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M. de Mirabeau l'aîné. Je demande à répondre à M. l'abbé Maury.

·M. l'abbé Maury. L'exposé de mes principes est un hommage que je dois et que je rends aux décrets de cette assemblée; mais je n'avais pas besoin d'exposer ces principes, puisque j'ai lu dans la constitution que le pouvoir exécutif suprême réside dans les mains du roi. Je vous demande si dans le moment où vous repoussâtes l'expression de démocratie royale, dans le moment où, pour excuser cette expression, l'opinant a dit qu'il avait voulu montrer le ridicule de tous ces systèmes....

M. le baron de Wimpffen. Je demande à répondre sur cela à M. l'abbé Maury.

M. l'abbé Maury. Croyez-vous alors que cette prophétie se réaliserait? On nous a toujours dit que le pouvoir exécutif entier sortirait de la constitution, et aujourd'hui je demande aux Français partisans de l'autorité royale, et qui veulent vivre dans une monarchie, quelle influence sur le pouvoir judiciaire restera au monarque des Français? Je demande s'il n'est pas bien étrange que les mêmes législateurs qui ont associé le roi à la législation、 veulent éloigner le monarque des tribunaux, veulent priver ja société de ce lien de la justice et de l'obéissance qui établit le calme et l'harmónie? On nous a dit que l'influence du roi' sur l'ordre judiciaire était un attentat du régime féodal. Je ne remonterai pas à l'origine des peuples; je ne vous citerai pas les rois de Grèce, les rois d'Egypte, qui n'étaient pas des barbares et qui étaient juges; je rappellerai qu'avant le régime féodal, les centeniers, les juges de la nation, rendaient la justice pour le roi et au nom du roi. La féodalité usurpa ensuite ce droit qui appartenait au souverain. Qui de vous ne sait qu'il fut un temps où il n'y avait plus dans l'empire que quatre bailliages, ceux de Vermandois, de Sens, de Mâcon et de Saint-Pierre-le-Moutier? Qui ne sait que les Feudataires attaquant l'autorité royale, s'étaient emparés du pouvoir judiciaire, comme le plus grand moyen de dominer les peuples? (Il s'élève des murmures à droite, et des applaudissemens à gauche). Et quand je réclame l'influence du monarque dans le pouvoir judiciaire, ce n'est pas une usurpation; c'est de

l'ordre naturel que je demande le rétablissement pour le bonheur du peuple, pour donner à ce peuple des juges qui aient le courage d'être justes. On dit qu'en Angleterre le pouvoir judiciaire entre les mains du roi, est un reste du régime féodal; mais l'Angleterre a été conquise dix fois, mais les Anglais ont toujours obéi à des étrangers; ces étrangers n'ont pas usurpé le droit de juger, ils l'ont reçu. Il serait à désirer que les rois, inaccessibles aux petites passions qui nous environnent, fussent nos seuls juges : cela n'est pas possible; mais ils ont dans les tribunaux des substituts, et l'ordre le veut ainsi, parce que le juge ne doit pas dépendre de ses justiciables. Je montrerai comment, avec de l'éloquence, on séduit le peuple, comment avec de l'or on le gagne, comment, avec des espérances, on le flatte pour l'opprimer. Dans toutes les nations, la main de justice a été l'attribut de la royauté, comme si on avait voulu apprendre au peuple que si tout est faveur chez les princes faibles, tout est justice chez les bons rois. Il importe dans toutes les questions relatives à la liberté, de se défendre de ces vaines terreurs qui, en nous menaçant de dangers, sont dangereuses elles-mêmes. Je me fais le tableau de la constitution; je la considère comme un édifice dont vous taillez, dont vous disposez, dont vous placez toutes les pierres ; le pouvoir exécutif est le ciment: si le pouvoir exécutif ne lie toutes les parties, elles tomberont, et l'édifice sera détruit. Loin donc d'écouter les conseils d'une excessive défiance, loin de regarder le pouvoir exécutif comme l'ennemi de la liberté, tandis qu'il est vraiment intéressé à la défendre, nous ne devons écouter que les règles de la raison, qu'un intérêt bien entendu. C'est au nom du roi que la justice sera rendue; il le faut bien, car elle ne peut l'être au nom de la nation: la nation ne peut exercer ses pouvoirs, elle les a délégués. Si le pouvoir exécutif est étranger à la constitution, il est étranger au royaume; si le roi est sans influence, vous n'avez plus de monarque, vous n'avez qu'un pensionnaire. Le roi n'élira pas, il prononcera sur les élections, et vous craignez pour la liberté? Il choisira parmi ceux qu'on lui présentera, et vous craignez qu'il n'opprime la liberté ? Vous

T. V.

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ávez décrété l'amovibilité des juges : si le peuple renouvelle les magistrats tous les six ans, personne ne voudra entrer dans les tribunaux. Mais quel intérêt aurait le gouvernement à séduire un juge? Le juge sera étranger à l'impôt et à l'administration publique, et vous croyez que le gouvernement l'achètera de ses deniers? Pourquoi faire? Si la séduction est à craindre, c'est celle des plaideurs, qui achèteront la justice au poids de l'or: voilà la séduction dont l'Angleterre gémit, et dont gémira davantage le peuple français, ce peuple d'électeurs appelés chaque mois à élire des juges, des magistrats et des députés, Je conclus que le pouvoir judiciaire appartient au pouvoir exécutif. L'ordre judiciaire est de votre ressort, mais l'institution des juges appartient au roi : le peuple élira trois juges, le roi en choisira un, et ce choix deviendra un moyen de préserver le peuple de ses propres cr

reurs.

M. de Mirabeau l'aîné. Je monte à la tribune pour répondre à la théorie du préopinant, très-rassuré sur la plus grande difficulté qu'il ait voulu nous susciter, c'est-à-dire, celle de nous justifier de la tentative d'élever un gouvernement républicain, car lui-même a pris la peine de nous en justifier d'une manière très-palpable. Selon M. l'abbé Maury, dès que le pouvoir exécutif est divisé, il y a république; et selon M. l'abbé Maury, nous réunissons tous les pouvoirs dans notre constitution : nous ne faisons donc pas une république.... (Il s'élève des murmures dans la partie droite.) J'ai peur que ceux qui m'entendent et qui se sont hâtés de rire, n'aient pas compris que je livrais au propre jugement de M. l'abbé Maury, l'incohérence de ces deux difficultés. (Une voix s'élève de la partie droite, et dit : vous êtes un bavard, et voilà tout.) M. le président, je vous prie de réprimer l'insolence des interrupteurs qui m'appellent bavard. (Plusieurs membres de la partie droite adressent des propos menaçans à l'opinant.) M. le président, la jactance d'un défi porté dans le tumulte, n'est pas assez noble pour qu'on daigne y répondre, je vous prie de m'obtenir du silence; je ne suis pas à la tribune pour répondre à d'insolentes clameurs, mais pour payer le faible con

tingent de ma raison et de mes lumières, et je prie le préopinant auquel je réponds maintenant de regarder ma réponse comme sérieuse. Il a dit, il a répété plusieurs fois que le gouvernement est républicain quand le pouvoir exécutif est divisé. Il me semble qu'il est tombé dans l'étrange erreur de substituer le pouvoir exécutif au pouvoir législatif. Le caractère d'un gouvernement républicain est que le pouvoir législatif soit divisé; dans un gouvernement même despotique, le pouvoir exécutif peut être divisé. A Constantinople, le muphti et l'aga des Janissaires sont deux officiers très-distincts. Il est si la division du poupeu vrai que voir exécutif soit un caractère du gouvernement républicain, qu'il est impossible de nier que dans une constitution républicaine, on ne puisse trouver le pouvoir exécutif en une seule main, et dans les anciens gouvernemens monarchiques le pouvoir exécutif divisé. Le préopinant s'est donc trompé. Il nous a montré que nous n'allions pas au même but, quand il a dit que l'influence sur le pouvoir judiciaire appartient au roi : je dis que cette influence est l'attribut, non pas du gouvernement arbitraire monarchique, mais du despotisme le plus certain. Il y a une manière vraiment simple de distinguer dans l'ordre judiciaire les fonctions qui appartiennent au prince de celles auxquelles il ne peut participer en aucun sens. Les citoyens ont des différens; ils nomment leurs juges : le pouvoir exécutif n'a rien à dire quand la décision n'est pas proférée. Mais là ou finissent les fonctions judiciaires, le pouvoir exécutif commence. Il n'est donc pas vrai que ce pouvoir ait le droit de nommer ceux qui profèrent la décision. Je crois qu'il n'appartient qu'à un ordre d'idées vague et confus de vouloir chercher les différens caractères des gouvernemens : tous les bons gouvernemens ont des principes communs; ils ne différent que pour la distribution des pouvoirs. Les républiques, en un certain sens, sont monarchiques; les monarchies, en un certain sens, sont républiques. Il n'y de mauvais gouvernemens que deux gouvernemens; c'est le despotisme et l'anarchie : mais je vous demande pardon, ce ne sont pas là des gouvernemens, c'est l'absence des gouvernemens. J'étais monté

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à cette tribune pour y donner mon avis sur ce point particulier; je n'ai pas participé aux délibérations des précédentes séances soit par défiance en mes lumières, soit parce que je m'étais formé d'autres idées sur cette matière, convenables à d'autres temps, à d'autres circonstances. Je n'ai voulu relever que cette grande erreur que la division du pouvoir exécutif est le caractère du gouvernement républicain. La non-division du pouvoir exécutif est une chimère, un être de raison que M. l'abbé Maury ne trouvera dans aucun gouvernement connu.

On ferme la discussion.

M. de Cazalès demande que le comité de constitution fasse connaître son avis sur la question.

M. Desmeuniers monte à la tribune.

M. Alexandre de Lameth. Le comité de constitution avait donné un plan, on s'en est écarté. Des membres du comité ont parlé à la tribune; la discussion a été très-développée; tout le monde doit avoir une opinion arrêtée. Il est inutile de demander à connaître l'avis du comité, à moins que ce ne soit pour retarder ou pour influer sur la délibération. Est-ce comme membre du comité que M. Desmeuniers va parler? Il n'en connaît plus l'avis. Est-ce comme membre de l'assemblée? La discussion est fermée. Je demande la question préalable sur la proposition de M. de Cazalès.

M. de Montlauzier. En matière de finance, on a toujours consulté le rapporteur du comité; on a même quelquefois demandé l'avis du ministre.

M. Charles de Lameth. Le plus grand nombre des membres du comité ayant adopté le plan de M. l'abbé Sieyès, leur opinion est connue; elle tend évidemment à ce que les juges ne soient point institués par le roi.

L'assemblée décide que M. Desmeuniers sera entendu.

M. Desmeuniers. Je vais donner, en peu de mots, les observations qui sont à ma connaissance. La série de questions que vous discutez n'a pas été présentée par le comité, qui ne vous avait proposé l'institution des juges par le roi que dans un ordre

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