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CHAPITRE I.

Patrie de Synésius. Sa famille. Il va étudier à Alexandrie. — Hypatie. Voyage de Synésius à Athènes. Son retour dans la Cyrénaïque.

Plus de six cents ans avant l'ère chrétienne, les habitants de Théra, île occupée par les Lacédémoniens, vinrent, sous la conduite de Battus, fonder une colonie sur les côtes de l'Afrique. Cyrène fut la première cité qu'ils bâtirent; mais plus tard il s'en éleva d'autres : Ptolémaïs, Arsinoë, Bérénice et Apollonie furent les principales. La Cyrénaïque, appelée aussi Pentapole à cause de ses cinq villes, devint bientôt florissante célèbre pour la fertilité de son territoire, elle s'enrichit par le commerce et s'illustra par la gloire des lettres et des arts. Pindare chantait ses rois, vainqueurs aux jeux publics de la Grèce; on vantait ses philosophes Aristippe, Carnéade et Antipater, et son poëte Callimaque; son géographe Eratosthènes s'était acquis une juste célébrité par l'étendue de ses connaissances.

Gouvernée d'abord par la race de Battus, divisée plus tard en républiques, la Pentapole passa ensuite sous la domination des rois d'Égypte, pour n'être plus enfin qu'une province de l'empire romain. A partir de cette époque, sa prospérité déclina, et vers le milieu du quatrième siècle après J.-C., elle avait perdu à peu près toute son importance. Cyrène surtout était déchue de son ancienne splendeur (1);

(1) Cyrene, urbs antiqua, sed deserta, dit Ammien-Marcellin, Liv. XXII.

elle n'avait pas même gardé son titre de métropole : Ptolémaïs le lui avait enlevé.

C'est dans la ville fondée par Battus que naquit Synésius, probablement vers l'an 370 (1). Sa famille était riche, l'une des plus nobles: il la fait remonter jusqu'à Eurysthène, descendant d'Hercule, qui vint avec les Doriens s'établir dans le Peloponèse, onze siècles avant J.-C. On lisait, dans les registres publics de Cyrène, la succession de ses ancêtres, et l'on montrait encore leurs tombeaux (2). Souvent, faisant allusion à ces souvenirs, il appelle Sparte sa patrie. A ce compte, sa race aurait eu plus de quinze cents ans d'antiquité: nul au monde n'aurait pu, j'imagine, se glorifier d'une généalogie aussi reculée (3).

(1) Aucun doute sur le lieu de sa naissance: Tv untépa Kuphuny, dit-il lui même (L ́IV). Quant à l'époque où il náquit, nous manquons de témoignages positifs; on ne peut faire que des conjectures à cet égard. Les uns le font naître en 379; les autres reculent sa naissance jusqu'en 350. Aucune de ces deux dates ne me paraît probable. Synésius se maria en 403 ou 404; presque tous ses écrits sont composés après 400; dans l'un d'eux (Hymne VIII, vers 14), il parle encore de sa jeunesse; au moment où il vient d'être élevé à l'épiscopat, il est jeune par rapport aux prêtres qui l'entourent (L. LXXII). J'ajoute que de toutes ses lettres, si nombreuses, aucune n'est antérieure à l'an 395. Je ne puis donc croire qu'il soit né en 350. D'un autre côté, comment admettre qu'il n'ait eu que dix-huit à dix-neuf ans quand il fut député à Constantinople, en 397? Dans son discours, prononcé devant Arcadius, au plus tard en 400, pour expliquer la liberté de son langage, il revient à plusieurs reprises sur ce point qu'il s'adresse à un jeune prince : cela se comprendrait-il, si lui-même eût été aussi jeune, plus jeune même que l'Empereur? Parmi les nombreuses raisons qu'il donne pour refuser l'épiscopat, en 409, il n'allègue point sa trop grande jeunesse; loin de là, dans deux lettres écrites, l'année suivante, à Auxence (L. LX et CXVI), il invoque son âge mûr. La date 370, que nous avons fixée approximativement, nous parait concilier toutes les difficultés.

(2) Απ' Εὐρυσθένους τοῦ καταγαγόντος Δωριέας εἰς Σπάρτην μέχρι τοῦ ἐμοῦ πατρὸς ἀἱ διαδοχαὶ ταῖς δημοσίαις ἐνεκολάφθησαν κύρβεσιν. Ι. LVII. — ς (Κυρήνης) αἱ δημόσιαι κύρβεις μέχρις ἐμοῦ κατάγουσι τὰς ἀφ' Ηρακλέους διαδοχάς (Catast. 1). Τῶν πάππων τοὺς ταφους οὐκ ἀτίμους ὁρῶν (L. (ΧΧΙV).

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(3) Gibbon, dans son Histoire de la décadence de l'empire romain (t. VI dé l'édition dé M. Guizót, p. 9 et sûiv.), parle du peu d'ancienneté des mai

Le paganisme devait être, pour le descendant d'Hercule, une religion de famille. Quoique le nouveau culte dominât alors dans la Cyrénaïque, Synésius fut élevé dans les anciennes croyances. Il perdit sans doute ses parents de bonne heure, car il n'en parle nulle part. Son père, homme riche, avait eu, je pense, du goût pour la littérature, puisqu'il laissa des livres, héritage que son fils recueillit précieusement et qu'il s'efforça d'accroître (Dion, 59 D) (1). Synésius eut un frère plus âgé que lui, auquel il adresse un grand nombre de lettres, Évoptius, qui lui succéda sans doute comme évêque de Ptolémaïs (2). Cet Évoptius, qui vivait

sons patriciennes, à Rome, vers la fin du ive siècle. Tous les grands noms avaient disparu. La famille Anicienne, qui tenait le premier rang, depuis l'extinction de tant de familles illustres, ne remontait pas au delà de deux siècles avant l'ère chrétienne.

(1. Toutes nos indications se rapportent à l'édition de 1640, du P. Pétau. Le P. Pélau en avait donné une autre auparavant, en 1612. — Dans les deux éditions, nous trouvons cent cinquante-six lettres de Synésius; mais dans P'une et dans l'autre également l'ordre des numéros est mal donné. Ainsi 79, 113 et 129 sont répétés deux fois de suite, 101 et 104 sont omis. Nous ne parlons point des autres erreurs. Voilà pourquoi la dernière lettre porte le numéro 155. Dans nos citations, nous donnons toujours le numéro rectifié, mais en le faisant suivre, s'il y a lieu, en chiffres arabes, du numéro que porte la lettre dans les éditions du P. Pétau, afin de faciliter les recherches.

́(2) Il y eut du moins, parmi les Pères qui assistèrent au concile d'Ephèse, en 431, un Evoptius, évêque de Ptolemais. Lenain de Tillemont, dans son Histoire ecclésiastique (Vie de Synésius, t. XII), dit qu'Evoptius était le plus jeune des deux fières. Mais le texte auquel il renvoie prouve, ce me semble, tout le contraire : ὅτι μὲν ἡμᾶς εἴκειν ἡγὴ τοῖς σαυτοῦ π οστάγμασιν (οὕτω γὰρ γέγραφας), καλώς γε ποιεῖς, καὶ δίκαια περὶ ἡμῶν φρονεῖς, καὶ πολλὰ καγαθά σοι οίνοιτο διὰ τοῦτο· ὡς ἀπέχομέν γε τὴν χάριν, ἐι δή τις ὀφειλεται καὶ νεωτέρῳ παρ' ἀδελφοῦ πρεσβυτέρου του πέιθεσθαι χάρις (L. XLV, 94). Le P. Pétau suppose que Synésius eut un autre frère, nommé Anastase: «Mais, » observe justement Tillemont, c'est dans un seul endroit que Synésius parle » de son frère Anastase, et dans une lettre déjà écrite à un Anastase; et » ce qui donne encore plus sujet de craindre qu'il n'y ait faute, c'est que » dans son hymne VIII, il prie Dieu de lui conserver son frère et sa sœur. » Pourquoi ne demandait-il pas pour ses deux frères, s'il en avait deux? » Si ce mot adeλós, dans la lettre LXXIX, ne s'est point introduit par une

tantôt à Alexandrie, tantôt à Cyrène, fnt sénateur dans cette dernière ville, honneur pesant, car Synésius demande qu'onen délivre son frè e (1). Il avait aussi une sœur, nommée Stratonice, célèbre pour sa beauté ; il lui éleva une statue, et mit au bas cette inscription :

C'est la belle Vénus, si ce n'est Stratonice.

Cette sœur avait épousé Théodose, un des officiers de l'Empereur (L. LXXV). Nous trouvons encore dans les lettres de Synésius les noms de quelques personnes qui lui étaient attachées par les liens du sang et de l'amitié. Il cite avec éloge Hérode et Diogène; ce dernier, fils de Maximin, avait été un magistrat distingué; à la tête des troupes, il s'était signalé dans la Cyrénaïque (L. XCXVIII—108 bis et CXXXI-130). Un autre de ses parents, Alexandre, s'était acquis comme philosophe une certaine célébrité (L. CL—149).

Élevé avec un compagnon de son âge, appelé Auxence (L. LX), Synésius passa sans doute ses premières années à Cyrène. Dès qu'il fut en âge de porter les armes, il suivit probablement la carrière militaire; du moins un passage d'une de ses lettres peut le faire croire (2). Mais l'étude avait pour lui plus d'attraits; ses progrès furent rapides, car bientôt il dut aller chercher au loin des maîtres que sa patrie ne pouvait lui fournir. « Si chère que me soit Cy» rène, dit-il quelque part, je dois convenir qu'elle est

erreur de copiste, il ne faut y voir qu'une expression de tendresse de Synésius pour Anastase. D'ailleurs lui-même dit formellement quelque part Nous ne sommes que deux frères, öveç àôeλpal dúo. » L. CXIX— 109 bis.

(1) ὅτι δὲ ἐν τοῖς βουλευταῖς καὶ τὸν ἐμὸν ἀδελφὸν ἀξιοῖς ἀριθμεῖν, ἀλλ' οὐκ ἀπαλείφεις τὴν οἰκίαν ἀπὸ τοῦ πονηροῦ βιβλίου. L XII-92.

(2) Οἶσθα τὸν νεανίσκον ὑπὸ τοὺς αὐτοὺς ἡμῖν χρόνους ἐπὶ στρατοπέδου διαγαyovτa. L. CXXVII.

» devenue, je ne sais comment, rebelle à la philosophie. (L. CXXXIX—138.)

Entrepôt du commerce d'Orient, Alexandrie offrait aussi un asile à toutes les sciences. Puissante, populeuse, embellie par les merveilles des arts, et fière de ses richesses intellectuelles, elle appelait à elle des étrangers de tous les pays. Toutes les idées et toutes les nations se trouvaient représentées à Alexandrie; les marchands affluaient à son port, comme les disciples à ses écoles. A côté de l'observatoire bâti par les Lagides, s'élevait cette fameuse bib'iothèque dont les collections s'étaient accrues sous plusieurs empereurs. Les deux cultes opposés avaient chacun leur enseignement, leur université, pour ainsi dire. Tandis que les chrétiens professaient au modeste Didascalée qu'ils avaient ouvert, le Musée, avec ses trésors scientifiques, appartenait toujours aux hellénistes. Mathématiques, histoire, philosophie, littérature, il n'était aucune connaissance humaine qui n'eût sa place dans cette somptueuse école. La population tout entière semblait animée d'une vive ardeur pour la science: ingénieuse, subtile, avide de doctrines, elle se pressait autour de la chaire d'un professeur : quelquefois même dans la rue, le premier venu retenait la foule attentive à ses leçons improvisées. Des portefaix enseignaient la philosophie.

Tel avait été, en effet, le métier qu'exerça d'abord le fondateur de l'école néoplatonicienne. Comme c'était surtout à Alexandrie que cette école compta des disciples, Alexandrie fut le siége de la nouvelle philosophie. Synésius vint pour y étudier les doctrines alors florissantes (1). A défaut de successeurs inspirés, Ammonius Saccas, Plo

(1) Le séjour de Synésius à Alexandrie est antérieur à son voyage à Constantinople; car dans son discours à Pæonius, composé pendant son ambassade, il parle des leçons qu'il avait reçues d'Hypatie : Ősa μot suveuπÓρηJEV ή σεβασμιωτάτη διδάσκαλος. 311. A. C'est entre ces deux époques que doit

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