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Voici le moment d'expliquer au lecteur le but que je me suis proposé en écrivant ce livre, précédé par tant d'autres traitant le même sujet, mais sous un autre point de vue que le mien. La Terre-Sainte a dû éveiller à la fois l'attention studieuse du chrétien et de l'historien, comme du littérateur et de l'archéologue. Chacun avait sa visée spéciale, et, après avoir visité le pays en voyageur consciencieux, je l'admets, mais enfin en voyageur, sa

part faite, il l'a emportée à Paris, à Londres ou à Berlin pour lui donner les développements nécessaires. Ce n'est pas en voyageur que j'ai parcouru la Palestine; j'y ai résidé plusieurs années de suite; historien sédentaire, je n'ai eu dans ce pays pour étude spéciale que le pays lui-même ; j'ai voulu, pas à pas, y conduire avec moi le lecteur et même le pèlerin, qui trop facilement s'y égare au milieu d'un dédale de renseignements contradictoires. Du plan que je me suis tracé, de la division par courses, il pourra résulter quelque sécheresse dans les détails, et n'étant point écrivain le talent me fera défaut sans doute pour déguiser leur aridité sous les pompes du style; néanmoins mon système m'a semblé le plus sûr pour ne rien omettre d'important, soit sur ce qui touche à la religion, soit sur ce qui touche à l'histoire, et je suis convaincu que si le lecteur a la patience de m'accompagner jusqu'au bout, il aura par mes yeux, vu la Palestine comme s'il y avait passé trois ans.

Ceci dit, pour accomplir notre première

course, à peine entrés dans Jérusalem, hâtons-nous d'en sortir par la porte orientale que les pèlerins appellent porte SaintÉtienne, et les Arabes porte Notre-DameMarie (Bab-Sitti-Mériem); nous y ferons retour bientôt; mais, avant d'en passer le seuil, examinons rapidement un grand réservoir, legs précieux de l'antiquité, situé sur le côté droit de la rue, entre la mosquée d'Omar et les masures qui font face à l'église SainteAnne. C'est la piscine probatique ou de Béthesda, le bassin où les victimes de l'holocauste devaient être purifiées. L'ange qui, chaque année, venait agiter la surface des eaux, apportant ainsi la santé aux malades pleins de foi qui se pressaient sur les bords de la vasque, ne trouverait aujourd'hui à exercer son souffle puissant que sur des décombres et des immondices. Le bassin purificateur est devenu le cloaque de tout le quartier. Voilà ce qu'amène la doctrine engourdissante du fatalisme, l'immobilité, la léthargie, la morf.

1. Jean, V, 2.

Appuyons un peu à gauche, nous en aurons une preuve nouvelle. En effet, trente pas plus loin en dehors de la ville est un autre réservoir plus petit et un peu moins délabré que le premier, mais devenu presque aussi inutile. Il porte le nom de piscine Natatoria.

N'y a-t-il pas dans cet aveuglement des populations de la Palestine, plus insoucieuses que les brutes même de leurs besoins les plus impérieux, un miracle perpétuel, une conséquence fatale de l'arrêt qui les a maudites depuis le jour du grand sacrifice? Ainsi que le sang d'Abel a fait germer les ronces et les épines, le sang régénérateur qui, par tout le monde, a fécondé l'humanité, brûle ici la terre du peuple déicide et obscurcit de vapeurs mortelles l'intelligence de ceux qui l'habitent. Chaque pierre proclame l'éternelle malédiction de Dieu; c'est que chaque pierre a bu le sang d'un saint ou d'un prophète. Ce rocher, sur lequel nous passons, est la couche funèbre du premier martyr de la foi chrétienne. C'est ici, dit-on, que saint Étienne a été la

pidé1. Là-bas, devant nous, le Sauveur a sué du sang; plus loin, c'est le lieu de la trahison, puis le monument d'Absalon le parricide, et le mont du Scandale, et l'endroit où Isaïe subit une mort cruelle. A chaque pas, vous trouvez le souvenir d'un crime. Mais, comme le plus grand de tous a eu pour effet de racheter le monde, au lieu de condamner les criminels, plaignons-les d'avoir été les instruments aveugles des éternels décrets. Leur victime ellemême priait pour eux, « car ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. » Et comme nous avons achevé de descendre la pente rapide qui mènc au fond de la vallée de Josaphat, entrons dans la chapelle de l'Agonie.

Cette sombre grotte, avec son pavé de granit, ses murailles de roche nue, son autel sévère de marbre blanc, est cent fois plus inspiratrice, plus touchante que les riches et somptueuses chapelles, aussi est-ce avec une profonde émotion que j'y entendis lire le récit de l'Évangile, cette page sublime où com

1. Actes, VII, 58.

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