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Maître Michael, répondit l'officier, le grand voile des ténèbres et la grande voix de l'orage sont les bienvenus, ce que j'ai à vous dire doit se dire à demi voix : c'est une étrange demande que j'ai à vous faire.

-Entrez donc, fit le sombre hôtellier, si ni la foudre ni l'obscurité ne vous font peur, vous pouvez me suivre.

Frantz entra et voulut s'asseoir dans l'auberge, Michael lui dit :

- Suivez-moi par ici, seigneur officier, des entretiens comme celui que vous me demandez ne se font pas dans une auberge.

Les deux personnages de cette scène nocturne arrivèrent dans un corps de bâtiment attenant à l'auberge. Arrivé là, Frantz ayant raconté son infortune dit à Michael :

- Je veux que vous tuiez mon cousin.

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- C'est bon; écoutez alors, je tiens déjà la vengeance.

Ici Michael parla bas à l'officier. Ce qu'il lui dit était terrible, car Frantz devint blanc comme un linceul.

- Eh bien, s'écria Michael, trois cents pièces d'or, est-ce un marché fait? -C'est fait, s'écria l'officier pâle et troublé, Satan l'a emporté. Une heure plus tard, on aurait pu voir Frantz au milieu des éclairs, courant éperdu dans les champs, pâle et couvert de sueur.

Cependant le temps du mariage de la nièce du défunt avec Carl, son cousin, approchait, vingt jours seulement les séparait de cette heureuse époque.

Êtes-vous allé à Munsterberg? lui demanda sa fiancée.

-Oui, répondit Carl, j'ai trouvé à l'auberge de Michael, l'homme qui devait me vendre les laines françaises que nous attendons... Mais une singulière aventure m'y est arrivée.

- Laquelle ?

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Quelque insecte de nuit vous aura mordu, Carl, dit sa fiancée, ce n'est pas dangereux?

Pourtant le jour de l'hymen s'avançait, le lieutenant Frantz, l'amant repoussé, avait gaiment paru prendre son parti. Tout Breslau s'attendait à voir ce mariage s'accomplir quand une terrible catastrophe vint frapper cette ville d'épouvante et d'horreur,

Carl, le jeune cousin préféré devint tout à coup triste et rêveur, puis il perdit sa fraîcheur, son teint se plomba, ses yeux brillèrent d'une rage sauvage; bientôt il eut des envies étranges, des envies de mordre et d'assassiner... Bientôt enfin ce malheureux fut voué à la mort!... Carl était hydrophobe !!!

Dans les villes de l'Allemagne la rage est considérée comme une maladie incurable; on peut juger de l'effroi qui s'empara de chacun. Déjà depuis trois ans sept personnes avaient été, même au cœur de l'hiver, frappées de ce fléau de Dieu. On lia le malade, et après un certain temps passé dans l'une des salles de la maison commune, on le voua à la mort.

Carl, ce noble et bon jeune homme, fut étouffé sous des matelas... A mesure que l'on pressait la victime, sa face se colorait d'une rage affreuse; il expira en crachant une écume sanglante!

Carl fut enterré par sa cousine, qui prit son deuil pour ne pas le porter long-temps. La pauvre enfant mourut huit jours après le trépas de

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Michael. Je l'ai dit déjà... Je les rendais enragés quand il fallait débarrasser la terre d'un homme. Le présidént. de l'hiver.

- Comment pouviez-vous inoculer la rage au milieu

Michael. On a trouvé chez moi un brâsier énorme. Le chien qui devait être attaqué d'hydrophobie était enfermé dans la chambre où ce brâsier était allumé; on lui donnait à manger, mais non pas à boire !... Après sept heures de séjour dans cette fournaise ardente, l'animal était enragé.

Le président.

Comment vous êtes-vous risqué à introduire l'animal dans la chambre de la victime, vous pouviez être mordu vous-même, Michael. Non, président, dans nos travaux je porte toujours un costume, un masque et des gants de peau de buffle avec lesquels je ne erains rien, j'étrangle même le chien qui m'a servi sans avoir rien à redouter.

Michael Kauffmann avoue que c'est lui qui fut l'auteur de la mort de plusieurs personnes frappées par l'hydrophobie; il a été poussé à ces forfaits par la cupidité. Ils sont la source impure de sa fortune.

Séance tenante, les avocats des prévenus ayant renoncé à prendre la parole, les juges ont ordonné que Michael Kauffmann et Frantz, bas officier des troupes prussiennes, seraient mis à mort sur la place de Breslau.

(L'Audience).

TABLETTES DES CINQ JOURS.

Faits divers.

20 juin. Une scène sanglante s'est passée avant-hier après-midi rue du Musée. Un monsieur descendant dans cette rus se trouva pris tout à coup entre une voiture et un brancard chargé de meubles porté par deux commissionnaires. Craignant d'être écrasé par la voiture, ce monsieur se réfugia contre le brancard, et invita les commissionnaires à s'arrêter; mais ceux-ci ne tenant aucun compte de sa prière, le serrèrent tellement, que son habit ayant été pris dans un crochet fut déchiré d'un bout à l'autre. Lorsque la voiture eut dépassé le brancard, il reprocha vivement cette mauvaise action aux commissionnaires qui n'avaient pas craint d'exposer sa vie plutôt que de s'arrêter un seul instant.

L'un d'eux, fort mécontent du reproche et très irrascible, à ce qu'il paraît, se précipita sur lui et lui asséna plusieurs coups de poing. Le monsieur riposta, et une lutte acharnée s'établit entre eux, lutte dans laquelle le commissionnaire eut le dessous et fut forcé de crier merci, après avoir eu la figure tout ensanglantée. Les gardes municipaux du poste du Château-d'Eau, prévenus de cette rixe, se rendirent sur-le-champ auprès des combattans, et empêchèrent par leur intervention qu'elle n'eût un résultat plus funeste.

-La Gazette Turque du 25 rebi (18 mai), contient un exemple de la manière dont les musulmans entendent la justice :

« Un nommé Dschilau, dit ce journal, employé au ministère du commerce, a commis un meurtre sur la personne du fils de l'effendi Kadreh-Allah. La culpabilité de Dschilau, à défaut de témoins, n'a pas pu être prouvée, mais tous les indices étant contre lui, il a été condamné a dix ans de travaux forcés et à 10,000 fr. d'amende.

On lit dans le nouvel Almanach royal de la Saxe :

« La population du royaume monte à 1,687,141 hommes. Les produits de mines ont rapporté, en 1839, la somme de 7 millions environ. L'industrie lainière est considérable. On compte 3 à 4,000 métiers qui donnent tous les ans 160,000 pièces de drap. Les principales fabriques de soie sont à Annaberg, à Pening et à Traukenberg. Le budget des finances présente, depuis 1840 jusqu'à 1842, 15,896,176 fr. de revenu, et 15,214,966 fr. de dépense. La dette de l'État monte à 36,908,327 fr. » Par décret du 21 avril 1841, approuvé le même jour par S. S. le pape Grégoire XVI, la congrégation générale de l'Inquisition romaine et universelle a déclaré l'exercice du magnétisme illicite. « Usum magnetismi prout exponitur non licere. » Telles sont les paroles du décret de l'inquisition auxquelles est ajouté l'approbavit du pape.

21. - A l'occasion du prix de vertu que l'Académie vient de décerner à l'acteur Moëssard, le Temps rapporte l'anecdote suivante, qui jus!ifie à la fois les excellentes habitudes du lauréat et la bonne opinion qu'on a de lui Moëssard était un jour en scène; il avait à maudire une fille coupable; déjà il levait les mains avec toute la solennité voulue, lorsqu'une voix cria d'une loge d'avant-scène : « Moëssard ne la maudissez pas, elle peut se corriger. » Et Moëssard ne la maudit pas.

22. Un fâcheux accident est arrivé hier à la barrière de l'Étoile. Dans un maison en construction où l'on est en train de creuser un puits, les ouvriers ayant rencontré un banc de roches, ont été obligés d'employer la mine pour en faire l'extraction. Au moment où une explosion venait d'avoir lieu, un ouvrier descendit pour en retirer les morceaux qu'elle avait fait éclater; mais la colonne d'air qui pèse sur l'orifice du puits avait empêché la fumée de s'évaporer, et lorsqu'il arriva dans le bas, il se sentit suffoqué et s'écria: « Remontez-moi! » Malheureusement, les forces lui manquèrent avant qu'on eût pu opérer son ascension, et il tomba au fond du précipice, où il a été asphyxié. Cet homme, âgé de 29 ans, était marié et père de famille.

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de l'après-midi, et a quitté notre rade pour se rendre à Toulon. Nos quais étaient couverts de curieux pour le voir appareiller et pour juger de sa marche. Poussé par une jolie brise de N.-N.-E., le Friedland, paré de toutes ses voiles, filait avec une telle rapidité, qu'en moins de deux heures, il avait disparu. Il est allé louvoyer dans l'après-midi, sous les côtes d'Angleterre, et le soir il a été en vue, en dehors de la digue, à une distance d'un myriamètre et demi environ. Comme tous les navires faits jusqu'ici à Cherbourg, le Friedland fait honneur aux ingénieurs qui ont dirigé sa construction. »

24. — Un télégraphe de nuit et de jour vient d'être inventé par un industriel de Perpignan. Ce télégraphe emploie les signaux de la télégraphie ordinaire; seulement il les exécute avec des branches peintes en blanc, opérant sur un fond noir, et la nuit il lui suffit d'éclairer son appareil par réflection pour continuer à le faire marcher; alors les signaux se détachent en lignes de feu sur le fond noir. Un essai de ce télégraphe vient d'être fait à Perpignan, en présence de MM. Mathieu et Savary, de l'Observatoire royal.

LE DROIT, journal général des Tribunaux, conserve la place éminente qu'il a prise dans la presse. Il la doit non seulement à l'exactitude de ses comptes-rendus, dans les matières civile, criminelle, correcrectionnelle et commerciale, qui en font un répertoire complet de jurisprudence, mais encore à des travaux sérieux et variés sur la Philosophie, l'Histoire du droit, l'Économie politique, l'Art oratoire, la Magistrature, le Barreau, qui impriment à sa rédaction un caractère et un attrait particuliers. Le Droit s'associe au mouvement des faits et des idées, sans s'y laisser jamais entraîner, et sans oublier au milieu des querelles politiques la modération impartiale, qui convient à des écrivains voués, avant tout, à l'étude des lois et au respect des institutions de leur pays.

Parmi les articles publiés par lui, depuis le commencement de cette année, nous avons remarqué les articles suivans, qui sont de nature à indiquer la marche qu'il doit suivre et le cadre qu'il s'est tracé :

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Le chancelier Poyet. · Gustave III. — Le Procès des Jésuites. — Le Procès de Ramus. Organisation du Parlement de Paris. Les Avocats au Parlement d'Angleterre. Histoire du Faux. Les Arrêts d'amour. - Jurisprudence galante. Institutions judiciaires de Rome. Francois Hotman. Augustin-Nicolas Bodin. — De Thou. — Vico. M. Ballanche. M. Persil. M. Chauveau-LaM. Paillet. garde. M. Daunou. · M. Pardessus. Cambacérès. - Barère de Vieuzac, etc., etc.

A partir du 1er juillet prochain, le Droit publiera : PHILOSOPHIE. Spinosa. Leibnitz. Bonald. Maine de Biran. M. Cou sin. HISTOIRE JUDICIAIRE. Napoléon législateur. Les Prisons d'Etat sous l'Empire. La Magistrature consulaire. Les Magistrats depuis 1830. Les Avocats députés. Les Avocats sous l'Empire. Les Avocats sous la Restauration. Les Anciens Magistrats. Les Anciens Avocats. — JurisCONSULTES ANCIENS. Dunod. Le président Bouhier. Catelan. Dargentré. Laurière. Le président de Brosses. MAGISTRATURE ET BARAEAL MODERNES. MM. Franck-Carré. Sauzet. Plougoulm. Martignac. Ravez, Corbière. Peyronnet. Delangle. Marie. Romiguières. Garnier, président du Sénat. Cormenin. Marchangy. - RÉDACTEUR DU CODE CIVIL. Réal. Tronchet. Treilhard. Berlier. Malleville. Régnauld de Saint-Jean-d'Angely. - JURISCONSULTES MODERNES. MM Proudhon. Troplong. Duvergier. ÉCOLES DE DROIT. MM. Blondeau. Pellat. Valette. Ortolan. Laferrière. Giraud (d'Aix). — LE BARREAU EN PROVINCE. Barreau de Lyon. Barreau de Toulouse. Barreau d'Aix. Barreau de Caen, etc., etc. MAGISTRATURE ET BARREAU D'ANGLETERRE. Les Avocats au Parlement. De la Corruption de la Magistrature. Histoire de la Torture. Suite de l'Histoire du Faux. LE BARREAU DE BELGIQUE. De l'Ins truction publique. Institutions judiclaires de l'Espagne. Études de Droit civil, criminel et commercial. Histoire du Guet. Les premiers Présidens du Parlement de Paris. Les Lieutenans civils. Procès anciens. Procès modernes. Tribunal révolutionnaire. Cours prévôtales.

Le DROIT publie en outre :

1o L'Analyse des livres relatifs à la science du droit, à l'histoire et à la philosophie; 2° la Revue mensuelle contenant le résumé des travaux de l'Académie des sciences morales et politiques; 3o la Revue analyti que et raisonnée des cours de l'École de Droit, de la Sorbonne et du college de France; 4° LA SALLE Des Pas-Perdus, chronique de tous les faits de l'ordre judiciairr, par un VIEIL AVOCAT..

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On sait l'histoire du prince de Monaco.

Mme de D... avait suivi M. le prince de Talleyrand au congrès de Vienne.

-Mon cher prince, lui dit-elle un jour, est-ce que vous ne ferez rien pour ce pauvre Monaco, qui, depuis quinze ans, comme vous savez, a tout perdu, et qui avait été obligé d'accepter je ne sais quelle pauvre petite charge à la cour de l'usurpateur?

-Ah! si fait, répondit le prince, avec le plus grand plaisir. Ce pauvre Monaco! vous avez bien fait de m'y faire penser, chère amie! je l'avais oublié.

Et le prince prit l'acte du congrès qui était sur sa table, et dans lequel on retaillait à petits coups de plume le bloc européen que Napoléon avait dégrossi à grands coups d'épée; puis de sa plus minime écriture,

après je ne sais quel protocole qui regardait l'empereur de Russie ou le roi de Prusse, il ajouta :

- Et le prince de Monaco rentrera dans ses États.

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Cette disposition était bien peu de chose, elle ne faisait pas matériellement la moitié d'une ligne; aussi passa-t-elle inaperçue, ou si elle fut aperçue, personne ne jugea que ce fût la peine de rien dire contre. L'article supplémentaire passa donc sans aucune contestation. Et Mme de D... écrivit au prince de Monaco qu'il était rentré dans ses États.

Le 25 février 1815, trois jours après avoir reçu cette nouvelle, le prince de Monaco fit venir des chevaux de poste et prit la route de sa principauté.

En arrivant au golfe Juan, il trouva le chemin barré par deux pièces de canon.

Comme il approchait de ses États, le prince de Monaco fit grand bruit de cet embarras qui le retardait, et ordonna au postillon de faire déran ger les pièces et de passer outre.

Le postillon répondit au prince que les artilleurs dételaient ses che

vaux.

Le prince de Monaco sauta à bas de sa voiture pour donner des coups de canne aux artilleurs, jurant entre ses dents que, si les drôles passaient jamais par sa principauté, il les feraient pendre.

Derrière les artilleurs il y avait un homme en costume de général. - Tiens! c'est vous Monaco? dit en voyant le prince l'homme en costume de général. Laissez passer le prince, ajouta-t-il aux artilleurs qui lui barraient le passage; c'est un ami.

Le prince de Monaco se frotta les yeux.

- Comment, c'est vous, Drouot ? lui dit-il. -Moi-même, mon cher prince.

- Mais, je vous croyais à l'île d'Elbe avec l'Empereur?

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Le prince de Monaco se frotta les yeux une seconde fois.

en temps à Charles-Quint et à Philippe II, et confisqua à son ancien

- Et vous aussi, maréchal, lui dit-il; mais vous avez donc tous quitté protégé ses possessions milanaises et napolitaines. l'ile d'Elbe?

- Eh! mon Dieu, oui, mon cher prince, répondit Bertrand ; l'air en était mauvais pour notre santé, et nous sommes venus respirer celui de France.

- Qu'y a-t-il donc, messieurs, dit une voix claire et impérative, devant laquelle le groupe qui entourait le prince s'ouvrit.

Ah! ah! c'est vous, Monaco? dit la même voix.

Il résulta de cette confiscation que le pauvre seigneur se trouva réduit à son petit État. Alors, Louis XIV, pour l'indemniser, lui donna en échange le duché de Valentinois dans le Dauphiné, le comté de Carlades dans le Lyonnais, le marquisat des Baux et la seigneurie de Buis en Provence; puis il maria le fils d'Honoré II avec la fille de M. Legrand. Ce mariage eut lieu en 1688, et valut à M. de Monaco et à ses enfans le titre de princes étrangers. Ce fut depuis ce temps-là que les Grimaldi

Le prince de Monaco se frotta les yeux une troisième fois. Il croyait changèrent leur titre de seigneur contre celui de prince.

faire un rêve.

-Oui, sire! oui, dit-il; oui, c'est moi. Mais d'où vient Votre Majesté? où va-t-elle ?

- Je viens de l'île d'Elbe, et je vais à Paris. Voulez-vous venir avec moi, Monaco? vous savez que vous avez votre appartement aux Tuileries.

Sire, dit le prince de Monaco qui commençait à comprendre, je n'ai point oublié les bontés de votre Majesté pour moi, et j'en garderai une éternelle reconnaissance. Mais il y a huit jours à peine que les Bourbons m'ont rendu ma principauté, et il n'y aurait vraiment pas assez de temps entre le bienfait et l'ingratitude. Si votre majesté le permet, je continuerai donc ma route vers ma principauté, où j'attendrai ses ordres.

- Vous avez raison, Monaco, lui dit l'Empereur; allez, allez ! seulement vous savez que votre ancienne place vous attend je n'en dispo,

serai pas.

- Je remercie mille fois votre Majesté, répondit le prince. L'Empereur fit un signe, et l'on rendit au postillon ses chevaux, qui avaient déjà mis en position une pièce de quatre.

Le postillon rattela ses chevaux. Mais tant que le prince fut à la portée de la vue de l'Empereur, il ne voulut point remonter en voiture et marcha à pied.

Quant à Napoléon, il alla s'asseoir tout pensif sur un banc de bois à la porte d'une petite auberge, d'où il présida le débarquement.

Puis quand le débarquement fut fini, comme il commençait à se faire tard, il décida qu'on n'irait pas plus loin ce jour-là, et qu'il passerait la nuit au bivouac.

Le prince de Monaco, Honoré V, actuellement régnant, est le même qui, en revenant en 1815, dans ses états, rencontra Napoléon au golfe Juan.

Le prince de Monaco est né pour la spéculation, quoique toutes les spéculations ne lui réussissent pas, témoin la monnaie qu'il a fait battre en 1837 et qui s'use tout doucement dans sa principauté, attendu que les rois ses voisins ont refusé de la recevoir.

La principauté de Monaco a subi de grandes vicissitudes: elle a été tour à tour sous la protection de l'Espagne et de la France, puis République fédérative, puis incorporée à l'Empire français, puis rendue, comme nous l'avons vu, à son légitime propriétaire en 1814, avec le protectorat de la France, puis remise en 1815 sous le protectorat de la Sardaigne. Nous allons la suivre dans ces différentes révolutions, dont quelques unes ne manquent pas d'une certaine originalité.

Monaco fut, vers le dixième siècle, érigée en seigneurie héréditaire par la famille Grimaldi, puissante maison génoise qui avait des possessions considérables dans le Milanais et dans le royaume de Naples.

Vers 1550, au moment de la formation des grandes puissances européennes, le seigneur de Monaco, craignant d'être dévoré d'une seule bouchée par les dues de Savoie ou par les rois de France, se mit sous la protection de l'Espagne. Mais, en 1641, cette protection lui étant devenue plus onéreuse que profitable, Honoré II résolut de changer de protecteur et introduisit garnison française à Monaco. L'Espagne, qui avait dans Monaco un port et une forteresse presque imprenables, entra dans une de ces belles colères flamandes, comme il en prenait de temps

Le mariage ne fut pas heureux; la nouvelle épousée, qui était cette belle et galante duchesse de Valentinois si fort connue dans la chronique amoureuse du siècle de Louis XIV, se trouva un beau matin, d'une enjambée, hors des états de son époux, et se réfugia à Paris, tenant sur le pauvre prince les plus singuliers propos. Ce ne fut pas tout; la duchesse de Valentinois ne borna pas son opposition conjugale aux paroles, et le prince apprit bientôt qu'il était aussi malheureux qu'un mari peut l'être.

A cette époque, on ne faisait guère que rire d'un pareil malheur; mais le prince de Monaco était un homme fort bizarre, comme l'avait dit la duchesse, de sorte qu'il se fàcha. Il se fit instruire successivement du nom des différens favoris de sa femme, et les fit pendre en effigie dans la cour de son château. Bientôt la cour fut pleine et déborda sur le grand chemin, mais le prince ne se lassa point et continua de faire pendre. Le bruit de ces exécutions se répandit jusqu'à Versailles; Louis XIV se fâcha à son tour, et fit dire à M. de Monaco d'être plus clément; M. de Monaco répondit qu'il était prince souverain, qu'en conséquence il avait droit de justice basse et haute dans ses états, et qu'on devait lui savoir gré de ce qu'il se contentait de faire pendre des hommes de paille.

La chose fit un si grand scandale qu'on jugea à propos de ramener la duchesse à son mari. Celui-ci, pour rendre la punition entière, voulait la faire passer devant les effigies susdites; mais la princesse douairière de Monaco insista si bien que son fils se départit de cette vengeance, et qu'il fut fait un grand feu de joie de tous les mannequins.

« Ce fut, dit Mme de Sévigné, le flambeau de ce second hyménée. » On vit bientôt cependant qu'un grand malheur menaçait les princes de Monaco. Le prince Antoine n'avait qu'une fille et perdait de jour en jour l'espoir de lui donner un frère. En conséquence, le prince Antoine maria, le 20 octobre 1715, la princesse Louise-Hippolyte à Jacques-François-Léonor de Guyon-Matignon, auquel il céda le duché de Valentinois, en attendant qu'il lui laissât la principauté de Monaco, ce qu'il fit, à son grand regret, le 26 février 1731. Jacques-FrançoisLéonor de Guyon-Matignon, Valentinois par mariage et Grimaldi par succession, est donc la souche de la maison régnante actuelle, qui va s'éteindre à son tour dans la personne d'Honoré V et dans celle de son frère, tous deux sans postérité masculine et sans espérance d'en obtenir.

Honoré IV régnait tranquillement, lorsque arriva la révolution de 89. Les Monacois en suivirent toutes les phases avec une attention toute particulière; puis, lorsque la République fut proclamée en France, ils profitèrent d'un moment où le prince était je ne sais où, s'armèrent de tout ce qu'ils purent trouver sous leurs mains, et marchèrent sur le palais, qu'ils prirent d'assaut, et dont ils commencèrent par piller les caves, qui pouvaient contenir douze à quinze mille bouteilles de vin. Deux heures après, les huit mille sujets du prince de Monaco étaient ivres.

Or, à ce premier essai de liberté, ils trouvèrent que la liberté était une bonne chose, et résolurent à leur tour de se constituer en républi que. Seulement, comme Monaco était un trop grand état, pour donner naissance à une république une et indivisible comme était la République française, il fut résolu entre les fortes têtes du pays qui s'étaient consti

tuées en assemblée nationale, que la république de Monaco serait à l'instar de la république américaine, une république fédérative. Les bases de la nouvelle constitution furent donc débattues et arrêtées entre Monaco et Mantone, qui s'allièrent à la vie et à la mort; il restait un troisième village appelé Roque-Brune. Il fut décidé qu'il appartiendrait par moitié à l'une et à l'autre des deux villes. Roque-Brune murmura; il aurait voulu être indépendant et entrer dans la fédération, mais Monaco et Mantone ne firent que rire d'une prétention aussi exagérée Roque-Brune n'étant pas le plus fort, il lui fallut donc se taire: seulement, à partir de ce moment, Roque-Brune fut signalé aux deux conventions nationales comme un foyer de révolution. Malgré cette opposition, la république fut proclamée sous le nom de république de Monaco.

Mais ce n'était pas le tout pour les Monacois que d'être constitués en république : il fallait se faire, dans les États qui avaient adopté la même forme de gouvernement, des alliés qui les pussent soutenir. Ils pensèrent naturellement aux Américains et aux Français; quant à la république de Saint-Marin, la république fédérative de Monaco la méprisait si fort qu'il n'en fut pas même question.

Toutefois, parmi ces deux gouvernemens, un seul était à portée, par sa position topographique, d'être utile à la république de Monaco : c'était la république française. La république de Monaco résolut donc de ne s'adresser qu'à elle; elle envoya trois députés à la convention nationale pour lui demander son alliance et lui offrir la sienne. La convention nationale était dans un moment de bonne humeur; elle reçut parfaitement les envoyés de la république de Monaco, et les invita à repasser le lendemain pour prendre le traité,

Le traité fut dressé le jour même. Il est vrai qu'il n'était pas long : il se compose de deux articles:

« ART. 1er. Il y aura paix et alliance entre la république française et la république de Monaco.

« ART. 2. La république française est enchantée d'avoir fait la connaissance de la république de Monaco. »

Ce traité, comme il avait été dit, fut remis aux ambassadeurs, qui repartirent fort contens.

En traversant Mantone, une enseigne nous donna une idée du degré de civilisation où en était venue l'ex-république fédérative, l'an de grâce 1835. Au dessus d'une porte on lisait en grosses lettres : Mariane Casanove vend pain et modes.

A un quart de lieue de la ville, nous retombâmes dans une seconde ligne de douanes et dans un second visa de passeport; le passeport n'était rien, mais la visite fut cruelle, et nous pûmes nous convaincre que, dans les états du prince de Monaco, l'exportation était aussi sévèrement défendue que l'importation. Nous voulûmes employer le moyen usité en pareil cas, mais nous avions affaire à des douaniers incorruptibles, qui ne nous firent pas grâce d'une brosse à dents; de sorte qu'il nous fallut, nous et nos effets, recevoir une contre-épreuve du déluge, attendu que, sous le prétexte de la beauté du climat, il n'y a pas même de hangar. Je profitai de ce contre-temps pour approfondir un point de science chorégraphique, que je m'étais toujours proposé de tirer au clair à la première occasion; il s'agissait de la Monaco, où, comme chacun sait, l'on chasse et l'on déchasse. Je fis en conséquence, pour la troisième fois depuis que j'avais quitté la frontière, toutes les questions possibles sur cette contredanse si populaire par toute l'Europe; mais là, comme ailleurs, je n'obtins que des réponses évasives qui redoublèrent ma curiosité, car elles me confirmèrent dans ma première opinion, à savoir que quelque grand secret, où l'honneur du prince ou de la principauté se trouvait compromis, se rattachait à cette respectable gigue. Il me fallut done sortir des États du prince, aussi ignorant sur ce point que j'y étais entré, et perdant à jamais l'espoir de découvrir un mystère que je n'avais pu éclaircir sur les lieux. ALEXANDRE DUMAS (1),

LES ANCIENNES PRISONS DE PARIS.

L'OFFICIALITÉ.

A une époque où les croyances religieuses étaient profondes et sincèTrois mois après, la république française avait emporté la république res, alors que l'obéissance aux lois et aux réglemens de l'église était rede Monaco dans sa peau de lion,

On n'a pas oublié, sans doute, comment, grâce à Mme de D., le traité de Paris rendit, en 1814, au prince Honoré V, ses États, qu'il a heureusement conservés depuis.

Au reste, le prince Honoré V, toute plaisanterie à part, est fort aimé de ses sujets, qui voient avec une grande inquiétude l'heure où ils changeront de maître. En effet, malgré le mépris qu'en fait Saint-Simon (1), ils habitent un délicieux pays, dans lequel il n'y a pas de recrutement et presque pas de contributions, la liste civile du prince étant presque entièrement défrayée par les deux et demi pour cent qu'il perçoit pour les marchandises, et par les seize sous qu'il prélève sur les passeports. Quant à son armée, qui se compose de cinquante carabiniers, elle se recrute par des enrôlemens volontaires.

Malheureusement nous ne pûmes jouir, comme nous l'aurions voulu, de cette charmante orangerie qu'on appelle la principauté de Monaco ; une pluie atroce nous ayant pris à la frontière, et nous ayant accompagnés avec acharnement pendant les trois quarts d'heure que nous mîmes à traverser le pays, il en résulta que nous n'aperçûmes la capitale et sa forteresse, dans laquelle tiendrait la population de toute la principauté, qu'à travers une espèce de voile: il en fut ainsi du port, où nous distinguâmes cependant une felouque, laquelle, avec une autre qui, pour le moment, était en course, forme toute la marine du prince.

(1) C'est, au demeurant, la souveraineté d'une roche, du milieu de laquelle on peut, pour ainsi dire, cracher hors de ses étroites limites. »

(Mémoires du duc de Saint-Simon.)

gardée comme une haute nécessité sociale, la juridiction ecclésiastique, appelée officialité, avait une véritable importance. Avant donc de nous occuper du monument qui servait de prison à cette juridiction, nous allons, en quelques mots, rappeler le but et les attributions de cette juridiction elle-même.

L'officialité connaissait des oppositions aux publications de bans èt célébrations de mariages; des matières purement personnelles entre ecclésiastiques; des causes entre laïques, quand il s'agissait des dîmes au pétitoire; du mariage, quant à sa validité ou invalidité; de l'hérésie et de la simonie; enfin, des appellations interjetées des sentences rendues par les offices des évêques suffragans.

Les juges se composaient de l'official, du vice-gérant, d'un promoteur, d'un vice-promoteur, d'un greffier des insinuations; quatre procureurs et trois huissiers appariteurs complétaient cette juridiction dont tous les offices étaient à la nomination de l'archevêque de Paris. Le ressort de l'officialité comprenait l'archevêque de Paris, l'évêque d'Orléans, ceux de Meaux et de Blois. Les appels se faisaient au Parlement.

On comptait parmi les dignitaires du chapitre de la métropole, trois archidiacres: l'archidiacre de Paris, l'archidiacre de Josas, et l'archidiacre de Brie.

« Il est bon de remarquer, dit un vieil annaliste de Paris, qu'autrefois c'était une chose assez ordinaire que les archidiacres troublassent leurs évêques, à cause de la trop grande autorité qu'ils avaient prise dans l'administration des diocèses; de sorte que, les évêques venant à

(1) Extrait d'une Année à Florence, 2 vol. in-8°, chez Dumont au PalaisRoyal.

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