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Un autre incident, l'arrestation de l'abbé Rondel, amena une grande émotion et presque une insurrection dans les environs de Roullours. Les femmes voulurent le délivrer; elles déchirèrent les uniformes et égratignèrent les mains des militaires qui l'emmenaient. A Juvigni, à Mortain, à Vire, à Saint-Lô, où on le traîna successivement, il attendrissait la foule qui se pressait sur son passage par le spectacle des fers dont il était chargé, des mauvais traitements dont on l'accablait; il la passionnait par l'exaltation de son langage : Ayez pitié d'un chrétien qui ne la loi de Dieu et de Jésus-Christ, qui est martyr « pour la religion, qui cherche à faire rentrer en lui-même un

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prêche que

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peuple égaré et voudrait sauver tout le monde!... Peuples, « faites pénitence! vous êtes tous damnés si vous vous soumettez « à la République... Anathème à ceux qui persécutent les mi<<nistres du Seigneur! J'ai les ordres et les pouvoirs du Saint« Père Pie VI... J'entre en prison. Je suis comme saint Pierre * aux liens. Quel honneur, quelle gloire pour moi d'être martyr " pour mon Dieu, pour mon Sauveur!» Il fut condamné à la réclusion et enfermé au Mont Saint-Michel, d'où il ne tarda pas à sortir pour recommencer ses travaux apostoliques et mourir à trente ans, épuisé de travaux, de zèle et de souffrances'.

en 1792, par un croiseur anglais, sur un bâtiment destiné à la pêche de la morue; rentré en France et agent de correspondance entre les royalistes de Normandie et l'Angleterre; arrêté en janvier 1797; arrêté de nouveau et acquitté du double chef d'émigration et d'espionnage, en juin 1802; diocre. (Arch. nat., série 1, 395; comtesse de Frotté; SAROT, t. I, p. 391; FORNERON, Le prince de Bouillon, p. 15.)

BILLARD, t. I, p. 194;

personnage fort méArch. de madame la

1 Il était né à Tallevende-le-Grand, près de Vire, en 1768. Après avoir refusé le serment, il était resté dans le pays, habituellement caché dans la paroisse de Roullours, au moulin des Monts, avec plusieurs autres prêtres. Sa force physique, son agilité, son austérité, son courage et surtout l'ardent dévouement avec lequel, au milieu de périls sans cesse renaissants, il remplissait tous les devoirs de son ministère, l'avaient rendu cher aux populations. C'était par centaines, par milliers qu'elles assistaient à ses messes, à ses prédications. Les chouans y allaient aussi, en armes. Il avait même osé, sur la bruyère de Monlevou, entre Saint-Poix et le Ménil-Gilbert, organiser une véritable mission qui dura plusieurs jours: tente servant de chapelle et qu'on voyait de fort loin, réunion de prêtres réfractaires, rétractation solennelle de leur serment par d'autres qui avaient juré; plumets et dra

Une perte sensible pour le parti royaliste fut celle de La RoqueCahan.

Nous avons vu qu'il était revenu dans le pays pour tâcher d'y entretenir l'esprit de résistance et d'union parmi ses anciens compagnons. Déguisé en paysan, il parcourait les environs de Tinchebrai. Il y avait plusieurs retraites, particulièrement chez la veuve d'un ancien lieutenant de Roi, fort liée avec un fonctionnaire qu'elle épousa depuis. La Roque était caché chez elle. Elle vint à Tinchebrai pour y acheter des objets dont il avait besoin, et dans une visite à ce fonctionnaire, elle laissa échapper, par inadvertance sans doute, certaines indiscrétions sur la présence de La Roque dans sa maison. Le soir même, un détachement de quarante hommes était dirigé sur cette maison, à Saint-Jean-desBois. La Roque, par hasard ou par pressentiment, la quittait ce même soir, pour venir chercher un asile plus sûr chez sa propre mère, à la Devinière, aux portes de Tinchebrai, conduit par le fils de son hôtesse et par un chasseur de la Couronne, du nom de Defresne. Le détachement républicain les entendit causer dans

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peaux blancs, tambours et trompettes, rien ne manquait à la cérémonie. Dans l'excès de son zèle, il attaquait également toutes les institutions révolutionnaires. Ainsi il ne voulait pas qu'on portât la cocarde tricolore ni qu'on se servît des assignats, qu'il disait être le signe de la bête ». Il déclarait que si le Pape transigeait avec la Convention, on devait désobéir au Pape. Plus tard, sans nul doute, il se serait attaché, absolu, ardent et obstiné comme il l'était, à la Petite Église. Les patriotes étaient furieux contre lui et le poursuivaient avec acharnement. Une fois même, ils l'avaient cerné dans une église, au milieu d'une grande foule : une cape de femme sur la tête, il traverse leurs rangs sans être reconnu. La lettre de Duménil, commandant de l'arrondissement de Mortain, au général Cambray, commandant du département, qui annonce son arrestation (19 mars 1797; Arch. de la guerre), est pleine d'invectives, d'injures grossières. C'est un scélérat... un coquin... un monstre exécrable. » Il ne lui reproche cependant que ses exhortations et ses supplications à ses auditeurs pour les ramener à l'antique foi. Dumesny n'est pas moins violent : « L'abbé Rondel connu par ses forfaits», écrit-il au ministre de la guerre (27 mars) en se réjouissant de cette importante capture. L'abbé Rondel, poursuivi de nouveau, s'était réfugié dans une grotte inaccessible, sur la commune de Rouffigni. Il y mourut d'une attaque d'apoplexie foudroyante, en 1798. (SEGUIN, t. II, p. 275 et suiv.; Victor BRUNEL, la Révolution de 1793 et

l'abbé Rondel, Mortain, 1870, in 8°; Tirard.)

Communications de MM, V. Brunet et

l'obscurité, s'embusqua sur le bord du chemin et les saisit sans peine. L'hôtesse fut arrétée, elle aussi, mais elle s'en tira avec assez de facilité. Quant à La Roque, les autorités de Tinchebrai ordonnèrent son renvoi devant le directeur du jury de Domfront. Mais, à une demi-lieue de Tinchebrai, l'escorte, composée de six gardes nationaux, soit qu'elle obéit à un mot d'ordre donné à l'avance, comme on le crut généralement, soit qu'elle n'écoutât que la haine politique, surexcitée encore par le souvenir de l'incendie de Tinchebrai, le fusilla sur le bord de la grande route, dans l'avenue du château des Bourdeaux. On simula une attaque du convoi en tirant quelques coups de pistolet en l'air; c'était une tactique assez commune en ces tristes temps. La Roque périt ainsi misérablement. On assura que parmi les assassins s'étaient trouvés des cousins de ce malheureux qui n'avaient pas été des moins empressés à se partager ses dépouilles sanglantes. C'était le 24 mars 1797'.

1 Comte de M..., Journal, mss.; SÉGUIN, t. II, p. 315; MOULIN, Mémoires, mss.; BEAUVAIS, Aperçu de la guerre de la Vendée, p. 77 (récit controuvé); abbé DUMAINE, p. 316 (il fixe à tort la mort de La Roque au mois de juillet 1797); — Rapport de La Noë, commandant de la garde nationale de Tinchebrai (Arch. de la guerre); Etc.

Cette dernière pièce suffirait seule pour démontrer la réalité de l'assassinat, bien qu'elle ait pour but de disculper l'escorte. Aucun des hommes qui la composaient ne signe le rapport, leur nom n'est même pas indiqué; le caporal seul a fait la déclaration qui sert de base à ce document : il prétend qu'ils auraient été rejoints sur la route par trois individus armés de gros bâtons qui auraient fait route avec eux; une fusillade ayant éclaté, ces individus auraient cherché à délivrer La Roque, sur lequel alors l'escorte aurait tiré. S'étant ensuite dirigée vers le point d'où la fusillade était partie, elle aurait vu une dizaine d'individus armés s'enfuir vers un bois où elle n'avait osé les suivre. Dans ce mouvement, elle avait perdu les pièces qu'elle était chargée de porter à Domfront. Pas un garde national n'a été blessé! On ne sait ce que sont devenus les trois voyageurs! Le général Dumesny, en transmettant le rapport, omet la présence de ces individus. I suppose une collision directe entre les tirailleurs et les soldats. Il conclut ainsi : « Voilà quelques exemples où les volontaires sont forcés à cette funeste mesure de rigueur envers ces brigands. Mais si on les laissait s'échapper, combien de maux ne répandraient-ils pas dans le pays? Une autre fatalité détermine encore ce moyen : c'est que les prisonniers ne sont point bien gardés et que les scélérats trouvent le moyen de se sauver. Les concierges sont gagnés, il y a tout lieu de le croire. » (Lettre au min. de la guerre, 2 avril.) C'est, comme on le voit, l'assassinat des prisonniers à peu près érigé en système. Les égorgeurs de septembre ne tenaient pas un autre langage. Le ministre de la guerre fut moins indulgent que Dumesny. Il est malheureux, lui répondit-il le 10 avril, que le détachement ait été contraint d'en venir à cette extrémité. C'est ainsi que l'on perd la trace des éclaircissements que, par

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des voies légales, on pourrait se procurer sur les complots que l'on poursuit, et qu'on donne aux malveillants des motifs pour accuser la troupe d'indiscipline et d'actes arbitraires. Je vous invite à faire sentir à la troupe que vous commandez les inconvénients d'une semblable conduite, et à donner des ordres pour que les détachements qui conduisent des accusés soient assez forts pour prévenir toutes attaques ou les repousser avec avantage. Nous reviendrons sur ces trop fréquents

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massacres de prisonniers par leurs escortes.

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Frotté ne se faisait donc aucune illusion sur le résultat de son voyage'. Il partait sans argent, sans instructions, ne pouvant compter ni sur les sympathies du cabinet britannique, qui ne lui témoignait que de la froideur, ni sur les promesses de Roll et de du Theil, intrigants subalternes qui jouissaient, l'un auprès de Monsieur, l'autre auprès de Louis XVIII, d'un crédit dû seulement à l'excès de leur complaisance, s'il n'était mėme pas, de la part de leurs maîtres, un moyen calculé pour tenir à distance des dévouements plus utiles, mais aussi plus exigeants ou plus compromettants. Tous deux étaient de ceux

1 Rapport à Monsieur et Mémoire au duc de Berry, 1798. Roll (le baron de). D'une famille suisse du canton de Soleure; capitaine des gardes et favori de Monsieur; de lui avoir donné constam

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suspect

ment, par un dévouement maladroit, des conseils d'une prudence excessive et détesté des insurgés de l'Ouest, «trat. II, p 91, 132, 138, 143,

- disgracié vers 1798;

inopportune;
cassier et dissolvant.» (FORNERON, t. I, p. 327;

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MONTLOSIER, cité dans la Revue des Deux Mondes, 15 déc. 1874).

fort dédaigneux des Vendéens;

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-

3 Du Theil (Nicolas-François). Né vers 1760; employé à l'intendance de Paris avant la Révolution; émigré ; attaché au comte d'Artois dans l'expédition de l'ile d'Yeu; agent des Princes auprès du gouvernement anglais; suspect de duplicité et de trahison aux yeux comme Puisaye, trop disposé à soupçonner et à calomnier tous les royalistes, et abandonné par tous le jour où il tomba; rentré en France à la Restauration et demeuré sans emploi; en 1822. (FORNERON, t. II, passim ;

d'une partie de l'émigration;

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mort dans l'indigence CHATEAUBRIAND, Mémoires d'outre-tombe,

PUISAYE, fort hostile, t. III, p. 289; t. V, p. 64; — Biogr.

t. III, p. 251;
de Leipzig; des Hommes vivants;

- Etc.)

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