Seigneur & leur Roi, font par cela même Chrétiens: & par conféquent, la Doctrine de cet Auteur renferme un moyen aifé d'unir tous les Chrétiens, & d'éteindre à jamais leurs animofitez, malgré la difference de leurs Opi nions. XIV. Ici quantité de Théologiens de differens Partis feront tout prêts à m'objecter, que, fi cette Doctrine eft reçue, tout eft perdu, qu'il n'y aura plus d'Hérétiques dans le Chriftianifme. Quel grand mal y auroit-il à cela? Eft-il donc fi néceffaire qu'il y aît des Heretiques? Ne fauroit-on vivre fans cette engeance? Je vois enfin ce que c'eft. Il faut des Hérétiques pour tenir en haleine le zèle de la plupart des Théologiens. S'ils n'avoient point d'ennemis à combattre, leur courage fe rallentiroit. Mais qu'ils fe raffûrent. L'Herefte leur donnera toûjours affez d'exercice. Elle a pris de fi fortes racines dans l'Eglife Chrétienne que felon toutes les apparences, elle y reftera auffi long-temps que la profeffion de l'Evangile. Quoi qu'il fuive démonftrativement de la Doctrine du Chriftianifme Raisonnable, que les Chrétiens n'ont aucun droit de s'anathematifer, de fe déchirer, de s'égorger, de fe damner les uns les autres par la raison qu'ils ne s'accordent pas fur l'explication de plufieurs endroits de l'Ecriture Sainte il y a pour pourtant, & il y aura apparemment toûjours quantité d'hérétiques que tout bon Chrétien doit regarder comme de mauvais Sujets de Jefus-Chrift, & qui ne peuvent être fauvez s'ils ne fe convertiffent. De ce nombre font TOUS LES CHRE' TIENS qui foûtiennent par des vûës d'intérêt ou par foibleffe des Opinions contraires à celles qu'ils voyent clairement dans l'Ecriture Sainte, TOUS CEUX qui étant perfuadez qu'un Chrétien n'eft obligé de reconnoître d'autre Maître que Jesus-Chrift,veulent pourtant régler la foi des autres Chrétiens à leur fantaisie, dominer fur leurs Confciences, leur impofer la néceffité de croire. tels & tels Dogmes, diffamer, hair & maltraiter ceux qui rejettent ces Dogmes parce qu'ils ne les trouvent point dans l'Ecriture Sainte. Ceux-là auffi font hérétiques qui empietant encore plus fur les Droits de Jefus Chrift, impofent aux Chrétiens la croyance de plufieurs Doctrines, qu'ils ne voyent point eux-mêmes dans l'Ecriture, mais qu'il leur importe de faire paffer pour divines, quoi qu'ils s'en moquent en fecret comme de chofes frivoles & pueriles. Enfin ceux-là font hérétiques qui fachant fort bien ce que JesusChrift leur prefcrit, violent hardiment les Loix de ce divin Seigneur, & s'endurciffent dans des habitudes contraires à celles qu'il exige T exige de tous fes Sujets, fous peine de damnation aux contrevenans. Voilà des Hérétiques que tous les Chrétiens fincerement intereffez à la gloire de Jefus-Chrift, peuvent anathematiser fans craindre de fe méprendre. Les Miniftres de l'Evangile für tout, peuvent non feulement tonner contr'eux, mais ils doivent leur dénoncer les jugemens de Dieu, & leur déclarer qu'ils periront infailliblement s'ils ne changent de conduite. Mais, me direz-vous, pourquoi ces gens-là font-ils hérétiques plûtôt que ceux qui croyent des Doctrines étranges que je ne faurois voir dans l'Ecriture, & qui en rejettent d'autres que j'y vois fort clairement? En voici la raison. C'eft que ces prémiers étant convaincus en leur propre confcience, qu'ils doivent une obéiffance fincére à Jesus-Chrift qu'ils ont pris pour leur Seigneur & leur Roi, ne laiffent pas de violer fes ordres directement & de deffein déliberé. Or quiconque eft dans cet état, eft hérétique, felon la définition de St. Paul, qui dit expreffément dans fon Epître à Tite,que l'Hérétique péche,*étant condamné par fon propre jugement. On ne fauroit dire la même chofe de ceux qui foûtiennent certaines Doctrines parce qu'ils font fin cerement perfuadez qu'elles ont été enfeignées par Jefus Chrift ou par fes Apôtres dans Bb Tom. I. 1 dans l'Ecriture Sainte & qui en rejettent d'autres parce qu'ils ne fauroient les trouver dans l'Ecriture. Car bien loin d'être condamnez par leur propre jugement, ils aiment mieux pourrir dans des cachots, fe laiffer écarteler, pendre, & brûler que de renoncer à ces fortes de Doctrines. Mais, me dira-t-on encore, ceux que vous nommez hérétiques parce que condamnez par leur propre jugement, ils vivent dans une conftante défobéiffance aux ordres de JefusChrift, font pourtant Chrétiens, felon vous, puis qu'ils croyent en Jefus-Chrift, & qu'ils continuent à le reconnoître pour leur Seigneur & leur Roi. Cela eft vrai. Ils ne font pas moins Chrétiens, que des Sujets du Roi de Suede font Suedois, après avoir volé & affaffiné, quoi que par là ils ayent défobeï à leur Prince, dont les Loix condamnent expreffément le Vol & l'Affaffinat. Mais comme ces Suedois peuvent perdre par cette désobéiffance,non feulement la protection de leur Souverain & tous les avantages dont ils jourfoient auparavant avec le refte de leurs Concitoyens, mais encore la vie: de même ces Chrétiens qui vivent dans une conftante & volontaire défobeiffance à la volonté de JefusChrift, font hérétiques & hors du chemin du falut quoi que Sujets de ce divin Roi. Car un Chrétien n'eft pas fauvé par cela feul qu'il croit en Jesus-Chrift, & qu'il le reconnoit pour fon Roi: il faut, outre cela, qu'il obéiffe à fes Loix, & s'il vient à les violer, qu'il rentre dans le devoir par une prompte & fincere repentance qui l'engage à vivre conformé ment aux préceptes de l'Evangile,autant qu'il eft en fa puiffance. Tous ceux qui me difent,Seigneur, Seigneur, dit Jefus-Chrift lui-même, n'entreront point au Royaume des Cieux: mais celui-là y entrera qui fait la volonté de mon Père qui eft aux Gieux. Sans doute ceux qui l'appelloient Seigneur, croyoient en lui, puisque Jefus-Chrift ajoute immédiatement après, qu'ils avoient fait des miracles en fon Nom: Plufieurs me diront,,, Seigneur, Seigneur, ,, n'avons-nous pas prophetifé en votre " Nom? N'avons-nous pas chaffé les Dé,,mons en votre Nom; & n'avons-nous pas fait plufieurs Miracles en votre Nom? Et alors je leur dirai hautement, je ne vous ai jamais connus. Retirez-vous de moi, Vous qui vivez dans l'iniquité. Il paroît clairement par là, qu'on peut croire en Jefus-Christ, le reconnoître pour fon Roi, & cependant, être hors du chemin du Salut, fi l'on perfifte à defobeïr volontairement à fes Loix. Mais c'eft une verité qui a été enseignée * si nettement & en tant d'occafions differentes parJe Bb 2 fus Voyez fut cela les Chapitres XI. & XII, du Chrif tianisme Raisonnable, pag. 218, &c, pag. 245. &c. |