; mais ces écrits, selon saint Irénée, ne faisaient que répéter ce qui avait déjà été dit ou le présenter avec plus de développemens. Presque tous les auteurs de quelque poids ont écrit, sinon sur le système entier, du moins sur l'un ou l'autre de ses dogmes.

Mais pendant que le gnosticisme penchait vers sa tombe, l'ancien ébionitisme poussait, dans une direction contraire, de nouveaux rameaux, dans les nouvelles sectes d'unitaires, de la doctrine sabellienne. Si les gnostiques s'étaient efforcés, autant qu'il dépendait d'eux, de convertir la Trinité chrétienne en polythéisme païen, les unitaires, à leur tour, voulaient remplacer ce même fondement du Christianisme, en un aride déisme juif. Les premiers germes de ce principe se montrent dès le commencement du troisième

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