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justice des hommes, soit durant le cours de sa vie, soit après avoir succombé. Ces Mémoires, qui sont terminés depuis dix ans, ont obtenu les suffrages de quelques gens de goût; et mon fils, après moi, pourra les faire imprimer1. J'ignore si mes souvenirs mériteront de voir le jour; mais, en m'occupant de les écrire, je me distrais; je passe des heures plus calmes; et, autant que peut me le permettre un cœur sensible, je m'éloigne des scènes douloureuses dont je suis en ce moment environnée. L'idée de réunir tout ce que ma mémoire peut me rappeler d'intéressant m'est venue en parcourant l'ouvrage intitulé Paris, Versailles et les Provinces au dix-huitième siècle. Ce recueil, composé par un homme de bonne compagnie, est plein d'anecdotes piquantes, et presque toutes ont été reconnues pour vraies par les contemporains de l'auteur. De semblables compilations valent bien ces amas, ces recueils de bons mots, de calembours, qui étaient en vogue il y a cinquante ans. On y trouve des faits;

'Madame Campan, en écrivant ces lignes, ne pensait guère que la mort de son fils dût précéder la sienne. Voyez la notice. (Note de l'édit.)

on, y reconnaît des personnages qui ont joué des rôles marquans. On y peut puiser quelque expérience, ce bien si précieux que nous acquérons par des erreurs, que l'âge rend presque inutile, et qui se transmet si imparfai

tement.

ANECDOTES

DU

REGNE DE LOUIS XIV.

IL existait à Versailles, avant la révolution, des usages et même des mots dont peu de gens ont connaissance. Le dîner du roi s'appelait la viande du roi. Deux gardes-du-corps accompagnaient les gens qui portaient le dîner; on se levait à leur passage dans les salles, et on disait : « C'est la viande du roi. » Tous les services de prévoyance s'appelaient des en cas. Quelques chemises et des mouchoirs conservés dans une corbeille, chez le roi ou chez la reine, en cas que Leurs Majestés voulussent changer de linge sans envoyer à leur garde-robe, formaient le paquet d'en cas. Leurs vêtemens, apportés dans de grandes corbeilles ou dans des toilettes de taffetas vert, s'appelaient le prêt du roi ou de la reine. Ainsi le service se demandait : « Le prêt du roi est-il arrivé ? » Un garde-du-corps disait : « Je suis d'en cas dans la forêt de Saint-Germain. » Le soir, on apportait chez la reine un grand bol de bouillon, un poulet rôti froid, une bouteille de vin, une d'orgeat, une de limonade et quelques autres

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