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manoeuvrer les différentes divisions de la flottille; déjà il a parcouru la ligne des côtes, et, accueilli sur tous les lieux, dans tous les camps, par les acclamations des citoyens, des soldats et des matelots, sa marche a été un triomphe continuel.

Les différens camps tracés, depuis plus de deux ans, et occupés alors par l'élite de l'armée française réorganisée, offraient un spectacle singulièrement remarquable par les développemens de l'industrie qui avait surtout présidé à leur formation. Chacun d'eux ressemblait à une cité, où les commodités et les agrémens de la vie civile se trouvaient réunis avec la discipline et le goût austères qui signalent le militaire français dans ses camps de plaisance.

Des colonnes de stuc, des faisceaux d'armes élevés avec autant d'élégance que de régularité, des inscriptions, presque toutes à la louange du vainqueur de l'Italie et de l'Orient, donnaient au front de bandière de chaque camp l'aspect le plus héroïque. Des rues tracées au cordeau, et portant toutes le nom d'un guerrier illustre mort pour la défense de la patrie, rappelaient des actions récentes, des souvenirs chers aux cœurs des braves; des statues, qu'un ciseau exercé n'eût point désavouées, des groupes allégoriques re

présentaient l'heureuse alliance de la sagesse, des arts et de la victoire. Chaque régiment avait son jardin, chaque compagnie son parterre, son potager, et un puits couvert de verdure pour arroser les plantes et les fleurs que le soldat cultivait. L'armée se nourrissait des légumes qu'elle avait plantés; chaque jour elle voyait croître l'ouvrage de ses mains, et ce n'était pas seulement la discipline qui la rendait fidèle à ses drapeaux, mais encore cet esprit de propriété qui attache tous les hommes au sol sur lequel ils vivent. Un travail agréable, volontaire, excluait partout l'oisiveté, fléau des hommes réunis en société, entretenait la vigueur de la santé, et maintenait le charme de la vie domestique.

Les régimens cherchaient à se surpasser entre eux dans la création d'un nouvel établissement utile ou agréable, rivalité noble dans son principe, et heureuse dans ses résultats! Là, les Français avaient tout créé, tout animé; des dunes immenses avaient disparu, les terrains les plus raboteux avaient été aplanis; tous les obstacles enfin que la nature semble avoir multipliés sur ces plages inhospitalières avaient cédé à l'active industrie de nos dignes guerriers. C'était un véritable enchantement, lorsqu'on pense surtout

que la vue de la flottille achevait d'embellir, sur plusieurs points, ce tableau vraiment extraordinaire.

En quittant Paris, et en se dérobant aux hommages intéressés de ses nombreux courtisans, Bonaparte avait voulu se montrer à l'armée dans tout l'éclat de son nouveau rang. Il s'était fait suivre par ses frères Joseph et Louis, l'un grandélecteur, l'autre connétable; par les grands-dignitaires et les grands-officiers de l'empire; et les ministres eux-mêmes avaient reçu l'ordre de venir le rejoindre au camp de Boulogne. Napoléon y tenait sa cour avec autant de solennité qu'au palais des Tuileries, ou au château de Saint-Cloud.

Les arts, le luxe, les plaisirs affluaient au quartier impérial, et formaient un contraste remarquable avec l'ordre et la discipline sévère qui régnaient dans les camps. Aux manœuvres militaires qui avaient occupé les troupes pendant la matinée, on voyait succéder, le soir, les danses, les fêtes et les jeux scéniques; des acteurs choisis dans les divers théâtres de Paris, après avoir reproduit quelques-uns des chefs-d'œuvres de la scène française, jouaient ensuite des pièces allégoriques propres à augmenter l'enthousiasme des spectateurs, et à porter leur patriotisme et leur dévoùment au plus haut degré d'énergie,

par les allusions ingénieuses et les traits piquans qu'elles renfermaient.

Ce fut au milieu de cet étonnant mélange de fêtes et d'appareil de guerre que Napoléon passa près d'un mois sur la côte de Boulogne, imprimant l'activité à tous les travaux, électrisant tous les cœurs par sa présence. Il venait même de faire de nouvelles promotions dans l'ordre de la Légion-d'Honneur, et d'offrir la paix à la GrandeBretagne, lorsque tout-à-coup l'horizon politique s'obscurcit sur le continent.

Bonaparte s'était fait proclamer roi d'Italie, et la couronne de fer, qu'il avait placée sur sa tête, allait servir de prétexte pour entraîner l'Autriche dans de nouveaux malheurs.

Les agens de l'Angleterre peignent Napoléon sous les couleurs les plus propres à alarmer le cabinet de Vienne; on lui représente le chef du gouvernement français, à la tête d'une armée nombreuse et exercée, prêt à prendre le titre d'empereur d'Occident, et à exiger, par la force des armes, foi et hommage-lige des autres souverains de l'Europe; et cette considération, jointe à l'offre de subsides de la part du roi Georges, suffit pour vaincre l'irrésolution de l'empereur François. Les Autrichiens passent l'Inn, la Bavière est envahie, et la guerre par conséquent

déclarée; guerre qui, par ses funestes résultats, compromit la sûreté de l'Allemagne et de la Russie elle-même, et fit couler des flots de sang humain.

NELSON DEVANT BOULOGNE.

Vainement Nelson, dont la destinée était d'expier à Trafalgar (*) l'indécence de sa conduite devant Malte (**), avait attaqué les forces navales réunies à Boulogne, tandis que Ganteaume, parcourant la Méditerranée, et toujours pour

(*) Quelque desir que nous ayons eu de parler, même au long, du combat de Trafalgar, dont les résultats furent également tristes pour les Anglais et les Français, nous avons préféré garder le silence, parce que les réponses que nous avons obtenues de plusieurs témoins oculaires, ont toutes été contradictoires, et que, jusqu'ici, cette malheureuse affaire, ainsi que la cause de la mort de Villeneuve, à Rennes, est restée plongée dans l'obscurité la plus profonde.

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(**) Vaubois avait répondu à la sommation de Nelson : Vous avez sans doute oublié que des Français sont dans la place. Le sort des habitans ne vous regarde point. Quant à votre sommation, les soldats français ne sont point habitués à ce style. » Et en même temps il autorisait la formation d'une troupe de comédiens, et l'ouverture d'un spectacle destiné à charmer la monotonie, et à distraire de l'ennui, qui les dévorait, les habitans et les troupes.

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