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quels je vous exhorte de contempler aujourd'hui la passion de Jésus. Vous n'en verrez nulle part une image plus naturelle. Jésus souffre dans les pauvres; il languit, il meurt de faim dans une infinité de pauvres familles. Voilà donc dans les pauvres Jésus-Christ souffrant ; et nous y voyons encore pour notre malheur Jésus-Christ abandonné, JésusChrist délaissé, Jésus-Christ méprisé. Tous les riches devroient courir pour soulager de telles misères; et on ne songe qu'à vivre à son aise, sans penser à l'amertume et au désespoir où sont abîmés tant de chrétiens. Voilà donc Jésus délaissé; voici quelque chose de plus. Jésus se plaint par son prophète de ce que « l'on a ajouté à la douleur de ses

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plaies »; Super dolorem vulnerum meorum addiderunt (1); « de ce que dans sa soif extrême on lui >> a donné du vinaigre (2) ». N'est-ce pas donner du vinaigre aux pauvres que de les rebuter, de les maltraiter, de les accabler dans leur misère et dans leur extrémité déplorable? Ah! Jésus, que nous voyons dans ces pauvres peuples une image trop effective de vos peines et de vos douleurs! Sera-ce en vain, chrétiens, que toutes les chaires retentiront des cris et des gémissemens de nos misérables Frères? et les cœurs ne scront-ils jamais émus de telles extrémités?

Sire, Votre Majesté les connoît; et votre bonté paternelle témoigne assez qu'elle en est émue. Sire, que Votre Majesté ne se lasse pas; puisque les misères s'accroissent, il faut étendre les miséricordes; puisque Dieu redouble ses fléaux, il faut redoubler

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les secours, et égaler, autant qu'il se peut, le remède à la maladie. Dieu veut qu'on combatte sa justice par un généreux effort de charité, et les nécessités extrêmes demandent que le cœur s'épanche d'une façon extraordinaire. Sire, c'est Jésus mourant qui vous y exhorte; il vous recommande vos pauvres peuples et qui sait si ce n'est pas un conseil de Dieu d'accabler, pour ainsi dire, le monde par tant de calamités; afin que Votre Majesté portant promptement la main au secours de tant de misères, elle attire sur tout son règne ces grandes prospérités que le ciel lui promet si ouvertement? Puisse Votre Majesté avoir bientôt le moyen d'assouvir son cœur de ce plaisir vraiment chrétien et vraiment royal, de rendre ses peuples heureux : ce sera le dernier trait de votre bonheur sur la terre; c'est ce qui comblera Votre Majesté d'une gloire si accomplie, qu'il n'y aura plus rien à lui désirer que la félicité éternelle, que je lui souhaite dans toute l'étendue de mon cœur. Amen.

IV.E SERMON

POUR

LE VENDREDI SAINT,

PRÈCHÉ A LA COUR.

SUR LA PASSION DE N. S. JÉSUS-CHRIST.

Profondeur du mystère de la croix. Pourquoi tant de crimes concourent au supplice du Sauveur. Noire envie, première cause de toutes les indignités qu'il souffre. Jusqu'où va son obéissance : comment nous devons imiter sa patience. De quelle manière Dieu préside même aux mauvais conseils : paix et confiance que cette pensée doit nous inspirer. Pardon universel que Jésus-Christ accorde à tous ceux qui l'outragent: motifs pressans de traiter nos ennemis avec la même charité. Nécessité d'une sage épreuve pour faire une sainte pâque.

Justus perit, et non est qui recogitet in corde suo.

Le juste meurt, et il ne se trouve personne qui médite cetle mort en son cœur. Isai. LVII. I.

OUTE la science du chrétien est renfermée dans la croix; et le grand apôtre saint Paul après avoir appris au troisième ciel les secrets de la sagesse de Dieu, est venu publier au monde, « qu'il ne savoit autre >> chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » :

Non enim judicavi me scire aliquid inter vos, nisi Jesum Christum et hunc crucifixum (1),

En effet il est véritable que la sagesse divine ne s'est jamais montrée plus à découvert, à ceux à qui la foi a donné des yeux, que dans le mystère de la croix. C'est là que Jésus-Christ étendant les bras nous ouvre le livre sanglant dans lequel nous pouvons apprendre tout l'ordre des conseils de Dieu, toute l'économie du salut des hommes, la règle fixe et invariable pour former tous nos jugemens, la direction sûre et infaillible pour conduire droitement nos mœurs, enfin un mystérieux abrégé de toute la doctrine de l'Evangile et de toute la théologie chrétienne. Ce n'est donc pas sans raison que le prophète Isaïe se plaint dans mon texte que cette mort n'est pas méditée; « Le juste meurt, nous dit-il, et » personne n'y pense en son cœur ». C'est en vain que la sainte Eglise appelle aujourd'hui tous ses enfans à la croix : tous en révèrent l'image; peu en contemplent le mystère; aucun presque ne s'en applique la vertu de sorte que le plus saint de tous les spectacles, et celui qui est le plus capable de toucher les cœurs, n'a pas de force pour changer les nôtres.

Qui me donnera, chrétiens, que je puisse aujourd'hui vous rendre attentifs à la croix de Jésus-Christ; que je puisse graver dans vos cœurs un souvenir éternel de sa passion, et vous découvrir les secrets qu'elle enferme pour votre salut! Mais, mes Frères, nul n'est capable d'entendre le mystère de la croix, si auparavant il ne l'adore; et le degré nécessaire pour

(1) I. Cor. 11. 2.

pénétrer ses grandeurs, c'est de révérer ses bassesses. Donc, ô croix du sauveur Jésus, qui nous fais voir aujourd'hui le plus grand de tous les miracles dans le plus grand de tous les scandales! ô croix, supplice du juste, et asile des criminels; ouvrage de l'injustice, et autel de la sainteté; qui nous ôtes Jésus-Christ, et qui nous le donnes; qui le fais notre victime et notre monarque; et enfermes dans le mystère du même écriteau la cause de sa mort et le titre de sa royauté; reçois nos adorations, et fais-nous part de tes grâces et de tes lumières. Je te rends, ô croix de Jésus, cette religieuse adoration que l'Eglise nous enseigne; et pour l'amour de celui dont le supplice t'honore, dont le sang te consacre, dont les opprobres te rendent digne d'un culte éternel, je te dis avec cette même Eglise : O Crux, ave.

Ces saintes lamentations que l'Eglise récite durant ces jours, les plaintes qui retentissent dans ses chants, la mystérieuse tristesse de ses cérémonies sacrées, nous avertissent que voici le temps de penser sérieusement à la mort du Juste; et si nous refusons nos attentions à ce grand et admirable spectacle, le prophète s'élevera contre nous par ces paroles de mon texte « Le juste meurt, dira-t-il, et cette » mort si importante au genre humain n'est consi» dérée de personne » : Justus perit, et non est qui recogitet in corde suo. Le juste dont il nous veut faire contempler la mort, c'est celui qui est nommé dans les Ecritures le Juste par excellence (1); c'est celui qui a été attendu dès l'origine du monde sous

(1) Isai. XLV. 8. Jerem. xx111. 6. I. Joan. I. 1.

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