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meilleurs à suivre, si le comte eût eu à soutenir une conduite toujours également honorable et raisonnable; mais Cuff, toujours pressé d'agir, et d'ailleurs, comme la plupart des subordonnés, s'exagérant le crédit et les moyens de son maître, sans apercevoir les obstacles qu'il pouvait avoir à rencontrer, ne trouvait jamais, pour le tirer d'un pas hasardeux, qu'un pas plus hasardeux encore. La témérité et fimportunité de ses conseils, jointes à une sorte de rudesse dans la manière d'exprimer ses opinions, lui ôtèrent plusieurs fois la faveur et la confiance du comte d'Essex; mais il les regagnait bientôt par une suite de l'irrésolution du comte et du goût qu'il avait d'ailleurs pour l'esprit et la conversation de son secrétaire. Une fois enfin, il ordonna à sir George Mesly, son intendant, de renvoyer Cuff de son service; celui-ci, en apprenant cette nouvelle, en fut si frappé, qu'il s'évanouit; mais sir George, qui était dans ses intérêts et partageait ses opinions, éluda l'ordre, et bientôt les nouveaux ressentiments du comte contre la cour le livrèrent entièrement aux conseils de Cuff et à ceux de son parti. Lorsqu'il eut été arrêté et mis en jugement, non seulement il chargea Cuff très violemment, mais il lui reprocha en face d'être l'auteur de tous ses malheurs; Cuff se défendit avec beaucoup de fermeté, sans accuser personne, et mourut avec un grand courage. Il fut exécuté à Tiburn, le 30 mars 1601, onze jours après la mort du comte. C'était un homme de beaucoup d'esprit et d'un savoir très étendu. On a de lui un ouvrage écrit, à ce qu'on croit, en 1600, c'est-àdire, dans le temps où l'on devait le croire le plus occupé des affaires du comte et des siennes. Cet ouvrage tutulé: Différence des ages de la

vie humaine, ne fut imprimé qu'après sa mort, Londres, 1607, 1638, in-8", en anglais. Il obtint un grand succès, dû peut-être en partie à la destinée de son auteur, quoiqu'on y trouve de la force de pensées et de raisonnement et des vues très philosophiques. Il a laissé plusieurs autres écrits qui n'ont pas été imprimés. Camden parle de lui dans les termes suivants : Vir exquisitissima doctriná ingenioque acetrimo, sed turbido et tortuoso. Ce jugement sévère était celui d'un homme qui avait vécu avec Cuff dans la plus grande intimité, et il ne peut avoir été dicté par une prévention défavorable; Cuff a même composé une très belle épigramme grecque à l'honneur de la Britannia de Camden ; elle se trouve imprimée en tête de cet ouvrage. Un de ses amis, ou plutot un plaisant, fit pour lui l'épitaphe suivante:

Doctus eras greeè, felixque tibi fuit alpba,

At fuit infelix omega, Cuffe, tuum. Cela n'est, ni d'un cœur sensible, ni d'un bon esprit, ni d'un bon goût.

S-D.

CUGNAL, fameux corsaire indien, redoutable aux Portugais, infestait les côtes des Indes vers la fin du 16. siècle, favorisé par le roi de Calicut, qui lui permit de bâtir une forteresse dans ses états. En vain les Portugais vinrent l'y assiéger en 1598; leurs efforts rendus inutiles ne servirent qu'à enfler l'orgueil de Cugual; il ne se proposait rien moins que de chasser les Portugais de leurs possessions, et il forma une ligue contre ces dominateurs de l'Inde; mais les Portugais et le Zamorin, s'étant réunis en 1599, vinrent assiéger une seconde fois par terre et par mer la forteresse de Cugnal, qui se défendit avec le plus grand courage. Réduit aux dernières extrémni

tés, il se rendit au Zamorin, qui le livra lâchement aux Portugais. On le conduisit à Goa, où son arrivée causa une joie universelle. Tout le monde courait en foule pour voir debarquer ce pirate fameux, qui avait tant de fois triomphé de ceux qui le retenaient dans les fers. On l'enferma dans un cachot, et peu de jours après il fut décapité publiquement en 1600, ainsi que plusieurs de ses officiers. Cugnal porta sur l'échafaud cette intrépidité qui lui était naturelle. Il s'était signalé par des entreprises aussi audacieuses qu'extraordinaires, et il ne lui avait manqué que des principes de justice et de vertu pour être un véritable héros.

B-P.

CUGNIÈRES, ou CONGNIÈRES (PIERRE DE) est particulièrement connu pour avoir osé s'élever, sous Philippe de Valois, contre les entreprises de la juridiction ecclésiastique sur celle du roi et des barons. On ignore à quelle instigation il agit en ectte occasion; c'est du moins mal à propos qu'on le qualifie d'avocat du roi. L'office qui portait ce nom est bien plus moderne: c'étaient les simples avocats qu'on appela d'abord avocats généraux, parce qu'ils plaidaient toutes les causes; le roi en choisissait un parmi eux quand il avait des intérêts à faire défendre. Cugnières, dans les actes de sa dispute avec Pierre Bertrand, defenseur du clergé (Voyez Pierre BERTRAND), est aussi appelé avocat et chevalier; d'autres disent qu'il était archidiacre de l'église de Paris, ce qui n'était point incompatible avec la profession d'avocat. Les anciens légistes étaient tous clercs, et ils composaient presque en entier le parlement dans le principe. On voit sous Louis XI un François Hale, archidiacre de Paris, avocat plaidant pour

le roi. Quand il y eut des avocats généraux en titre, le premier fut longtemps un homme d'église. Les gens de loi prenaient la qualité de chevalier, parce qu'on avait introduit une chevalerie ès lois, à l'imitation de la chevalerie militaire. Dans le dialogue des avocats de Loisel, Étienne Pasquier, l'un des interlocuteurs, conjecture que Cugnières est le premier avocat connu du parlement de Paris; mais on lui répond qu'il est fort douteux qu'il y eût de son temps des avocats attachés au parlement, quoiqu'il existât déjà un grand nombre de gens très habiles dans le droit civil et canonique. Les affaires civiles les plus importantes se portaient à la cour d'église, et celles dont le parlement connaissait se décidaient par le combat, manière de juger où le ministère des avocats était peu nécessaire. Si Gugnières était avocat, il ne l'était point du parlement de Paris. Quoi qu'il en soit, sa dispute avec Pierre Bertrand forme une des grandes époques de l'histoire de notre législation. On en peut voir le précis dans les Recherches de Pasquier. Les actes d'ailleurs en ont été imprimés plusieurs fois, et on les trouve au tome III de la Monarch. S. R. imperii de Goldast, 1621, pag. 1361. S'il parut succomber pour le moment sous le poids du crédit et de la puissance des redoutables adversaires qu'il avait eu le courage d'attaquer, il n'en donna pas moins l'impulsion aux esprits sur cette matière, et c'est de la que datent les efforts que la juridiction royale fit pour rentrer dans ses droits, dont la confusion et les désordres des temps précédents l'avait fait décheoir. On prétend que les ecclésiastiques, pour se venger de Pierre de Cuguières, donnèrent son nom à

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CUGNOT (NICOLAS-JOSEPH), né à Void en Lorraine, le 25 février 1725, mort à Paris le 2 octobre 1804, avait servi, dès sa jeunesse, en Allemagne en qualité d'ingénieur, et après avoir passé au service du prince Charles dans les Pays-Bas, il vint à Paris, en 1763, où sa principale occupation fut de donner des leçons sur l'art militaire qu'il possédait à fond. La nouvelle espèce de fusil dont on lui doit l'invention, et qu'il présenta au maréchal de Saxe, ayant été adoptée pour les bulans, ce succès l'engagea à exécuter à Bruxelles un cabriot qui n'était mû que par le fen et la vapeur de l'eau. Le duc de Choiseul, ministre de la guerre, le chargea de faire constraire une grande voiture sur les mêmes principes; elle fut exécutée à l'Arsenal et mise à l'épreuve. Cette voiture existe encore au dépôt des machines, à Paris. La trop grande violence de ses mouvements ne permettait pas de la diriger, et dès, la première épreuve, un pan de mur qui se trouva dans sa direction en fut renversé ; c'est ce qui empêcha d'en faire usage. Cugnot, avant la révolution, ouissait d'une pension de 600 liv. sur l'état; mais privé de cette seule ressource, il serait mort de misère sans es secours d'une dame de Bruxelles, qui prit un soin particulier de sa vieilsse. M. Mercier, auteur du Tableau le Paris, remplaça ensuite sa bien

faitrice, et parvint à fixer l'attention du premier consul sur le sort de Cugnot, son ancien ami, pour lequel il obtint une pension de 1000 liv. On a de cet ingénieur: I. les Eléments de l'art militaire, ancien et moderne, 1766, 2 vol. in-12; II. Fortification de campagne, ou Traité de la construction, de la défense et de l'attaque des retranchements, 1769, in-12, ouvrage estimé, quoique bien inférieur à celui de Clairac : il a été traduit en allemand, Berlin, 1773, in-8°.; III. Théorie de la fortification, avec des observations sur les différents systémes qui ont paru depuis l'invention de l'artillerie, et une nouvelle manière de construire des places, 1778, in-12. Ce dernier ouvrage contient, de plus, la description d'une nouvelle planchette avec la manière de s'en servir. J-B.

des

CUGOANO (OTTOBAH), nègre, natif d'Agimaque, dans le district de Fantin sur la côte d'Or en Guinée, fut enlevé de son pays, ainsi qu'il le raconte lui-même, avec une vingtai ne d'enfants des deux sexes, par Européens, et demeura long-temps esclave à la Grenade. Le lord Hoth lui rendit la liberté et l'emmena en Angleterre. Il vivait encore en 1788, et était au service de Coswey, premier peintre du prince de Galles. On doit à Cugoano un ouvrage qui a été traduit en français, sous le titre de Réflexions sur la traite et l'esclavage des nègres, Paris, 1788, in-12. Quelques bibliographes attribuent cette traduction à Diannyère. « L'ouvrage » de Cugoano, dit M. Grégoire, est

peu méthodique; il y a des lon» gueurs, parce que la douleur est » verbeuse; on y trouve un talent » sans culture, auquel une éducation » soignée eût fait faire de grands pro» grès.» Cugoano avait épousé une

Anglaise. Il est mort vers la fin du 18°. siècle. B-G-T. CUITLAHUATZIN (que Solis et d'autres historiens européens, qui confondent tous les noms américains, nomment Quetlabaco), était frère ct successeur de Montezuma, auquel il avait fortement conseillé de ne pas recevoir dans son pays des hôtes qui devaient un jour l'en chasser. Il fut pris par Cortez qui lui rendit la liberté. Il commanda contre les Espagnols pendant le siége de Mexico, surtout dans la fameuse nuit mélancolique (noche triste) le 1er juillet 1520. Il Inonrut des suites de la petite vérole au mois d'octobre de la même année. C'est ce prince qui montra du goût pour les jardins, et qui, suivant le récit de Cortez, avait fait la collection des plantes rares que l'on admirait encore long-temps après sa mort à Iztapalapan et à Chapoltepec. On voit encore de nos jours les immenses troncs des Cupressus disticha, qui ornaient ces jardins magnifiques.

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B-P.

CUJAS (JACQUES), naquit à Toulouse en 1520, d'un père qui était foulon. Son vrai nom était Cujaus; il en retrancha l'u pour l'adoucir. Mais s'il l'abrégea étant jeune et pauvre, il l'étendit dans un âge plus avancé, quand la fortune lui fut devenue plus favorable, et il ne signa plus que Jac

ques de Cujas. Ses heureuses dispositions surmontèrent tous les obstacles que l'état obscur dans lequel il était né semblait opposer à leur développement. Il apprit de lui-même et sans le secours d'aucun maître, le grec et le latin. Les premiers éléments du droit lui furent donnés par Arnoul Ferrier, alors professeur à Toulouse, et qui, appelé à des emplois plus éminents, s'y distingua par de grands talents unis à de grandes vertus. Cujas conserva toujours le plus tendre atta

chement pour son maître. Les connaissances qu'il en reçut furent comme le germe de celles qu'il se procura lui-même par les efforts de son génie et son extrême ardeur pour l'étude. Il s'était chargé de l'éducation des enfants du président Dufaur, qui furent dans la suite des personnages distingués, entr'autres le fameux Pibrac. Cujas, pour leur instruction et celle de quelques autres jeunes gens qui s'étaient attachés à lui, commença en 1547 à donner des leçons sur les Institutes. Etienne Pasquier, qui assista à la première, dit a que chacun lui >> trouva dès-lors un esprit fort clair » et qui ne promettait peu de chose de » lui pour l'avenir.»> Antoine Loisel, qui suivit ses leçons avec plus d'assiduité, avoue que « Gujas fut cause qu'il » ne quitta point la science du droit, >> dont les autres docteurs le dégoû» taient par leur barbarie. » Son mérite ne fut cependant pas apprécié dans sa patrie tout ce qu'il valait. On a prẻtendu qu'une chaire de droit étant ve nue à vaquer en 1554, Cujas, non seulement ne put l'obtenir, mais qu'il eut encore la mortification de se voir préférer un nommé Forcadel, bomme médiocre, et qui lui était fort inférieur à tous égards (Voyez FORCADEL). La ville de Toulouse a cru mal à propos sa gloire intéressée à contester un fait fondé sur une tradition assez accréditée, et dont l'odieux ne pouvait retomber que sur les protecteurs en cré dit de l'ignorance et de l'intrigue. Les capitouls, en plaçant en 1674 le buste de Cujas dans leur galerie, mirent au bas une inscription où ils niaient la méprise grossière qu'on imputait à leurs ancêtres (1). D'autres out

(1) L'abbé d'Héliat, professeur à Touleau, mort en 1779, dans un Mémoire inseré en dans le tom. I de l'Histor: de l'Académ cette ville, et M. le professeur Jamme ana ul Discours imprimé, lu'à la rentree de Iscole

ern remarquer que Gujas ne parlait, dans aucun de ses nombreux écrits, de l'injure qu'on prétend qu'il avait éprouvée; mais ils n'y avaient pas bien regardé. Jean Robert d'Orléans, avec lequel Cujas eut des altercations très vives, lui reprocha lâchement qu'il avait été repoussé jusqu'à trois fois à Toulouse, dans la demande d'une chaire de droit. Cujas paraît un peu embarrassé dans sa réponse; il dit « que Robert ment au >> moins pour deux fois, et même >> peut-être pour trois; et qu'au sura plus, après qu'il eut été appelé à Cahors et ensuite à Bourges, les ha » bitants de Toulouse lui avaient fait » les instances les plus pressantes » pour le faire retourner chez eux. » La ville de Toulouse eut toujours le tort de n'avoir pas su attacher à son école un homme dont le mérite, reconnu depuis sept ans, ne pouvait qu'ajouter au lustre qu'elle avait déjà acquis. Celle de Cahors fut plus avisée; une chaire y étant devenue vacante par la retraite de Govea en 1554, Cujas fut nommé pour la remplir. Presque tous ses élèves l'y suivirent. Mais il n'y resta guère qu'un an ; des protecleurs dignes de lui vinrent l'arracher de ce théâtre obscur. Marguerite de Valois, duchesse de Berri, avait hérité de l'amour que François Ier, son père, portait aux gens de lettres. Elle avait lejà donné des preuves de son discernement en choisissant pour son chanrelier ce Michel de l'Hôpital, qui lepuis, dans la première dignité de 'elat, montra un caractère si élevé

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et un patriotisme si pur. Marguerite de Valois voulait faire de l'école de Bourges, chef lieu de son apanage, la plus célèbre de toutes celles qui avaient encore existé. L'Hôpital, chargé du choix des professeurs, sut, malgré l'éloignement, discerner le mérite de Cujas, et il le fit venir à Bourges, où il avait déjà placé Bandouin et Duaren. Ce dernier y enseignait depuis 1538. Il accueillit d'abord très bien Cujas; mais bientôt, soit faiblesse de sa part, soit qu'arrivé pour ainsi dire au terme de sa carrière, il ne pût se voir sans jalousie effacé par un jeune professeur qui commençait à peine la sienne, il mit tout en œuvre pour se débarrasser d'un rival si redoutable. Il souleva ses écoliers contre lui, et le désordre fut tel à Bourges, que Cujas se vit forcé de céder à l'orage et de se retirer à Valence. Cette persécution lui devint utile, comme il le disait souvent, en lui inspirant une telle émulation, qu'il s'attacha plus fortement à l'étude du droit, que la légéreté de son âge lui aurait peut-être fait abandonner. Rappelé à Bourges par ordre de la duchesse de Berri, il y demeura jusqu'en 1567, qu'il revint encore à Valence, sur l'invitation de Bertrand de Simiane, lieutenantgénéral pour le roi en Dauphiné. Il donna un grand éclat à l'université de cette ville. On y accourait de toutes parts pour étudier sous lui, comme on le voit par les Mémoires du président de Thou. En 1570,Cujas fut élu professeur à l'université d'Avignon; mais sa première femme, qui était de cette ville, étant venue à mourir, Cujas continua son séjour à Valence. Marguerite de Valois, devenue duchesse de Savoie, l'attira à Turin, où il ne resta que quelques mois, et non quelques années, comme l'a dit Gui Pancirolle. Ses écoliers et les amis

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