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honneur. Je joindrai à cette édition un Effai fur la poéfie épique qui ne fera point la traduction 1728. d'un embryon anglais mal formé, mais un ouvrage complet et très-curieux pour ceux qui, quoique nés en France, veulent avoir une idée du goût des autres nations. Vous me mandez que des dévots, gens de mauvaise foi ou de très-peu de fens, ont trouvé à redire que j'aye ofé, dans un poëme qui n'eft point un colifichet de roman, peindre DIEU comme un être plein de bonté et indulgent aux fottifes de l'efpèce humaine. Ces faquins-là feront tant qu'il leur plaira de DIEU un tyran; je ne le regarderai pas moins comme auffi bon et auffi fage que ces meffieurs font fots et méchane.

Je me flatte que vous êtes pour le présent avec votre frère. Je ne crois pas que vous fuiviez le commerce comme lui; mais fi vous le pouviez faire, j'en ferais fort aife; car il vaut mieux être maître d'une boutique, que dépendant dans une grande maison. Inftruifez-moi un peu de l'état de vos affaires, et écrivez-moi, je vous en prie, plus fouvent que je ne vous écris. Je vis dans une retraite dont je n'ai rien à vous mander, au lieu que vous êtes dans Paris où vous voyez tous les jours des folies nouvelles qui peuvent encore réjouir votre pauvre ami, affez malheureux pour n'en plus faire.

Je voudrais bien favoir où eft madame de Bernières, et ce que fait le chevalier anglais Defalleurs: mais far tout parlez-moi de vous, à qui =je m'intérefferai toute ma vie avec toute la

tendreffe d'un homme qui ne trouve rien au 1728. monde de fi doux que de vous aimer.

J

LETTRE XXXIV.

A M. DE FORM ON T.
Ce jeudi.

E ferais un homme bien ingrat, Monfieur, f 1730. en arrivant à Paris je ne commençais pas par vous remercier de toutes vos bontés. Je regarde mon voyage de Rouen comme un des plus heureux événemens de ma vie. Quand nos éditions fe noieraient en chemin, quand Eriphyle et JulesCéfar feraient fifflés, j'aurais bien de quoi me. dédommager puifque je vous ai connu. Il ne me refte pius à préfent d'autre envie que de revenir vous voir. Le féjour de Paris commence à m'é. pouvanter. On ne penfe point au milieu du tintamarre de cette maudite ville.

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Carmina feceffum fcribentis et otia quærunt.

Je commençais un peu à philofopher avec vous, mais je ne fais fi j'aurai pris une affez bonne dofe de philofophie pour réfifter au train de Paris. Puifque vous n'avez plus foin de moi, ayez donc la bonté de donner à Henri IV les momens que vous employiez avec l'auteur. J'aurais bien mieux aimé que vous euffiez corrigé mes fautes que celles de Jore. Vous êtes un peu plus févère que M. de Cideville, mais vous ne l'êtes pas affez. Dorénavant, quand je ferai quelque chofe, je veux que vous me coupiez bras et jambes. Adieu;

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e ne vous mande aucune nouvelle, parce que je l'ai pas encore vu et même ne verraï de longemps aucun de ces fous qu'on appelle le beau 1onde. Je vous embraffe de tout mon coeur, et ne compte quelque chofe de plus que votre trèshumble et très-obéiflant ferviteur; car je fuis votre ami, et vous fuis tendrement attaché pour Coute ma vie.

LETTRE

XXX V.

A MADEMOISELLE GAUSSIN.

Décembre.

PRODIGE,
RODIGE, je vous préfente une Henriade; c'eft

un ouvrage bien férieux pour votre age; mais qui
joue Tullie eft capable de lire, et il est bien jufte
que j'offre mes ouvrages à celle qui les embellit.
J'ai perfé mourir cette nuit, et je fuis dans un
bien trifte état; fans cela, je ferais à vos pieds
pour vous remercier de l'honneur que vous me
faites aujourd'hui. La pièce eft indigne de vous;
mais comptez que vous allez acquérir bien de la
gloire en répandant vos grâces fur mon rôle de
Tullie. Ce fera à vous qu'on aura l'obligation du
fuccès. Mais pour cela fouvenez-vous de ne rien
précipiter, d'animer tout, de méler des foupirs à
votre déclamation, de mettre de grands temps.
Sur-tout jouez avec beaucoup d'ame et de force
la fin du couplet de votre premier acte. Mettez de
la terreur, des fanglois et de grands temps dans
le dernier morceau. Paraiffez y défefpérée, et
vous allez défefpérer vos rivales. Adieu, prodige.

1730.

Ne vous découragez pas ; fongez que vous avez 1730. joué à merveille aux répétitions; qu'il ne vous a manqué hier que d'être hardie. Votre timidité même vous fait honneur. Il faut prendre demain votre revanche. J'ai vu tomber Mariamne, et je l'ai vue fe relever.

1731.

Au nom de Dieu, foyez tranquille. Quand même cela n'irait pas bien, qu'importe ? Vous n'avez que quinze ans, et tout ce qu'on pourra dire, c'eft que vous n'êtes pas ce que vous ferez un jour. Pour moi, je n'ai que des remercimens à vous faire; mais fi vous n'avez pas quelque fenfibilité pour ma tendre et refpectueufe amitié, vous ne jouerez jamais le tragique. Commencez par avoir de l'amitié pour moi, qui vous aime en père,et vous jouerez mon rôle d'une manière intéreffante. Adieu; il ne tient qu'à vous d'étre divine demain.

LETTRE XXXVI.

A M. FAVIERES,

TRADUCTEUR D'UN POEME LATIN SUR LE
PRINTEMPS.

JE

4 mars.

E vous fuis très- obligé, mon cher Favières, des vers latins et français que vous aviez bien voulu m'envoyer. Je ne fais point qui eft l'auteur des latins; mais je le félicite, quel qu'il foit, fur le goût qu'il a, fur fon harmonic, et fur le choix de fa bonne latinité, et fur-tout de l'efpèce convenable à fon fujet. Rien

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Rien n'est fi commun que des vers latins, dans lefquels on méle le ftyle de Virgile avec celui de 1731. - Térence, ou des épîtres d'Horace. Ici il paraît que Pauteur s'eft toujours fervi de ces expreffions tendres et harmonieufes qu'on trouve dans les églogues de Virgile, dans Tibulle, dans Properce, et même dans quelques endroits de Pétrone, qui refpirent la molleffe et la volupté. Je fuis enchanté de ces vers:

Ridet ager, lafcivit humus, nova nafcitur arbes;
Bofia lefcive jungunt repetita columbæ.

Et en parlant de l'Amour,

Vulnere qui certo lædere pectus amat.

Je n'oublierai pas cet endroit où il parle des plaifirs qui fuient avec la jeuneffe.

Sic fugit humanæ tempeftas aurea vitæ,
Arguti fugiunt, agmina blanda, joci.

Je citerais trop de vers, fi je marquais tout ceux dont j'ai goûté la force et l'énergie.

Mais quoique l'ouvrage foit rempli de feu et de nobleffe, je confeillerais plutôt à un homme qui aurait du goût et du talent pour la littérature, de les employer à faire des vers français. C'eft à ceux qui peuvent cultiver les belles lettres avec avantage à faire à notre langue l'honneur qu'elle mérite. Plus on a fait provifion des richeffes de l'antiquité, et plus on eft dans l'obligation de les tranf porter en fon pays. Ce n'eft pas à ceux qui méprifent Virgile, mais à ceux qui le poffèdent, d'écrire en français.

Venons maintenant, mon cher Favières, à votre
T. 79. Correfp. générale. T. I.

G

L

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