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357. Les personnes sensibles sont comme un miroir, où les bons et les mauvais procédés se présentent sans cesse.

342. On croit souvent en imposer'aux autres sur son goût, en n'admirant rien, en trouvant des défauts à tout; mais si les éloges outrés décèlent de la fausseté ou peu de discernement, l'insensibilité marque de l'ignorance, de l'envie ou du moins de l'affectation. Il faut louer modérément, mais ne point refuser justice à qui la mérite.

343. Il faut se méfier de l'antipathie on prend quelquefois des gens de mérite en aversion, sur leur physionomie seulement.

344. Les longs engagements demandent à être médités. Un honnête homme qui ne se détermine pas aisément à les rompre ne saurait trop y réfléchir, et avant que de suivre, il est bon de savoir où le fil conduit.

345. Celui qui jugerait des hommes sur leurs discours se tromperait souvent étrangement. Il y a un peu plus de sûreté à s'en tenir à leurs actions, et encore beaucoup de celles-ci offrent-elles une grande bizarrerie. Il n'y a pour ainsi dire que les méchants qui soient conséquents.

346. Plusieurs bonnes actions ne font pas la réputation d'un homme d'honneur, et une seule mauvaise la détruit.

347. Autant que possible, il ne faut rien montrer d'imparfait. C'est un précepte que les femmes ne manqnent guère de mettre en pratique elles ne se laissent voir qu'après leur toilette. Il serait à souhaiter qu'il en fût ainsi de l'écrivain.

248. La connaissance de l'esprit d'autrui réclame une étude très-suivie.

349. Les bonnes défaites, et les excuses encore meilleures, sont deux choses aussi difficiles à trouver qu'un expédient contre les importuns.

350. Une retraite faite à propos vaut mieux qu'une belle entrée

351. La peur est le défaut des femmes et des lâches. On ne devrait rien craindre que Dieu et soi.

352. Dire, je ne veux point des choses, quand on ne peut les avoir, c'est prendre son parti vis-à-vis des autres, mais non visà-vis de soi.

353. L'ambition cachée est la plus forte et la plus sûre du succès. Malheureux toutefois qui en est possédé; plus malheureux qui sert d'instrument à l'élévation des ambitieux.

354. Insulter au malheur des autres, c'est mettre le comble à l'inhumanité. Tout ce qui n'est plus à craindre doit suspendre le ressentiment; il faut laisser ses ennemis en paix quand ils ne peuvent plus nuire; c'est jouer enfin un mauvais personnage que de frapper du pied le lion quand il est mort.

355. Il faut mettre le temps à faire ce qui doit durer longtemps. Les belles choses ne sont pas l'ouvrage d'un jour : la perfection marche à pas lents.

356. Donner de bons conseils à des gens sans esprit, c'est presque toujours prodiguer le sien. La sottise ne va point sans l'entêtement, et les sots ne font rien que ce qu'ils ont résolu de faire,

358. Les hommes vraiment vertueux ne i voient point de plus grand malheur que de cesser de l'être; ils ont attaché tout le bonheur de leur vie à une seule mauvaise action qu'ils ne feront jamais. Les méchants, au contraire, ont si souvent réussi par de mauvaises manoeuvres, qu'ils se croiraient dupes s'ils tenaient une autre conduite.

359. Toutes les grandes passions abandonnent les hommes aux approches de la mort, toutes, excepté l'avarice.

360. Il est des choses qu'il est raisonnable de ne point chercher à éclaircir ce sont celles qui nuiraient par leur connaissance à nos intérêts ou à notre repos.

361. Il y a des gens qui ne font rien que par opposition : s'ils voient quelqu'un prendre un parti, ils se jettent aussitôt dans le contraire.

362. En croyant bien faire, on court souvent à sa perte, il ne faut pour cela qu'oublier la circonstance la plus légère dans son calcul. Il est prudent de tout compter dans les occasions importantes.

363. Il est d'un homme d'esprit de connaître ses qualités et ses défauts: ses qualités, pour aller au bonheur par le plus court chemin; ses défauts, pour ne faire aucun faux pas sur la route.

364. Il ne faut s'embarquer de propos délibéré dans aucune de ces entreprises difficiles, dont on ne peut sortir que comblé de gloire ou couvert de ridicule. La mémoire des grandes actions ne commence guère que quand celle des mauvaises finit à la mort de ceux qui les ont faites. C'est donc jouer un jeux extravagant que de risquer, sans nécessité, de tout perdre pendant sa vie, pour gagner quelque chose quand on n'est plus

365. Il y a des hommes qui pleurent comme des femmes, mais il n'y a presque point de femmes qui pleurent comme des hommes. Verser des larmes quand on a de

bonnes raisons pour cela, c'est sensibilité et non faiblesse.

366. Il faut fuir la société de ceux dont on n'a rien à prendre que des travers L'esprit s'exerce avec les gens instruits, il s'assoupit avec les autres.

367. Il n'y a rien de si difficile que d'éloigner les importuns, sans s'attirer des ennemis.

368. On est heureux par les autres ou par soi-même: or, c'est être dupe que de courir après une fortune qui nous fuit, un bonheur qui ne nous est pas destiné, une réputation que nous n'acquerrons jamais.

369. Le bonheur est une boule après laquelle nous courons tant qu'elle roule, et que nous poussons du pied quand elle s'arrête.

370. Les fortunes rapides durent peu: ceux qui les ont faites ont été trop occupés d'accumuler les richesses pour songer à l'é

ducation de ceux à qui la naissance les destinait.

371. Tout ce qui endort les vertus leur est nuisible, mais l'amour - propre les tient éveillées. Ce défaut est donc quelquefois utile.

372. Quand il vous sera permis de choisir, emparez-vous de ce qui sera le mieux au sentiment des autres. Le beau se fait sentir si généralement qu'il est à présumer qu'on se trompe, lorsqu'on n'a pas pour soi les yeux du plus grand nombre.

373. Rien ne met tant à l'aise que la confiance et l'amitié: la liberté fait sortir l'esprit et donne du jeu à l'imagination.

374. Nous n'avons rien à nous que nous n'ayons acquitté ce que nous devons: sans cela, ce serait disposer du bien d'autrui.

375. En général, plus on recherche les autres, moins on en est recherché.

376. Le respect humain supplée au bon naturel, et devient par là très-utile à la société.

377. Si les peines qu'on a sont susceptibles d'être adoucies, il faut y apporter le plus promptement possible le remède et s'épargner la plainte qui ne fait que rapprocher de soi l'objet qui la cause, qui ne remédie à rien et fatigue ceux à qui l'on se plaint.

378. On prend quelquefois du caractère de ceux avec lesquels on vit habituellement, comme ils prennent du nôtre, sans que cela change le fond de celui qu'on a.

379. Il faut bien du courage et de la modération pour soutenir l'ingratitude de ceux qu'on aime. Celle des autres doit nous être indifférente.

380. L'amour de nous-même et de notre existence est la première et la dernière de nos passions; c'est la seule qui ne commence et ne finit qu'avec nous. C'est elle qui nous fait trouver encore la mort dure et pénible, lors même que nous ne jouissons qu'à peine de la vie et que nous n'existons déjà plus.

381. L'égoïsme, avant de s'introduire dans le cœur de l'homme, en exile toutes les vertus qui portent à la compassion; c'est un sentiment impertinent de cruauté, qui fait que l'on ne craint pas d'assurer son bonheur aux dépens d'autrui.

382. Les amis ne connaissent qu'un orgueil, c'est celui d'être plus aimé et d'aimer plus, et c'est le privilége des vrais amis de pouvoir se vanter entre eux par une ambition qui les exempte d'un mauvais orgueil.

383. On ne fait guère de compliments qu'à dessein de dire de jolies choses; on les veut faire délicats, rarement on songe à ce qu'ils soient sincères.

384. Il y a un mépris des éloges qui n'est pas modestie, mais orgueil.

385. Il n'y a que sur les enseignes qu'il soit permis de se louer, ou tout au plus par nécessité ou pour gagner sa vie

386. Il est une admiration qui nous dé plait c'est celle qui tombe sur de petites choses; nous n'aimons pas les exclamatious

qui nous réduisent à n'être admirables que par des actions communes.

387. Ce qui nous paraît le plus odieux dans les flatteurs, c'est qu'ils ne louent pas sincèrement. De même ce qui nous flatte le plus dans les louanges qu'on nous donne, c'est que nous nous persuadons qu'on les pense.

388. La flatterie est un charlatan qui ne fait fortune et n'a de succès que dans l'amour-propre de ceux qu'elle encense. C'est un marchand d'orviétan qui s'enrichit à nos dépens en nous vendant de l'eau claire.

389. On a beau se faire fort et ramasser toutes les puissances de son âme, pour résister à la sensibilité de l'amour-propre, lorsqu'on nous reprend pour notre avantage, il perce toujours par quelque part, et il se vend par les mêmes efforts qu'il fait pour ne paraître point.

390. Il n'y a que l'attachement à l'estime des hommes qui nous fasse craindre leur mépris, et le dernier nous est d'autant plus sensible, que nous attachons plus de prix au premier.

391. La vraie modestie souffre autant à entendre dire du bien d'elle, que l'amourpropre à entendre dire du mal de so

392. La vraie modestie, la modestie parfaite ne consiste pas seulement à croire qu'on est digne d'aucun éloge, mais à faire si bien, qu'on ne s'occupe pas même à décider la question.

393. Celui qui croit mériter les louanges qu'on lui donne sur sa modestie, se fait un mensonge à lui-même.

394. La timidité est une faiblesse que toute la force de notre esprit ne saurait vaincre. Quoique ennemie du monde, elle ne se trouve que dans les lieux où il est, et ne se montre qu'à lui. C'est une suivante incommode qui nous accompagne toujours quand nous allons paraître dans la société, et qui nous laisse dès que nous sommes pique devant le monde, et se tait dans la seuls. C'est une épingle invisible qui nous solitude. C'est une tatillone scrupuleuse et irrésolue, qui vient gâter tout ce que nous faisons, et jeter un air de bêtise dans toutes les actions où elle se mêle. Elle dérange tout ce qu'elle touche, et toutes les choses à quoi elle participe sont marquées au coin de la gaucherie.

395. Le respect est plus souvent un effet de la timidité qui craint, que du mérite qui en impose.

396. Le sentiment que nous inspire un homme grave et sérieux, est rarement celui de la tendre amitié : on n'oserait l'aimer, on se restreint à le respecter.

397. Il y a un respect fondé sur l'estime, qui est comme un hommage rendu au mérite, un devoir que l'amitié s'impose à ellemême, et qui, bien loin de l'affaiblir, l'augmente tous les jours d'un degré, et la rend inébranlable par la vertu. Il est beau d'avoir à respecter son ami.

398. Il n'y a pas de censeur plus déplai.. sant que le silence, et le plus sanglant de

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402. Notre vie est une guerre perpétuelle et une opposition soutenue dans les idées, les opinions et les caractères. Les hommes passent leur existence à se battre.

403. Il n'y a pas d'homme qui ne trouve dans son cœur l'image de ce qui se passe dans autrui tous les hommes sont renfermés dans le cœur d'un seul.

404. Le monde moral, comme le monde physique, ne subsiste et ne se soutient que par cette attraction universelle, qui réveille des rapports dans tous les êtres, et les rend dépendants les uns des autres. L'amour, le désir, l'intérêt, la cupidité attirent et réunissent tous les hommes dans un seul point, qui est le centre commun où ils se retrouvent tous. Ils s'entr'aident ou se repoussent pour le rencontrer, et ce centre c'est le bonheur; c'est ce qui nous plaît en général. Ils se rapprochent, ou pour se résister dans leurs prétentions, ou pour les faire valoir. Cette force centripète et centrifuge met tout en mouvement, et répand dans l'univers cette activité, sans laquelle il rentrerait dans le néant du silence et du repos.

405. On est toujours petit quand on a des faiblesses à cacher, des intérêts à soutenir, des juges à captiver, un public à ménager. Tout cela est renfermé dans les passions.

406. C'est de notre passion dominante que découlent tous nos défauts et toutes nos vertus.

407. Ce n'est que dans l'état d'indifférence qu'amène un certain âge, qu'on peut suffisamment apprécier le ridicule des fautes où nous ont entraînés nos premières passions.

408. Quelque sage que soit un homme, la fragilité naturelle à tous le place constamment bien près de la folie ou de la sottise.

409. L'habitude ôte aux vertus qu'elle produit le mérite du choix et la préférence de notre volonté.

410. Toute vengeance est contradictoire et retombe sur son auteur. Celui qui a pu se venger, a déjà le dessous sur celui contre lequel il se venge.

411. On a toujours assez de soi-même et de ses intérêts, pour se défendre des grandes folies.

412. A voir les hommes si peu d'accord en général sur le véritable point qui détermine la sagesse et la folie, et à les entendre se dépriser réciproquement avec si peu de raison, on pourrait croire que le monde est

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peuplé de fous qui se moquent tous les uns des autres.

413. Il faut opter entre le solide et ce qui ne l'est pas. Un homme sensé sait, sans délibérer, ce qu'il a à faire un homme fort l'a déjà fait.

414. On apprend plus de sagesse avec les fous qu'avec les sages. Sans les fous, la sagesse n'aurait plus de maximes à enseigner.

415. Les charmes de la vertu et les désagréments des passions, semblent ôter quelque chose au mérite du sage, qui quitte le tumulte des unes, pour goûter la paix et les douceurs de l'autre.

416. La meilleure manière de voir nos ridicules dans toute leur force et d'en sentir tout l'effet, c'est de les considérer hors de nous. Nous ne sentons jamais mieux nos défauts que lorsque nous les regardons dans notre voisin.

417. Un homme qui remplit tous ses devoirs serait sans défaut pour le monde, s'il pouvait s'empêcher de remarquer ceux qui ne les remplissent pas. C'est un grand défaut aux yeux de ceux qui en ont beaucoup, que de n'en point avoir.

418. On est excusable d'avoir des défauts, quand on sait les contrebalancer par autant de vertus.

419. La politesse est l'image de la bonté, de la concorde, du désintéressement,dela confiance, de l'union qui devraient être les liens de la société. Il faut que ces vertus soient vraiment belles, puisque les hommes sont convenus entre eux d'en conserver au moins les apparences quelques pénibles qu'elles fussent.

420. Bien souvent on croit avoir de la patience, lorsqu'on n'a que de la politesse.

421. La politesse est un accord général, un compromis public, un contrat authentique et reconnu de tous les hommes entre eux, qui leur donne des droits réciproques sur la liberté les uns des autres. Elle les oblige à des contraintes dont l'amende, au cas qu'on refuse de payer, est de passer pour un incivil et mal élevé dans l'esprit de l'offensé.

422. Il y a des choses dans la conversation qu'il faut se contenter de deviner de part et d'autre, sans s'avertir même qu'on les devine.

423. Nous aimons bien mieux le mérite qui sent les bonnes choses que nous disons, que celui qui sait en dire que nous pourrions admirer.

424. C'est avoir beaucoup d'esprit que de savoir applaudir à celui des autres, quand on sent qu'on n'est pas assez fort pour payer du sien propre.

424*. La véritable finesse est celle qui ne laisse pas même apercevoir qu'elle se cache.

425. On n'est jamais plus fin que lorsqu'on n'a pas besoin de l'être.

426. On est plus dupe de son amour-propre que de tous les valets du monde.

427. Ce n'est pas toujours faire l'éloge d'un homme, que de dire de lui qu'il ne

peut être dupe en rien, ou qu'il ne l'a jainais été.

428. Il n'y a que la honte d'être dupe, ou de passer pour tel, qui nous fasse prendre tant de précautions pour n'être pas trompé; et c'est plutôt notre vanité que notre intérêt, qui fait que nous cherchons à nous en préserver.

429. Il est quelquefois aussi difficile que l'amour-propre soit dupe, qu'il est difficile qu'il ne le soit pas. C'est le même principe qui nous préserve de la duperie, et qui nous y fait tomber.

430. Les qualités du cœur mènent à celles de l'esprit par l'éducation. Les qualités nobles et sublimes du cœur se trouvent rarement chez un sot, et il ne faut pas moins d'es prit pour penser délicatement ou noblement que pour penser finement

431. L'esprit du cœur est dans le sentiment: l'autre n'est que dans l'imagination et dans les mois.

432. L'amour-propre de l'esprit corrompt les qualités du cœur : l'esprit n'a que les vertus que donne l'amour-propre.

433. Le goût est la lumière du jugement. 434. L'esprit le plus estimable est l'esprit de conduite. C'est avoir fait un grand pas vers la sagesse et la maturité de la raison, que d'avoir appris à mépriser l'esprit qui n'est qu'aimable.

433. On a toujours l'air sot, quand on imagine faire une sottise, et on est toujours niais, quand on croit l'être.

436. Etre insensible, c'est être automate, brute, inanimé. Etre trop sensible, c'est s'exposer à toutes les amertumes de la vie. 437. L'imagination fait plus de malheureux que la fortune et l'adversité

438. Les plus grandes disgrâces, les malheurs les plus terribles sont ceux que l'on ne peut pleurer, et dont on ne peut parler à personne pour en être consolé.

439. Il y a toujours un côté par lequel on n'est point heureux, et c'est beaucoup de n'en avoir qu'un. Le moins malheureux dans ce monde doit se compter au nombre des heureux, sinon il est injuste, et ne mérite pas même le sort dont il se plaint.

440. Un seul instant de bonheur détruit et fait oublier bien des maux.

441. Nous souffrons plus de mal par le bien que l'espérance nous promettait et qu'elle ne nous donne pas, que par tous les maux que nous n'attendions pas et qui nous viennent.

442. L'espérance qui n'est rien par elle même, nous tient souvent lieu de tout.

443. L'imagination est d'un grand secours pour les malheureux qui n'ont d'autre ressource que l'espérance.

444. L'espérance est une flatteuse à gage, qui se joue de notre crédulité, et qui, après Hous avoir cajolé quelque temps par des propos ensorceleurs, se moque de nous et s'en va faire ailleurs d'autres dupes.

445. L'espérance n'est jamais une minute sans parler, depuis le premier instant qu'elle

existe jusqu'au dernier où elle expire encore

en murmurant.

446. La possession ne donne qu'un plaisir muet qui ne nous dit rien, parce que nous sommes remplis. On ne sent bien l'attachement qu'on à pour un objet que lorsqu'on l'a perdu ou qu'on le désire; la possession n'a jamais de valeur à nos yeux que dans le passé ou l'avenir; il semble que la tranquillité de la jouissance anéantisse ses char

mes.

447. C'est un double mérite pour nous d'être bienfaisants, lorsque nous savons d'avance que nous employons cette vertu envers des gens qui ne nous en tiendront pas compte, et que cette pensée ne nous fait pas changer de résolution.

448. On n'a souvent de reconnaissance que ce qu'il faut tout juste pour s'éviter à ses propres yeux, la honte que l'on attache soi-même à la conduite de ceux qui se montrent ingrats.

449. On cherche quelquefois à rabaisser du prix d'un bienfait, pour se dispenser d'en avoir de la reconnaissance, et justifier par là même son ingratitude dont on a honte, lorsque rien ne l'excuse.

450. Il n'y a guère de débiteur qui rapporte à son créancier, dans la somme qu'il lui a prêtée, sa reconnaissance avec.

451. La reconnaissance, pour les âmes communes, est un devoir; pour les âmes délicates c'est un besoin.

452. Un homme naturellement franc, pour peu qu'il parle, parlera toujours trop, s'il à des secrets à cacher et des choses qu'il doive taire.

453. On prend souvent pour franchise dans un homme, ce qui n'est que faiblesse, et lorsqu'on croit qu'il s'ouvre, c'est qu'il se vend.

454. On n'est pas toujours discret, pour ne pas révéler un secret en lui-même se vanter de le savoir sans même le révéler, c'est avoir déjà commis une indiscrétion.

455. Ne comptez jamais sur la discrétion d'un homme faible ou d'un homme avantageux qui veut se faire honneur de tout ce qu'il sait. La faiblesse et la vanité ont commis à elles deux, toutes les trahisons qui ont été faites depuis la naissance du monde.

456. Si l'on n'avait que des choses louables ou des vertus à confier à ses amis, on

n'exigerait jamais d'eux la discrétion.

457. Si les remords supposent le crime, ils supposent aussi un reste de vertu qui fait qu'on ne peut subsister tranquillement dans l'état du crime.

458. Le repentir est une espèce de cachet lugubre que les passions impriment et laissent dans notre cœur en y passant.

459. Les passions, lorsqu'elles nous quittent, se noient et meurent en passant dans les larmes du repentir.

460. Le repentir est un orateur triste et sententieux qui ne parle que par invectives. C'est un juge sévère à lui-même, qui se gourmande et se dit durement ses vérités.

461. Le repentir chasse les passions hors du cœur et y rappelle les vertus pour les y

remplacer. C'est une borne lugubre et fatale contre laquelle les passions viennent se briser sans oser passer outre.

462. Si nous aimions sincèrement la vertu, jamais la dépendance de ses lois ne nous serait odieuse. Il nous importerait peu de nous soustraire aux regards de la critique, n'ayant rien à lui laisser voir qu'elle pût condanner; l'indépendance ne serait plus pour nous un besoin.

463. Les préjugés, tout chimériques qu'ils paraissent, ne laissent pas d'avoir des effets réels qu'il faut respecter dans le public.

464. Le public est un être inquiet, curieux, souvent jaloux; il exige qu'on lui rende compte de tout, il cherche des motifs dans tout, et quand il n'en trouve pas, il en invente, pour tirer des conclusions qui sont toujours marquées au coin de la malignité.

465. La méchanceté du public chez une nation, est la plus grande preuve de la dépravation de ses mœurs.

466. Le moyen d'agir sans être vu est de ne rien faire impunément dans un monde où il y a des yeux?

467. La moitié du monde cherche à publier les faiblesses de l'autre moitié, pour faire disparaître la honte des siennes, et voilà une guerre intestine allumée chez les hommes depuis la création, c'est-à-dire depuis qu'ils ont des passions et des lois qui défendent de s'y livrer.

468. La louange et la médisance ont ce rapport entre elles que, de même que le mal qu'on dit d'une personne, lorsqu'il est bien avoué de tout le monde, n'est plus médisance, de même les éloges_dont_tout_le monde est d'accord, ne sont pas flatterie, mais justice.

469. On hait moins la médisance pour les autres que pour soi-même, et c'est moins la charité qui nous la rend odieuse, que l'amour de soi qui nous la fait craindre.

470. La calomnie n'est offensante que lorsqu'elle tient la place de la médisance: elle ne l'est jamais sous son propre nom, et du moment qu'elle est reconnue, la honte de l'accusé disparaît, il est justifié.

471. La curiosité est une passion si forte en nous, qu'elle impose quelquefois silence à l'amour-propre, sauf à lui permettre après de dire tout ce qu'il voudra. Elle a tant d'empire, qu'elle peut faire taire l'intérêt personnel lorsqu'elle veut savoir ce qu'on pense d'elle.

472. Tout ce que la curiosité gagne avec son caractère de tout amplifier, c'est qu'elle voit toujours les choses au-dessous de ce qu'elle les imaginait. Elle ne voit jamais rien qui la satisfasse: aussi pourrait-on dire en ce sens qu'elle dérobe à l'admiration son empire, en usurpant ses droits.

473. La curiosité est quelquefois une ambitieuse qui rit aux dépens de la vanité qui se vend à elle. Celle-ci lui donne l'aliment qu'elle désire, et cherche malignement à obtenir. La vanité se livre par ses indiscrétions à l'avide curiosité qui rit de la voir sa dupe. Ce sont deux vanités différentes, dont

l'une grile de recevoir, et l'autre de conuer. 474. La réponse que craint le plus celui qui nous offense, c'est la modération qui n'en fait aucune.

475. Nous n'aurions jamais de plaisir à réprimer notre colère, si nous ne regardions ce triomphe comme une victoire qui est notre ouvrage.

476. L'espèce de vivacité que l'on met quelquefois dans sa déclamation en parlant à un importun qui nous fatigue, n'est autre chose que le petit dédonimagement de notre impatience qui, n'osant se montrer à découvert, se soulage par là des contraintes de la bienséance.

477. Le dépit est la colère de la faiblesse. Quoique né du découragement, il peut former des résolutions hardies et conduire, par principe de disette, à ce que les autres passions produisent par principe de surabondance.

478. Nous ne nous apercevons de l'absence des méchants que par le repos qu'elle nous

cause.

479. La paresse est une passion négative qui n'agit en nous que par l'inaction et le repos. L'effet des autres passions est de nous faire trop agir, le caractère de celle-ci est de nous en empêcher. C'est dans la paresse que toutes les passions peuvent trouver leurs contraires, quoiqu'elle soit elle-même une passion et une passion violente par le plaisir qu'elle nous fait goûter dans ses langueurs et son inertie.

480. L'homme est placé entre les extrêmes: l'action ou le repos, le bien ou le mal. Il ne peut rester dans le milieu, et il le quittera bientôt pour monter vers le bien ou reculer du côté du mal.

481. Un sourire involontaire est souvent le commencement d'une réconciliation.

482. Le rire est un signe de faiblesse dans lequel nous aimons à surprendre quelqu'un en notre faveur.

con

483. On cherche ordinairement à faire rire les personnes qu'on veut se cilier le courtisan, son prince; l'écolier, son maître; l'amant, sa maîtresse.

484. Les grauds et tous ceux de qui nous dépendons ont toujours le rire agréable à nos yeux jamais personne n'a trouvé que son supérieur riait mal.

485. Les grandes richesses peuvent bien vous donner le droit de dire des inepties; mais elles n'ôtent pas aux autres celui de les juger et d'en rire.

486. Le seul avantage des richesses, c'est de nous rendre indépendants. Quand on en a assez pour l'être, c'est être ingrat que de désirer encore

487. L'idée sérieuse et bien méditée de la mort devrait exiler tout intérêt du cœur de l'homme.

488. Le malheur dont on doit se consoler le plus facilement, si c'en est un, c'est d'avoir des envieux et des jaloux; autrement ce serait ne vouloir point se consoler d'avoir du mérite.

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