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convenoit que le Verbe s'unit à la créature, non plus par participation, mais personnellement, afin de la rétablir dans l'état où elle doit être, pour atteindre à sa perfection éternelle et immuable; car si un ouvrage d'art se détériore, l'artisan lui-même le restaure au moyen de la forme artificielle qu'il avoit conçue, et en vertu de laquelle il l'avoit produit. — Ce rapport de convenance entre le Verbe et la nature humaine consiste, en second lieu, d'une manière spéciale, en ce que le Verbe est le concept de la sagesse éternelle, d'où dérive toute sagesse humaine. Par conséquent, l'homme se perfectionne dans la sagesse, qui est sa propre perfection en sa qualité d'être raisonnable, par-là même qu'il participe au Verbe de Dieu, tout comme le disciple s'instruit par-là même qu'il reçoit le verbe du maître. De là cette parole du Sage, Eccli., I, 5 : « Le Verbe de Dieu est au plus haut des cieux la source de la sagesse. » Il convenoit donc que le Verbe de Dieu s'unît personnellement à la nature humaine, pour élever l'homme au plus haut point de perfection (1). 2° On peut tirer de la fin de l'union un second argument en faveur de cette convenance. Cette fin consiste dans l'accomplissement de la prédestination des hommes destinés par avance à l'héritage céleste, qui n'est dû qu'aux enfants, selon ce que dit saint Paul, Rom., VIII, 17 : « Si nous sommes les enfants de Dieu, nous sommes aussi ses héritiers. » Il convenoit donc pour cela que celui qui est le Fils naturel fit participer les hommes à la ressemblance de cette filiation par l'adoption, comme le dit encore l'Apôtre, ibid., XXIX : « Ceux qu'il a connus d'avance, il les a prédestinés à devenir conformes

(1) Tout ce qu'il y a de plus sublime et de plus profondément vrai dans la philosophie platonicienne, nous paroît admirablement fondu et mis en œuvre dans ce double aperçu concernant l'Incarnation du Verbe. Nous l'avons dit ailleurs, cette philosophie avoit déjà subi une sorte de transformation chrétienne en passant par l'ame et le génie de saint Augustin. Quelques-unes des pensées que nous venons d'admirer, on se souvient de les avoir vues dans ce grand docteur. C'est lui qui a nommé le Verbe « l'art éternel de l'artiste suprême. » Mais est-ce donc amoindrir le mérite de saint Thomas, que de montrer l'usage qu'il a su faire des trésors de l'antiquité? N'est-ce pas au contraire là l'un des secrets de sa puissance et l'un des plus beaux comme des plus féconds exemples qu'il ait transmis à tous ceux qui se dévouent à l'étude et à la défense de la vérité religieuse?

per unionem Verbi ad creaturam, non partici- « Fons sapientiæ Verbum Dei in excelsis. » Et patam, sed personalem, conveniens fuit repa-ideo ad consummatam hominis perfectionem rari creaturam in ordine ad æternam et immo- conveniens fuit ut ipsum Verbum Dei human bilem perfectionem. Nam et artifex per formam naturæ personaliter uniretur. Secundò potest artis conceptam, qua artificiatum condidit, ipsum accipi ratio hujus congruentiæ ex fine unionis, (si collapsum fuerit) restaurat. Alio modo habet qui est impletio prædestinationis, eorum sciliconvenientiam specialiter cum humana natura, cet qui præordinati sunt ad hæreditatem cœlesex eo quòd Verbum est conceptus æternæ Sa- tem, quæ non debetur nisi fliis, secundùm pientiæ, à qua omnis sapientia hominum deri-illud Rom., VIII: «Si filii et hæredes. » Et vatur. Et ideo per hoc homo in sapientia perficitur (quæ est propria ejus perfectio, prout est rationalis), quòd participat Verbum Dei, sicut discipulus instituitur per hoc quòd recepit verbum magistri; unde Eccles., I, dicitur :

ideo congruum fuit ut per eum qui est filius naturalis, homines participarent similitudinem hujus filiationis secundùm adoptionem, sicut Apostolus ibidem dicit : « Quos præscivit, et prædestinavit conformes fieri imaginis Filii sui.»

à l'image de son Fils (1). » 3° On peut encore voir une troisième raison de cette convenance dans le péché de notre premier père, qui trouve son remède dans l'incarnation. Le premier homme, en effet, avoit été pousse au péché par l'amour de la science. La preuve en est dans les paroles du serpent, qui lui promit la science du bien et du mal. Il convenoit donc que le Verbe de la vraie sagesse ramenât à Dieu l'homme qui s'étoit éloigné de Dieu, entraîné par un amour désordonné de la science.

Je réponds aux arguments: 1° Il n'est rien dont la malice de l'homme ne puisse abuser, puisqu'elle abuse même de la bonté de Dieu, comme le prouve cette parole de l'Apôtre, Rom., II, 4: « Méprisez-vous donc les richesses de sa bonté? » Si donc la personne du Père s'étoit incarnée, l'homme eût pu trouver en cela l'occasion de tomber dans l'erreur, en se persuadant, par exemple, que le Fils n'auroit pas été capable de restaurer tout seul la nature humaine.

2o La puissance de Dieu le Père a accompli la première création du monde par le Verbe. La puissance de Dieu le Père devoit donc également accomplir par le Verbe la seconde création, afin que cette création nouvelle répondît à la première. Aussi l'Apôtre nous dit, II Cor., V, 19: << Dieu étoit dans le Christ, se réconciliant le monde. »

3o Le propre du Saint-Esprit, c'est d'être le don du Père et du Fils. Or la rémission des péchés se fait par le Saint-Esprit, comme par le don de Dieu. Il convenoit donc que le Fils, de qui le Saint-Esprit est le don, s'incarnât pour justifier les hommes.

(1) Aussi le même Apôtre, après avoir dit : « Si vous êtes les enfants de Dieu, vous êtes donc ses héritiers,» ajoute-t-il aussitôt : « héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ. » Et voici comment saint Thomas lui-même explique et développe ce passage: Le Christ étant le Fils par nature, il est aussi l'héritier principal. C'est par lui que nous participons à la grace de la filiation; c'est également par lui que nous devons avoir part au bonheur et à la gloire de l'héritage éternel.

Tertiò potest accipi ratio hujus congruentiæ ex | cere non potuisset ad humanam naturam repapeccato primi parentis, cui per incarnationem randam. remedium adhibetur. Peccaverat enim primus homo, appetendo scientiam, ut patet ex verbis serpentis promittentis homini scientiam boni et mali. Unde conveniens fuit ut per Verbum veræ sapientiæ homo reduceretur in Deum, qui per inordinatum appetitum scientiæ recesserat à Deo.

Ad primum ergo dicendum, quòd nihil est quo humana malitia non possit abuti, quando etiam ipsa Dei bonitate abutitur, secundum illud Rom., II: «An divitias bonitatis ejus contemnis? » Unde, etiamsi persona Patris fuisset incarnata, potuisset ex hoc homo alicujus erroris occasionem sumere ́quasi Filius suffi

Ad secundum dicendum, quòd prima rerum creatio facta est à potentia Dei Patris per Verbum. Unde et recreatio per Verbum fieri debuit à potentia Dei Patris, ut recreatio creationi responderet, secundum illud II. Cor., V: « Deus erat in Christo, mundum reconcilians sibi. »

Ad tertium dicendum, quòd Spiritui sancto proprium est quòd sit bonum Patris et Filii. Remissio autem peccatorum fit per Spiritum sanctum tanquam per donum Dei: et ideo con venientius fuit ad justificationem hominum, quòd incarnaretur Filius, cujus Spiritus sauctus est donum.

QUESTION IV.

Du mode de l'union considérée dans la nature humaine prise par
la personne divine.

Considérons maintenant l'union en ce qui concerne la nature qu'a prise la personne divine.

Il faut examiner tout d'abord les choses que le Verbe de Dieu a prises, et, en second lieu, les perfections et le défauts qu'il s'est appropriés.

Or le Fils de Dieu a pris la nature humaine et ses parties. Il y a donc trois choses à étudier sur le premier point: 1° Ce qui regarde la nature humaine; 2o ce qui regarde ses parties; 3° l'ordre observé dans l'assomption.

On pose six questions touchant la nature humaine dans le Christ: 1o La nature humaine étoit-elle plus apte à être unie au Fils de Dieu qu'aucune autre nature? 2o Le Fils de Dieu a-t-il pris une personne? 3o A-t-il pris un homme? 4° Auroit-il convenu qu'il prît la nature humaine séparée de tout individu? 5o Auroit-il convenu qu'il prît la nature humaine dans tous ses individus? 6o Convenoit-il qu'il prît la nature humaine dans un homme issu de la souche d'Adam?

ARTICLE I.

La nature humaine étoit-elle plus apte à être unie au Fils de Dieu qu'aucune

autre nature?

Il paroît que la nature humaine n'étoit pas plus apte à être prise par le Fils de Dieu qu'aucune autre nature. 1° Saint Augustin dit dans sa Lettre à Volusien, Epist. CLXXXVIII: « Dans les choses miraculeuses,

QUESTIO IV.

De modo unionis ex parte naturæ humanæ assumptæ, in sex articulos divisa. Deinde considerandum est de unione ex parte | set naturam humanam à singularibus separaassumpti. Circa quod primò considerandum occurrit de his quæ sunt à Verbo Dei assumpta; secundò, de quibusdam assumptis, quæ sunt perfectiones et defectus. Assumpsit autem Dei Filius humanam naturam et partes ejus.

Unde circa primum triplex consideratio occurrit prima est quantum ad ipsam humanam naturam; secunda est quantum ad partes ipsius; tertia quantum ad ordinem assumptionis.

tam. 5° Utrùm fuisset conveniens quòd assumpsisset humanam naturam in omnibus ejus singularibus. 6° Utrùm fuerit conveniens quòd assumeret humanam naturam in aliquo homine ex stirpe Adæ progenito.

ARTICULUS I.

Utrùm natura humana fuerit magis assump tibilis à Filio Dei, quàm aliqua alia natura.

Circa primum quæretur sex: 1o Utrùm humana natura fuerit magis assumptibilis à Filio Dei, Ad primum sic proceditur (1). Videtur quò! quàm aliqua alia natura. 2o Utrùm assumpserit humana natura non fuerit magis assumptibilis personam. 30 Utrùm assumpserit hominem. à Filio Dei, quàm quælibet alia natura. Dicit 4o Utrùm fuisset conveniens quòd assumpsis- enim Augustinus in Epist. ad Volusianum, (1) e his etiam lib. III. Sent., dist. 2, qu. 1, art. 1; et Contra Gent., lib. IV, cap. 55.

toute la raison du fait est la puissance de celui qui l'accomplit. » Or la puissance de Dieu qui accomplit l'incarnation, c'est-à-dire l'œuvre la plus miraculeuse, n'est point limitée à une seule nature, puisque la puissance divine est infinie. Donc la nature humaine n'est pas plus apte à être prise par Dieu qu'aucune autre nature créée.

2o On a vu plus haut, qu. précéd., art. 8, qu'une raison de convenance quand il s'agit de l'incarnation d'une personne divine, c'est la ressemblance. Or si l'on trouve que la créature raisonnable ressemble à Dieu comme son image, on voit aussi que la créature irraisonnable lui ressemble d'une ressemblance de vestige. Une créature sans raison pouvoit donc être prise aussi bien que la nature humaine.

3o La ressemblance de Dieu est plus saillante dans la nature angélique que dans la nature humaine. C'est ce que remarque saint Grégoire, dans une de ses Homélies, Homil. XXXIV in Evang., où il cite cette parole d'Ezechiel, XXVIII, 12 : « Vous étiez le sceau de la ressemblance. » Le péché se rencontre dans l'ange tout comme dans l'homme, d'après ce texte de Job, IV, 18: «ll a trouvé de la perversité dans ses anges (1).» La nature angélique pouvoit donc être prise aussi bien que la nature humaine. 4° Puisque la souveraine perfection appartient à Dieu, un être lui ressemble d'autant mieux qu'il est plus parfait. Or l'univers entier est plus, parfait que ses parties, au nombre desquelles est la nature humaine. Ily a donc plus d'aptitude pour l'union avec Dieu dans l'univers entier que dans la nature humaine.

Mais la sagesse engendrée dit, au contraire, Prov., VIII, 31 : « Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes (2). » Il paroît donc, d'après

(1) Il pourra sembler étrange au premier abord que l'auteur présente une semblable considération en faveur de la nature angélique; mais c'est une de celles qu'il va faire valoir pour expliquer le choix qui a été fait de la nature humaine. Il n'est donc pas étonnant que devant être donnée à l'appui de la thèse, cette raison soit auparavant employée pour soutenir une objection. Il en est de même de la raison qui précède celle-là dans le même argument. (2) Dans le sens direct et littéral, ces paroles semblent uniquement s'appliquer à la divine

(Epist. III) : « Quòd in rebus mirabiliter factis, tota ratio facti, est potentia facientis. » Sed potentia Dei facientis Incarnationem, quæ est opus maximè mirabile, non limitatur ad unam naturam, cùm potentia Dei sit infinita. Ergo natura humana non est magis assumptibilis à Deo, quàm aliqua alia creatura.

2. Præterea, similitudo est ratio faciens ad congruitatem Incarnationis divinæ personæ, ut suprà dictum est. Sed sicut in creatura rationali invenitur similitudo imaginis, ita in creatura irrationali invenitur similitudo vestigii. Ergo creatura irrationalis assumptibilis fuit, sicut humana natura.

3. Præterea, in natura Angelica invenitur expressior Dei similitudo, quàm in natnra humana; sicut Gregorius dicit in homil. De cen

tum ovibus (XXXIV. in Evang.), introduducens illud Ezech., XXVIII: « Tu signaculum similitudinis. » Invenitur etiam in Angelo peccatum, sicut in homine, secundum illud Job, IV: « In Angelis suis reperit pravitatem. » Ergo natura Angelica fuit ita assumptibilis sicut natura hominis.

4. Præterea, cùm Deo competat summa perfectio, tanto magis est Deo aliquid simile, quanto est magis perfectum. Sed totum universum est magis perfectum quàm partes ejus, inter quas est humana natura. Ergo totum universum est magis assumptibile, quàm humana natura.

Sed contra est, quod dicitur Prov., VIII, ex ore Sapientiæ genitæ : « Deliciæ meæ esse cum Filiis hominum. » Et ita videtur esse quæ

cela, qu'il y a une certaine convenance dans l'union du Fils de Dieu avec la nature humaine.

(CONCLUSION. Puisque, par là même qu'elle est intelligente, la nature humaine est apte à entrer en relation avec le Verbe de Dieu par la connoissance et l'amour, et que, dès lors qu'elle est entachée du péché originel, elle a plus besoin qu'aucune autre d'être restaurée, c'est de toutes les natures la seule que le Verbe de Dieu pouvoit prendre.)

Quand on dit qu'une chose est susceptible de l'assomption, cela signifie qu'elle est apte à être prise par une personne divine. On ne peut pas entendre par cette aptitude une puissance passive naturelle, puisqu'une telle puissance ne s'étend pas jusqu'à ce qui excède l'ordre naturel; et l'union personnelle d'une créature avec Dieu excède certainement l'ordre naturel. Si donc on dit qu'une chose est susceptible de l'assomption, c'est que l'on voit en elle une convenance pour cette union. Nous trouvons deux fondements de cette convenance dans la nature humaine : la dignité et la nécessité. Sa dignité, parce que la nature humaine, en tant que raisonnable et intelligente, est naturellement apte à entrer d'une certaine manière en relation avec le Verbe lui-même, par son opération, qui consiste à le connoître et à l'aimer. La nécessité, parce qu'elle avoit besoin d'être restaurée, dès lors qu'elle étoit entachée du péché originel. Or ces deux choses n'appartiennent qu'à la nature humaine; car la créature privée de raison manque de la convenance fondée sur la dignité; et la convenance qui repose sur cette nécessité dont nous venons de parler ne se trouve pas dans la nature angélique. Il faut donc conclure que la nature humaine est seule susceptible de l'assomption (1).

sagesse considérée comme attribut moral et d'une manière abstraite. Mais les commentateurs les plus accrédités des Livres saints et l'Eglise elle-même les mettent dans la bouche de la Sagesse substantielle et engendrée, c'est-à-dire du Verbe divin. C'est par ce Verbe que tout a été fait, selon l'expression du plus sublime des Evangelistes; « et il s'est fait chair et il a voulu habiter parmi nous. »

(1) Quand les savants étudient la nature, sans en exclure la pensée de Dieu, ils y décou

dam congruentia unionis Filii Dei ad humanam | congruentiam ad unionem prædictam. Quæ naturam.

(CONCLUSIO. Cùm humana natura, intellectualis existens, apta sit Verbum Dei per cognitionem et amorem attingere, et, originali peccato obnoxia, magis reparatione indigeat, ea sola ex naturis assumptibilis à Verbo fuit.) Respondeo dicendum, quòd aliquid assumptibile dicitur quasi aptum assumi à divina persona. Quæ quidem aptitudo non potest intelligi secundum potentiam passivam naturalem, quæ non se extendit ad id quod transcendit ordinem naturalem, quem transcendit unio personalis creaturæ ad Deum. Unde relinquitur quòd assumptibile aliquid dicatur, secundum

quidem congruentia attenditur secundum duo in humanå naturâ, scilicet secundum ejus dignitatem et necessitatem: secundum dignitatem quidem, quia humana natura, in quantum est rationalis et intellectualis, nata est attingere aliqualiter ipsum Verbum per suam operationem, cognoscendo scilicet et amando ipsum: secundum necessitatem autem, quia indigebat reparatione, cùm subjaceret originali peccato. Hæc autem duo soli humanæ naturæ conve niunt; nam creaturæ irrationali deest congruitas dignitatis, naturæ autem Angelicæ deest congruitas prædictæ necessitatis. Unde relinquitur quòd sola natura humana sit assumptibilis (1).

(1) Congruenter, ut supponitur ex præmissis, non absolutè quovis modo.

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