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à mon système'; elle consiste à objecter, qu'un très-grand nombre de citoyens n'a pas les moyens d'acheter des armes ni de suffire aux dépenses que le service peut exiger. Que concluez-vous de là? que tous ceux que vous appelez citoyens non actifs, qui ne paient point une certaine quotité d'imposition, sont déchus de ce droit essentiel du citoyen? Non ;. en général l'obstacle particulier qui empêcherait ou qui dispenserait tels individus de l'exercer ne peut empêcher qu'il appartienne à tous sans aucune distinction de fortune, et, quelle que soit sa cotisation, tout citoyen qui a pu se procurer les moyens, ou qui veut faire tous les sacrifices nécessaires pour en user, ne peut jamais être repoussé.... Cet homme n'est pas assez riche pour donner quelques jours de son temps aux assemblées publiques; je lui défendrai d'y pa raître!... Cet homme n'est point, assez riehe pour faire le service des citoyens soldats; je le lui interdis! Ce n'est pas là le langage de la raison et de la liberté ; au lieu de condamner ainsi la plus grande partie des citoyens à une espèco d'esclavage, il faudraît an contraire écarter les obstacles qui pourraient les éloigner des fonctions publiques : payez ceux qui les remplissent; îndemnisez ceux que l'intérêt public-appelle aux assemblées; équipez, armez les citoyens soldats : pour établir la liberté ce n'est pas même assez que les citoyens aient la faculté oisive de s'occuper de la chose publique, il faut encore qu'ils puissent l'exercer en effet.

» Pour moi, je l'avoue, mes idées sur ce point sont bien Hoignées de celles de beaucoup d'autres : loin de regarder la disproportion énorme des fortunes qui place la plus grande partic des richesses dans quelques mains comme un motif de dépouiller le reste de la nation de sa souveraineté inaliénable, je ne vois là pour le législateur et pour la société qu'un devoir sacré de lui fournir les moyens de recouvrer l'égalité essentielle des droits au milieu de l'inégalité inévitable des biens. Hé quoi, ce petit nombre d'hommes excessivement opulens, cette multitude infinie d'indigens n'est-elle pas en grande partie le crime des lois tyranniques et des gouvernemens corrompus! Quelle manière de l'expier que d'ajouter à fa privation des avantages de la fortune l'opprobre de l'exhé

rédation politique, afin d'accumuler sur quelques têtes privilégiées toutes les richesses et tout le pouvoir, et sur le reste des hommes toutes les humiliations et toute la misère ! Certes il faut ou soutenir que l'humanité, la justice, les droits du peuple sont de vains noms, ou convenir que ce système n'est point si absurde.

» Au reste, pour me renfermer dans l'objet de cette discussion, je conclus de ce que j'ai dit que l'Etat doit faire les dépenses nécessaires pour mettre les citoyens en état de remplir les fonctions de gardes nationales, qu'il doit les armer, qu'il doit, comme en Suisse, les salarier lorsqu'ils abandonnent leurs foyers pour le défendre. Eh! quelle dépense publique fut jamais plus nécessaire et plus sacrée ! Quelle serait cette étrange économie qui, prodiguant tout au luxe funeste et corrupteur des cours ou au faste des suppôts du despotisme, refuserait tout au besoin des fonctionnaires publics et des défenseurs de la liberté! Que pourrait-elle annoncer, si ce n'est qu'on préfère le despotisme à l'argent, et l'argent à la vertu et à la liberté ! »

Le rapporteur (M. Rabaut.) « J'ai entendu avec satisfaction les idées que l'opinant vient d'exposer. J'observe que si l'on en excepte l'admission des citoyens non actifs, pour laquelle j'aurais du penchant, mais contre laquelle s'élèvent des décrets formels, nous sommes entièrement de son avis. Je pourrais citer un ancien : deux hommes se présentaient; l'un dit ce qu'il fallait faire, l'autre dit je l'ai fait. Je dis moi que tout ce qu'on demande est dans le plan des comités.»

La discussion fut remise au lendemain ; M. Robespierre la rouvrit en rappelant sa proposition relative aux citoyens non actifs.

M. Dubois-Crance (28 avril 1791.) Il est important de détruire un préjugé qui pourrait être dangereux par ses conséquences. On propose d'écarter de la garde nationale les citoyens inactifs: il n'est pas d'autres citoyens inactifs que les mendians et les vagabonds; car tout citoyen ayant un genre quelconque d'industrie ou un endroit pour se mettre à couvert acquitie toujours trente ou quarante sous d'impo

sition. Il ne faut donc entendre par eitoyens inactifs que la classe qu'il faut surveiller sans cesse ; et personne sans doute ne veut procurer à cette classe les moyens de détrousser les passans ou même de fouiller dans les poches des gardes nationales. » (Applaudissemens.)

M: Pétion (même séance). Vous avez décidé que tous les citoyens actifs seraient tenus de s'inscrire sur les registres des gardes nationales: cette obligation n'est pas un titre d'exclusion pour les citoyens non actifs; votre intention n'est pas d'établir une ligne de démarcation qui serait on ne peut pas plus funeste. La défense de la patrie n'est pas un droit constitutionnel, mais un droit qu'on tient de la nature. La qualité de citoyen découlé essentiellement de celle de domicilié ; il suffit donc d'être domicilié pour appartenir à une nation et pour avoir un titre comme un intérêt à la défendre. On dit que de tel's hommes sont suspects, qu'ils sont redoutables... Mais c'est pour cela même qu'il faut les placer au milieu d'une forte par laquelle ils seront contenus ; qu'ils pourront augmenter, et qu'ils seront impuissan's à'attaquer. Je conclus à ce que la proposition de M. Robespierre soit adoptée. »

D

M. Rabaut, rapporteur (même séance). « Je demande la, parole pour exposer des vues générales qui pourront éclairer la discussion. Vos comités s'acquittent avec plaisir du devoir de justifier le plan de décret qu'ils vous ont présenté pour l'organisation des gardes nationales. Les principes qui les ont guidés étaient déjà consignés dans un rapport général qui vous avait été fait sur l'organisation de la force publique; ils étaient dictés par vos décrets constitutionnels, dont leurs articles ne sont que le développement, et des yeux exercés ont dû les découvrir dans ces articles mêmes et dans la liaison de toutes les parties du décret; car, pour des législateurs habitués depuis deux ans à saisir dans le simple énoncé de la loi le principe qui l'a dictée, la lecture du projet de décret a dû offrir dans ses résultats les motifs qui nous avaient inspirés. Cependant il a été attaqué, et ce qu'il est important de remarquer c'est qu'on lui areproché deux défauts absolument contraires, qu'il était trop militaire et qu'il ne l'était pas assez. Un des opinans, effrayé

de cette puissante armée de ligue que vous avez mise dans la main du pouvoir exécutif, en prévoyant avec raison, je le dis avec lui, que cette force pourrait être un jour dan→ gereuse à la liberté, n'a pas trouvé d'autre moyen que de Jui opposer la force même de la nation, de mettre en équilibre armée contre armée, de donner l'armée nationale à mouvoir au corps législatif, ce qui nous présenterait le spectacle effrayant des deux pouvoirs rivaux se mesurant toujours l'un et l'autre, et toujours prêts à se livrer le combat.

» Aux yeux de l'opinant les comités avaient sacrifié la nation; ils la désarmaient, et la livraient pieds et poings liés à l'armée du pouvoir exécutif. Il n'avait pas observé que l'armée de cent cinquante mille hommes que vous avez décrétée et les cent mille auxiliaires que vous y avez joints ne sont pas une disposition constitutionnelle, mais une mesure que les circonstances vous ont dictée; que chaque législature a le pouvoir d'augmenter ou de diminuer le nombre des défenseurs de l'État et d'en régler la solde; que surtout il n'est jamais permis de sacrifier les principes; que c'est un principe constitutionnel que la nation, considérée sous le nom de garde nationale, n'est pas un corps militaire, et qu'il y a d'autres remèdes au nombre où au pouvoir de l'armée de ligne que celui de créer la nation en corps d'armée pour tenir les soldats en échec. Cet opinant trouvait donc que notre garde nationale n'était pas assez militaire. Elle l'était trop au gré d'un autre opinant, dont tout le système se réduit en dernière analyse à donner des armes à tous les citoyens, mais à ne pas les organiser, ce qui n'est pas un système, mais la simple énonciation de cette proposition, que tous les citoyens aient des armes pour en faire usage quand ils en seront requis............. Ce n'est pas là l'organisation que vous nous avez demandée. Il paraît que l'opinant n'a pas prévu le cas où l'État serait exposé à des incursions étrangères, et où des citoyens sans organisation seraient absolument hors d'état de le défendre, surtout si, comme il le souhaite avec raison, l'armée de ligne était diminuéé. Qu'it soit permis à vos comités de vous faire ici observer leur situation, et par conséquent la vôtre, entre deux écueils qu'ils devaient éviter soigneusement; créer la nation en corps,

darinée était la plus dangereuse monstruosité qu'il fût possible d'imaginer.

» Vos comités, justement alarmés des idées guerrières qui tout-à-coup semblaient s'être emparées de la nation, du goût pour ces décorations militaires reste de notre ancienne servitude, de cet espoir d'avancement qui animait tant d'esprits, de la jalousie des grades et des distinctions, de cette rivalité qui s'établissait entre ce qu'on appelait l'armée nationale et l'armée de ligne, entretenue par les préjugés de celle-ci ; vos comités n'épargnèrent rien pour détruire ces dangereuses semences, desquelles devaient naître la destruction de notre liberté naissante. Leur rapporteur s'exprima avec force à ce sujet il y a plus de cinq mois; il posa les souverains principes à cet égard, et c'est sur la proposition de votre comité de constitution que vous avez décrété au mois de décembre dernier que la nation armée pour sa défense ne formait point un corps militaire. Il espéra que les progrès mêmes de la liberté dissiperaient ces préjugés d'une nation de tout temps belliqueuse, et qu'enfin ce moment viendrait où nos citoyens ne se croiraient pas avilis parce que vous n'en feriez pas des soldats dans cet espoir il s'est refusé long-temps aux instances de ceux qui le pressaient de vous rapporter ce travail; il pensait et je pense encore que ce devait être le dernier de vos travaux.

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» L'autre écueil qu'il devait éviter c'était de ne pas décourager cette multitude de braves citoyens, ces conquérans de la liberté qui savaient qu'elle avait besoin encore de défenseurs, qui la voyaient toujours menacée, et qui, revêtus d'un uniforme guerrier, semblaient redouter les mépris de votre armée de ligne.

»Ne nions pas cette faiblesse; ne craignons pas de dire la vérité; cette susceptibilité n'était pas sans fondement : l'esprit militaire est de sa nature méprisant; l'orgueil des titres de supériorité, chers aux âmes faibles et qui n'en ont pas d'autres, ajouta ce penchant au dédain. Les gardes nationales étaient les instrumens de la révolution; une foule d'officiers de ligne s'en déclarèrent hautement les ennemis; leur mépris aurait été d'autant plus dur pour les citoyens qu'il aurait été fortifié de la haine et fondé sur des opinions

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