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lui pafferont par la tête: nous voyons de même que tel homme qui fe dit Miniftre de Dieu n'a rien de plus que les autres; les fens & la raifon nous montrent tout cela, mais ils ne nous difent rien fur cette prétendue révélation, non plus que fur cette prétendue miffion divine de Moyfe, de Jésus-Chrift & des Apôtres; fi, cédant à la force de vos préjugés, vous prétendez qu'ils vous apprennent quelque chofe à cet égard, oferez-vous foutenir que ce foit avec la même clarté? Non, je ne crois pas que vous l'ofiez.

Pour fe déterminer en toute occafion & fur-tout dans une matiere de la derniere importance, on doit pefer les raisons & ne fe rendre qu'aux plus convaincantes. Or j'ai les plus fortes raifons qu'il foit pos-> fible d'imaginer pour affurer que Dieu, tel que je le conçois & tel qu'il doit être, s'il exifte, eft un être parfait, qu'il eft jufte & qu'il n'eft point un tyran. Et l'on ne me donne que de mauvaifes preu ves du contraire, car on n'en peut point alléguer de plus frivoles que de dire tels gens le difent, tel livre le déclare: attendu que ces gens peuvent être ou des fourbes ou des vifionnaires; que ces li-> vres peuvent être des fables ou des Roi mans, & que l'on voit ailleurs & des

gens & des livres qui difent tout le cond traire.

Entre deux propofitions dangereufes entre deux partis oppofés qui ne font pas indifférens à choifir, il ne faut pas moins qu'une démonftration pour déterminer un homme fage.

Faire Dieu de trois fubftances diftinctes s'il n'eft pas vrai qu'il en foit compofé; adorer, je ne veux pas dire un fanatique obfcur, mais feulement un homme crucifié s'il n'eft pas vrai qu'il foit Dieu, rendre le culte de lâtrie à un morceau de pâte s'il n'eft pas vrai qu'il foit transfubftantié &c. tout cela eft auffi ridicule. &, felon les principes de votre religion même, qui fait un crime de l'erreur, cela eft tout auffi dangereux que de ne le pas faire & de ne pas croire ces chofes fi elles font véritables. Si l'on dit que nous ne fommes pas plus portés par notre raison à croire l'un que l'autre, il eft certain qu'il faudra au moins demeurer indécis jusqu'à la démonftration, puifque l'un & Fautre parti eft également dangereux, & puifqu'on court rifque ou d'idolâ trer, ou de ne pas croire la vérité, & de ne pas rendre à Dieu l'hommage qui lui eft dû.

Argument démonftratif.

Il faut préférer l'évidence à l'incerti◄ tude, la clarté à l'obscurité.

Il est évident & clair que Dieu eft jufte de la juftice la plus pure, que tel livre eft humain, que tel homme qui me prêche n'eft qu'un homme. Il eft très-faux que Dieu, s'il eft jufte, foit jufte d'une autre juftice que celle que nous connoisfons, que tel livre foit fon ouvrage, que tel homme ait reçu fes ordres particuliers, au contraire cela paroît évidem ment faux aux perfonnes fans prévention.

Donc il faut croire que Dieu eft juste de la justice que nous connoiffons; que s'il veut punir il ne peut punir que les mauvaifes actions libres, (fuppofé qu'il y en ait de telles, ce que je fuis bien éloigné de croire) & que les actions contraires à fes volontés dont il a clairement instruit. Donc il faut agir dans le principe qu'aucun livre n'eft l'ouvrage de Dieu,: qu'aucun homme n'eft fon Miniftre ni fon interprête, & que tous ceux qui prennent ce titre font des impofteurs ou des fanatiques infensés.

CHAPITRE IX.

Septieme vérité.

Qu'on eft obligé d'abandonner fa Religion quand on la trouve mauvaise.

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N n'a pas plus de droit de retenir une chofe qu'on n'en a eû de la

prendre.

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Je ne crois pas que nos plus féveres Gafuiftes fe fiffent un fcrupule de fortir des prifons d'Alger: cependant les religions factices commettent une bien plus grande injuftice que les Corfaires, puisqu'elles commencent par furprendre les hommes en les préoccupant dès l'enfance, en les fubjuguant par l'autorité, en abufant de leur foibleffe; les Corfaires combattent contre des hommes faits, ils courent les mêmes rifques de l'esclavage & de la vie, que celui qu'ils font courir aux autres; enfin ceux qui vont à la mer s'expofent à ce danger dont ils ont pleine connoiffance & la liberté de fe garantir.

Où eft l'apparence du droit de s'emparer de l'efprit d'un enfant pour le féduire & lui faire croire tout ce que l'on veut? Si l'on procédoit de bonne foi on

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attendroit qu'il eût vingt ou vingt-cinq ans; & pour lors fans ufer d'autorité on lui propoferoit les principales Religions du monde, les preuves fur lesquelles elles s'appuyent, & ce qu'on peut objecter de raifonnable contre ces preuves: après cela s'il venoit à abandonner celle dont il auroit fait choix, on auroit raifon de l'appeller Apoftat, on ne pourroit pas cependant le blâmer abfolument changer n'eft pas un crime en foi, ce peut même être une vertu, mais changer fans de bonnes raisons c'est une inconftance blâmable.

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Le mineur fe fait relever par les loixciviles dès qu'il y a eu de la furprise de la part de ceux avec qui il a contracté, quoiqu'il n'ait point été forcé & ne dépendît point de ceux qui ont abufé de fa foibleffe, & quoiqu'il fût même en état & en pouvoir d'examiner la chose. A plus forte raifon il doit m'être permis de rompre les engagemens que j'ai pris en me foumettant à une Religion foit librement foit par contrainte, lorsque cette Religion plus mûrement examinée me paroît fauffe, abfurde & dangereufe.

A vingt-cinq ans on ne releve plus un jeune homme de ce qu'il peut faire, par

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