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Près de là se trouve l'embouchure de l'Orénoque, rivière qui, parmi celles du NouveauMonde, surpasse de beaucoup en grandeur les fleuves de l'hémisphère oriental. Elle porte à l'Océan une masse d'eau si énorme, et coule avec tant d'impétuosité, que, lorsqu'elle rencontre la marée, qui, sur cette côte, monte à une trèsgrande hauteur, le choc des flots est tel qu'ils s'élèvent et combattent entre eux d'une manière surprenante et terrible. La rapidité du fleuve le fait triompher dans cette lutte opiniâtre, et on le voit porter ses eaux à plusieurs lieues dans l'Océan, sans les y mêler (1).

Placé entre ce terrible courant et les vagues agitées, Colomb n'échappa qu'avec beaucoup de difficulté par un détroit qui lui parut si dangereux, qu'il l'appela la Bouche-du-Dragon; mais, lorsque le danger fut passé, il vit, dans l'objet même qui l'avait si fort effrayé, des motifs d'espérance et de consolation. Il conjectura, avec beaucoup de justesse, qu'une rivière si considérable ne pouvait pas être fournie par une île, et qu'elle devait couler au travers d'un très-grand continent, et il ne douta pas que ce ne fût celui qu'il cherchait depuis si long-temps.

(1) GUMILLA.

Plein de cette idée, il navigua à l'ouest le long de la côte des provinces qui sont aujourd'hui connues sous les noms de Paria et de Cumana. Il prit terre en différens endroits, et eut quelque commerce avec les naturels du pays, dont les traits et les mœurs lui parurent ressembler à ceux des Indiens d'Hispaniola. Ils portaient des ornemens d'or en petites plaques, et des perles très-belles, qu'ils échangèrent volontiers pour de petites merceries d'Europe. Ils semblaient avoir plus d'intelligence et de courage que les habitans des îles. On voyait dans cette contrée des quadrupèdes de différentes espèces, et une grande variété d'oiseaux et de fruits (*).

L'amiral fut si transporté de la beauté et de la fertilité du pays, que, plein de cet enthousiasme qui accompagne ordinairement la passion des découvertes, il imagina que c'était là le paradis terrestre de l'Écriture, que Dieu avait donné à l'homme pour y habiter tant que son innocence le rendrait digne d'un si beau séjour (**).

(*) Vie de Chr. Colomb.

(**) GOMERA. Il paraît que Colomb s'était formé des idées singulières sur les pays qu'il venait de découvrir. Les houles violentes, et l'agitation singulière des eaux sur la côte de la Trinité, lui firent croire que c'était là la partie la plus haute

C'est ainsi que Colomb eut la gloire de faire connaître au genre humain l'existence d'un Nouveau-Monde, d'étendre cette découverte, et de conduire, le premier, les Espagnols au vaste continent qui est devenu la plus considérable partie de leur empire et la principale source de toutes leurs richesses. Il eût bien désiré poursuivre son voyage; mais le mauvais état de ses vaisseaux, le manque de vivres, ses propres infirmités, et l'impatience de ses équipages ne lui permettant pas

du globe *, et il pensait que plusieurs circonstances concouraient à prouver que la mer y était visiblement élevée. Après avoir posé ce principe erroné, la beauté du pays lui fit adopter l'idée de Jean Mandeville, que le paradis terrestre était le lieu le plus élevé de la terre; et il s'imagina avoir été assez heureux pour découvrir ce fortuné séjour. Nous ne devons pas être surpris qu'un homme d'une si grande sagacité se soit laissé séduire par les opinions et les récits d'un auteur aussi fabuleux que l'était Mandeville. Colomb et les autres navigateurs devaient nécessairement suivre les seuls guides qu'ils pouvaient consulter; et il paraît, par plusieurs passages du manuscrit de Bernaldes, l'ami de Colomb, que le témoignage de Mandeville n'était pas d'un médiocre poids dans ce siècle. Bernaldes le cite souvent, et toujours avec respect. ROBERTSON.

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Asseverat Præfectus (Columbus), se à malaciis et ardoribus semper ascendisse per maris dorsum, veluti per altum montem cœlum versus ascenditur.

P. MARTYR.

de pousser plus loin, il ne put se dispenser de regagner Hispaniola, dont il trouva la colonie en pleine révolte.

Pendant son absence, ce pays avait éprouvé beaucoup de révolutions. Son frère l'Adelentade, en conséquence des conseils qu'il avait reçus de Colomb avant son départ, avait transporté la colonie d'Isabelle dans un lieu plus commode, de l'autre côté de l'île. Il avait jeté les fondemens de Saint-Domingue, qui a été long-temps la ville la plus considérable que les Européens eussent dans le Nouveau-Monde, et le siége de tous les tribunaux suprêmes de la cour d'Espagne en Amérique. Dès que les Espagnols y furent établis, l'Adelantade, pour les empêcher de languir dans l'inaction, et leur ôter le loisir de former de nouvelles cabales, parcourut les parties de l'ile que son frère n'avait pas encore visitées ou assujetties. Hors d'état de faire aucune résistance, les Indiens se soumirent partout aux tributs qui leur furent imposés; mais ils trouvèrent bientôt le joug si insupportable que, tout redoutables qu'étaient pour eux les Espagnols, ils prirent les armes contre leurs oppresseurs.

Cette révolte n'était pourtant pas fort à craindre de la part de ces pauvres Indiens timides, nus et désarmés. Mais pendant que l'Adelantade était

en campagne, il en éclata une autre plus dangereuse parmi les Espagnols eux-mêmes. Roldan en était le chef (*), Roldan, cet homme que Colomb avait placé dans un poste qui le constituait gardien de l'ordre et de la tranquillité publics!

Un caractère turbulent et une ambition aveugle le portèrent à cette démarche indigne de son rang, et les motifs qu'il en donnait à ses compatriotes étaient frivoles et sans fondement. Il accusait Colomb et ses deux frères d'arrogance et de fierté. « Ils avaient pour but, disait-il, de se faire dans le pays un état indépendant de la cour d'Espagne; ils avaient fait périr une partie des Espagnols de faim et de fatigue, afin de pouvoir plus aisément réduire le reste à la soumission; enfin, il était honteux pour les Castillans de demeurer esclaves soumis et dociles de trois aventuriers génois. »

Les hommes ont tant de penchant à imputer les maux qu'ils souffrent à la mauvaise conduite de ceux qui les gouvernent, et une nation voit toujours avec tant de jalousie et de mécon

(*) Roldanum quemdam Ximenum facinorosum, quem fossorum et calonum ductorem, ex famulo suo, deindè justitiæ præsidem, Præfectus evexerat, malo vivere in Adelantum animo significatum est. P. MARTYR.

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