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AVANT-PROPOS

DE L'AUTEUR.

Les planches des bibliothèques plient sous le poids de tout ce qui a été imprimé sur les dernières années du dix-huitième siècle. Quelques esprits supérieurs ont déjà indiqué, avec talent, les grandes causes morales et politiques de nos révolutions. Mais la postérité demandera aussi à connaître les ressorts secrets qui ont dirigé ces événemens. Des Mémoires écrits par des ministres et des favoris pourraient seuls satisfaire la curiosité de nos descendans, encore ne serait-ce que jusqu'à un certain point; car les rois n'accordent que bien rarement une confiance entière. Le souverain donne à un de ceux qui l'entourent une mission secrète qui ne contrarie point ses opinions connues; il lui dévoile tous les détails d'une affaire d'un haut intérêt. Le courtisan agit, persuadé de son importance; mais quand son orgueil s'applaudit, qu'il se

TOM I.

I

croit sûr que le cœur royal vient de lui être ouvert, aveuglé par sa vanité, il ne se doute pas que ce cœur renferme encore mille replis qui lui seront toujours cachés. Il n'est que la dupe et le jouet de celui dont il se croit le confident. Au même instant, un autre a reçu peut-être une mission opposée qui, sans doute, ne s'accorde pas davantage avec les véritables projets du prince. Tous deux se croient les seuls dépositaires des pensées du souverain, et sur cette base trompeuse bàtissent l'édifice imaginaire d'un crédit qu'ils n'auront pas.

Ce jeu des cours est surtout en usage quand l'autorité supérieure est forcée de satisfaire ou de calmer des opinions diverses, sans en adopter franchement aucune. Mais avec cette habitude d'éparpiller ainsi les marques d'une confiance illusoire, quand sont venus les temps de troubles et de factions, le souverain finit par ne plus trouver d'appui solide ni d'entier dévouement.

Louis XVI eut une quantité innombrable de confidens, de conseils, de guides; il en prit jusque dans les factions qui l'attaquaient. Il n'a peut-être jamais tout dit à un seul, et

n'a parlé sincèrement qu'à bien peu. Il se réservait de tenir le fil de toutes les menées particulières, et de là provient sans doute le peu d'ensemble et la faiblesse de ses opérations. Il en résultera aussi de grandes lacunes dans l'histoire détaillée de la Révolution.

Pour que l'on pût connaître à fond les dernières années du règne de Louis XV, il faudrait avoir des Mémoires des ducs de Choiseul et d'Aiguillon, du maréchal de Richelieu', du duc de La Vauguyon. Pour le règne malheureux de Louis XVI, il faudrait que le maréchal du Muy, M. de Maurepas, M. de Vergennes, M. de Malesherbes, le duc d'Orléans, M. de La Fayette, l'abbé de Vermond, l'abbé de Montesquiou, Mirabeau, la duchesse de Polignac, la duchesse de Luynes, eussent consigné, dans des écrits sincères,

J'ai entendu le maréchal de Richelieu dire à M. Campan, bibliothécaire de la reine, de ne point acheter les Mémoires que sans doute on lui attribuerait après sa mort; que d'avance il les lui déclarait faux ; qu'il ne savait pas l'orthographe, et ne s'était jamais amusé à écrire. Peu de temps après la mort du maréchal, un nommé Soulavie fit paraître les Mémoires du maréchal de Richelieu.

(Note de madame Campan.)

toutes les choses auxquelles ils ont eu une part directe. Quant au secret des affaires des derniers temps, il a été disséminé entre un bien plus grand nombre de personnes. Que!ques ministres ont publié des Mémoires, mais seulement quand ils ont eu à justifier leurs opérations, et ces mémoires ne traitent que des intérêts de leur propre réputation : sans ce puissant mobile, ils n'eussent probablement rien écrit. En général, les gens les plus rapprochés du souverain par leur naissance et par leurs emplois, n'ont point laissé de Mémoires; et, dans les monarchies absolues, presque tous les fils des grands événemens se trouvent attachés à des détails que les plus éminens personnages ont seuls pu connaître. Ceux qui n'ont eu le soin que de quelques affaires n'y voient point le sujet d'un livre; ceux qui ont porté long-temps le fardeau des affaires publiques se croient, par devoir ou par res

'Rien n'empêche encore que cette supposition ne se réalise en partie. Parmi les personnages que madame Campan cite en cet endroit, nous en connaissons dont les noms pourraient être, d'un moment à l'autre, attachés à des Mémoires d'un haut intérêt.

(Note de l'édit.)

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