Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

du couteau, aiguisée en forme de poignard). « Je ne l'ai fait que pour que » Dieu pût toucher le roi, et le por»ter à remettre toutes choses en place, » et la tranquillité dans ses états. Il » n'y a que l'archevêque de Paris seul » qui est cause de tous ces troubles. » Gent-vingt témoins furent entendus à Paris, et soixante-deux à Montdidier. Cinq princes du sang, vingt-deux pairs, quatre maîtres des requêtes, et les présidents honoraires, réunis à la grand'chambre, suivirent avec la plus grande exactitude l'instruction du procès. Quoique l'usage fût de n'accorder un confesseur au criminel qu'après sa condamnation, on en donna un à Damiens plusieurs jours avant son jugement: c'est ainsi que deux docteurs de Sorbonne avaient été envoyés à Ravaillac, pendant l'instruction de son procès, pour l'engager à déclarer ses complices. Le 26 mars, Damiens comparut devant ses juges, qu'il regarda avec fermeté; il en reconnut et en nomma plusieurs, se permit quelques plaisanteries; montra beaucoup de résolution, et presque de la gaîté. Il fut condamné au même supplice qu'avait subi Ravaillac. Le 28, on lui lut son arrêt. Il l'écouta à genoux, avec attention, sans se troubler, et dit en se relevant : « La journée sera rude ». La sentence portait qu'il serait appliqué à la question ordinaire et extraor dinaire : il avait été agité solennelle inent de quelle torture on ferait usage.

Des mémoires furent demandés et fournis. Les chirurgiens de la cour de cidèrent que, de tous les genres de tortures, le moins dangereux pour la vie du patient était celui dont on se servait au parlement, et qu'on appelait la question des brodequins. Damiens jeta d'abord de grands cris, s'écria: « Ce coquin d'archevêque, » et demanda à boire. On lui donna de

l'eau, mais il voulut qu'on y mêlât du vin, et dit: a Il faut ici de la force.» Le premier président renouvelait les interrogatoires, et insistait pour cor naître les complices: « Qui vous a » induit à commettre le crime? » C'est Gautier,» répondit Damiens. C'était pour la première fois qui nommait cet individu. Il indiqua sad meure, et l'accusa d'avoir dit devant son maître(De Ferrières), qu'assass per le roi serait une œuvre méritoin. Gauthier et De Ferrières furentamenés à la chambre de la question. Gautha dénia le propos qui lui était impute: et De Ferrières, sa présence lorsqu' fut tenu. Damiens persista dans sa de claration. De Ferrières fut relické. mais Gauthier fut envoyé en prisco. Les tortures de Damiens n'avaient ce sé qu'après l'avis des médecins, qu'e ne pourrait les prolonger sans danger pour sa vie. Deux docteurs de Sørhonne, l'un janseniste, l'autre meli niste, Guéret, curé de St.-Paul, et de Marcilly, coufessèrent Damiens, chacun séparément, et se réunirent ensuite pour l'exhorter dans ses dernier moments. I parut assez pénitent dans la cérémonie de l'amende honorable, faite, suivant l'usage, devant la porte de la métropole. Arrivé à la Grève, témoigna le désir de parler aux comissaires, parut devant eux à l'hote de ville, demanda pardon à l'archevé que des paroles injurieuses qu'il avat proférées contre lui, protesta de I'm

nocence de sa femme et de sa fille, persévéra à soutenir qu'il n'y dans son crime, ni complots ni complices : « Je me proposais, dit-il, de »venger l'honneur et la gloire du par » lement, et je croyais rendre un ser » vice à l'état. » On le conduisit à l'e chafaud. Lorsqu'il eut été déshabille il regarda tous ses membres avec at tention, et promena un regard assure

sur la foule prodigieuse qui couvrait la Grève, remplissait toutes les croisees, et surmontait les toits. Les bourreaux brûlèrent d'abord, avec un feu de soufie, la main droite de Damiens armée du couteau parricide. La douleur lui arracha un cri terrible; ensuite il leva la tête, et regarda assez longtemps sa main saus cris et sans imprécations. On l'entendit hurler lorsqu'il fut tenaillé aux bras, aux jambes, aux cuisses, aux mamelles, et qu'on jeta dans les plaies le plomb fondu, l'huile bouillante, la résine, la cire et le soufre brûlants. On remarqua qu'il considérait toutes les parties de l'horrible appareil de son supplice avec uue singulière curiosité. Un écrivain dont il faut beaucoup se defier, l'abbé Soulavie, rapporte que le greffier ayant demande à Damiens, après les douleurs du tenaillement, s'il n'avait point de déclaration ultérieure à faire, il ré pondit d'un ton ferme et sépulcral: « Nou, je n'ai plus rien à dire, sinon que je ne serais pas ici si je n'avais pas » servi des conseillers au parlement. » le compilateur ajoute que le greflier se retira sans rien écrire et en faisant mauvaise mine. Enfin, les efforts de quatre chevaux vigoureux duraient depuis plus d'une demi-heure pur operer l'écartelement. L'extension des membres était incroyable; il fallut que des commissaires ordounassent qu'on coupât les muscles principaux. Le jour touchait à son déclin, et l'on desira que le supplice fût terminé avant la nuit. Damiens avait perdu deux cuisses et un bras, il respirait encore... Ce ne fut qu'au démembrement de son dernier bras qu'il expira. Le tronc et les nombres épars furent aussitôt jetés et consumés dans un bûcher dressé auprès de l'échafud. Un arrêt du parlement banuit à perpétuité, sous peine de mort,

le père, la femme et la fille du condamné, enjoiguit à ses frères et à ses sœurs de changer de nom, et ordonna que la maison où il était né serait rasée jusqu'à ses fondements. Le Breton, greflier criminel du parlement, a publié les Pièces originales et procedures du procès fait à RobertFrançois Damiens, Paris, 1757, in4°. et 4 vol. in-12. lly eut dans ce procè des incidents singuliers. Le parlement informa sur plusieurs avis mystérieux, et déclara qu'ils ne méritaient pas d'être suivis. Un témoin attesta avoir reçu ces avis, et en avoir informé le comte d'Argenson, ministre d'état ; cette déposition fut rejetée du procès. Cependant le comte d'Argenson fut disgracié et renvoyé du ministère, ainsi que Machault, le 1a. février 1757. Un nommé Ricard, soldat aux gardes, déclara qu'il lui avait été proposé 300 louis d'or, s'il voulait assassiner le roi. Il nomma les individus qui avaient fait cette proposition. Ils furent arrêtés, remis en liberté; mais Ricard fut rompu vif, comme ayant inventé et dénoncé des complots détestables. Voltaire prétend que Damiens n'était qu'un insensé fanatique, ennemi des molinistes, et dont la religion seule avait armé le bras; mais il est à remarquer que Damiens sé montra constamment parlementaire dans le cours du procès, qu'il déclara lui-même avoir perdu tout sentiment de religion, et qu'il n'avait point approché des sacrements depuis trois ou quatre ans. Il fut constaté qu'il avait passé des nuits entières à attendre dans la salle du palais la fin des délibérations, et plusieurs fois il répéta avoir conçu sou crime dans le temps de l'exil du parlement. Interrogé sur cet inconnu qui était venu lui parler sous la voûte de la chapelle, il s'écria dans.

les tortures qu'il « n'avait rien à ré>>pondre. » Interrogé s'il croyait que la religion permit d'assassiner les rois, sommé de déclarer où il avait puisé ses principes, et s'il ne s'était point engagé à ne pas en révéler la source, il dito n'avoir rien à répondre. » Quoi qu'il en soit, un garde-du-corps, un huissier aux requêtes furent pendus pour avoir tenu des propos séditieux. Les parlementaires, les jansenistes et les molinistes s'accusèrent. Seize conscillers furent envoyés en exil. Des pamphlets, des libelles furent publics. Dès le 30 mars, le parlement de Paris en condamna plusieurs à être lacérés et brûlés; entre autres la Lettre d'un patriote, qui avait pour but de prouver que Damiens avait des complices, et qui attaquait la manière dont on avail instruit le procès. Diverses cours souveraines firent brûler par le bourreau la Théologie morale de Busembaum (Voyez BUSEMBAUM). On publia en 1760 un volume in 12, intitulé Les iniquites découvertes, on Recueil de pièces curieuses et rares qui ont paru lors du procès de Damiens.

V-VE. DAMILAVILLE (N.), d'abord garde-du-corps du roi de France, fut ensuite premier commis au bureau des vingtièmes. Cette place lui donnait le droit d'avoir le cachet du contrôleur général des finances, et de contresigner toutes les lettres qui sortaient de son bureau, et il s'en servait pour faire passer les paquets de ses amis francs de port d'un bout du royaume à l'autre. Ce privilége le mit en relation particulière avec Voltaire, à qui il faisait parvenir de cette manière les lettres de Thiriot et d'autres correspondants de cet homme célèbre. Ce fut en 1760 que commença cette liaison. « Voilà l'origine, dit Grimm, » d'un commerce de lettres qui a duré

»sans interruption jusqu'à ce mo » ment (1769.) » Damilaville mandait toutes les nouvelles littéraires, politiques, hasardées, bounes a mauvaises à Voltaire, qui lui répon dait très exactement, et lui écrivait ces lettres charmantes qu'on a las dans l'édition de Kehl et dans ses suppléments. Il faisait aussi toutes les commissions de Voltaire, et lui état devenu presque nécessaire. Damilaville ne ressemblait pas à son correspondant; il n'avait ni grâce ni agré ment dans l'esprit, et il manquait de cet usage du monde qui y supplée. I était triste et lourd, et n'avait pas fit d'études. Le baron d'Holbach l'appe lait plaisamment le gobe-mouches d la philosophie. Comme il n'av dans le fond aucun avis à lui, il répé tait ce qu'il entendait dire; mais ses rapports avec Vollaire', qui le la avec Diderot, d'Alembert et tous les plus fameux philosophes de ce temps, lui donnèrent une espèce de présomp tion qui ne contribua pas à le rendre aimable; il n'était pas d'ailleurs d'u caractère à mériter des amis. Cest une chose digne de remarque que cet homme soit mort sans être f gretté de personne, et que durant su longue et cruelle maladie son lit n'a cessé d'être entouré par tout ce qu les lettres avaient de plus illustre, qu'il en ait reçu jusqu'au dernie ment les soins les pins touchants. Id est le portrait que Grimm, qui l'arat bien connu, nous a laissé de cethomut que Voltaire a traité avec une si zare bienveillance, et dont il faudrait ava une haute opinion si on voulait la r mer d'après sa correspondance avecis Hinséra dans l'Encyclopédie, nom de Boulanger, l'article vingtient qui est de lui; c'était alors la tactique de mettre sur le compte des morts e diatribes les plus hardies. Un an at

saus ir

[ocr errors]

sa mort, Damilaville publia un pamphlet intitulé: l'Honnéteté theologique, qu'il donna pour être de Volaire et qu'on cruft en effet un moment être sorti de la plume de cet homme célèbre. L'auteur voulut y venger Marmontel des attaques de Coger et de l'abbé Riballier. Il poussa jusqu'à la fureur sa haine contre la religion chrétienne et même contre la Divinité. Le christianisme dévoilé, qui parut sous le nom et comme ouvrage poshume de Boulanger, qui fut attribué aussi au baron d'Holbach, est de Dmilaville. C'est tout ce que l'impiété a produit de plus révoltant. Volaire lui-même en fut indigué. L'aueur de cet article possède l'exem plaire de cet ouvrage qui a appa enu à Voltaire, et sur lequel le philosophe de Ferney a écrit de sa main de nombreuses observations. Ces observations sont inédites, et nous croyons faire plaisir en donnant ici les plus remarquables. Sur le feuillet du titre, Voltaire a écrit cette observation judicieuse : « Cet ouvrage est plus rempli de déclamation que méthodique. L'auteur se répète et se contredit quelquefois; on dira que c'est l'impiété dévoilée. » A la page 12 de la préface, l'auteur avait dit que la religion ne change rien aux passions des hommes et qu'ils ne l'écouent que lorsqu'elle parle à l'unisson de leurs désirs. « Qu'est-ce que parler à l'unisson, reprend Voltaire ? On ➡s'est fait dans ce siècle un style bien étrange. » A la page 15 de ette même préface, l'auteur parle de a perversité de la moraic que le chrisianisme enseigne aux hommes; Volaire a écrit à la marge: « Peut-on ➡appeler perverse la morale de Jésus-Christ? » La religion chrétienne est présentée, à la page 13 de l'ourage, comme fournissant aux hom

mes mille moyens ingénieux de se tourmenter. « Elle répandit sur eux, » continue l'auteur, des fléaux in» connus à leurs pères, et le chrétien » s'il eût été sensé, eût inille fois re» gretté la paisible ignorance de ses » ancêtres. Quoi ! dit Voltaire, va

[ocr errors]

» lait-il mieux immoler des hommes » à Teutatès, daus des mannes d'ozier? Encouragée par les enthou»siastes et les imposteurs qui succes» sivement se jouèrent de sa crédulité, » la nation juive attendit toujours >> un messie, un monarque, un libé. » rateur qui la débarrassât du jong. >> (Pag, 25.) A cela Voltaire répond: «Non pas dans leur prospérité, » car alors il n'en avaient pas besoin.>> - Le chrétien voit son dieu barbare » se vengeant avec rage et sans mc» sure pendant l'éternité; en un mot, » le fanatisme des chrétiens se nour>> rit par l'idée révoltante d'un enfer. » (Pag. 37.)-« L'auteur oublie, ré

» nous

dit

pond Voltaire, que les autres reli»gions admettaient un enfer long » temps auparavant.-On ne man » quera pas de nous dire que c'est » dans une autre vie que la justice » de Dieu se montrera. Cela posé, ne pouvons l'appeler just » dans celle-ci, où nous voyons si » souvent la vertu opprimée et le vice »> récompensé. » (Pag. 48.) — « Ceci >> est contre toutes les religions, » Voltaire, qui ont admis une autre » vie, aussi bien que contre la chré» tienne.» (La faute de langue ou plutôt d'attention qui se trouve ici, se trouve encore dans plusieurs autres notes.) a Les incertitudes et les >> craintes de celui qui examine de » bonne foi la révélation adoptée par » les chrétiens, ne doiveut-elles » point redoubler, quand il voit que » son Dieu n'a prétendu se faire con» naître qu'à quelques êtres favorisés,

-(

>> tandis qu'il a voulu rester caché pour » le reste des mortels à qui pourtant » cette révélation était également né» cessaire. » (Pag. 54.) — « Cela n'est » pasvrai; les apôtres se disent envoyés » par toute la terre; l'auteur confond » continuellement la religion mosaïque » et la chrétienne. » (Voltaire.)— « L'effet des miracles de Mahomet fut » au moins de convaincre les Arabes » qu'il était homme divin. » (Pag. 67.) -« Mahomet n'a point fait de mira»cles. Il n'y a dans le Coran que le >> miracle du voyage de la Mecque à » Jérusalem en une nuit. » (Voltaire.) — a Que sera-ce si l'on vient à lui joindre à Dien) des attributs >> inconcevables que la théologie chré>>tienne s'efforce de lui attribuer. >> Est-ce connaître la Divinité que de » dire que c'est un esprit, un être » immatériel qui ne ressemble à rien » de ce que les sens nous fout con»> naître ? »> ( (P. 92 et 93.) — « L'au>>teur combat, bien mal à propos, » cette idée de Dieu, reçue non seu»lement chez les chrétiens, mais » dans toute la terre.» (Voltaire.) L'esprit humain n'est-il pas con» fondu par les attributs négatifs » d'infinité, d'immensité, d'éternité, de toute-puissance, d'omni-scien» ce, dont on a orné ce Dicu pour le >> rendre plus inconcevable?» (P. 93).

་་

« Les anciens donnaient à Dieu » les mêmes attributs, sans révélation et sans contradiction. » (Voltaire.) — « Le législateur des juifs leur avait » soigneusement caché ce prétendu » mystère des récompenses et des » peines de l'autre vic); et le dog» me de la vie future faisait partie du » secret que dans les mystères des » Grecs on revelait aux initiés.» (P. 158.)- — « Non, la vie future était le dograe populaire; c'était l'unité de Dieu qui était le dogme secret.» (Vol

taire.) –

[ocr errors]

Si les souverains gouver

»> naient avec sagesse, ils n'auraien
» pas besoin du dogme des recom
»penses et des peines futures pour
» contenir les peuples. » (P. 109.
- « Toutes les républiques grecques
>> admirent ce dogme. (Voltaire).-
« Le christianisme admet des êtres
» invisibles d'une nature différente
» de l'homme.» (P. 112.) — «Et les
» gentils aussi.» (Voltaire). — Joste
>> arrête le soleil qui ne tourne point.
(Page 129). — « Il tourne sur sen
» axe; il faut dire qui ne tourne
» point autour de la terre. » (Voltaire,
-« Au lieu d'interdire la debauche.
» les crimes et les vices, parce que
» Dieu et la religion défendent ces far-
» tes, on devrait dire que tout extés
» qui nuit à la conservation de l'hom
» me, le rend méprisable aux year
» de la société, est défendu par la
>> raison, qui veut que l'homme se
» conserve.» (Pag. 157 et 158)-
« Pourquoi ôter aux hommes le frein
» de la crainte de la Divinité? Tous
» les philosophes, excepte les épic
» riens, ont dit qu'il fallait être juste
» pour plaire à Dieu. » (Voltaire.) —
« Les sectateurs du christianisme
>> croient avoir rempli tous leurs de
» voirs, dès qu'ils montrent un atta-
» chement scrupuleux à des mine-
»ties religieuses, totalement étran
» gères au bonheur de la société.
(P. 160.) — « Get abus de la re-

ligion n'est pas la religion.» (Vol taire). Nous bornons là nos a tations; elles suffisent pour faire voir que ce monstrueux ouvrage me ritait le sentiment universel d'ind gnation qui s'éleva contre l'auteur, et que Voltaire lui-même fut le pre mier à éprouver. C'est dans le secret de sa conscience qu'il écrivit as notes, et elles font d'autant mieux connaître ses véritables principes, set

« ZurückWeiter »