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Un soir que la reine rentrait de chez la duchesse, elle dit à son valet de chambre d'apporter sa queue de billard dans son cabinet, et m'ordonna d'ouvrir l'étui qui contenait cette queue. Je fus étonnée de n'en pas trouver le cadenas dont la reine portait la clef à la chaîne de sa montre. J'ouvris l'étui et j'en retirai la queue en deux morceaux. Elle était d'ivoire, et faite d'une seule dent d'éléphant ; la crosse en était d'or, travaillée avec infiniment de goût. Voilà, me dit-elle alors, de quelle manière M. de >> Vaudreuil a arrangé un bijou auquel j'attachais » un grand prix. Je l'avais posée sur le canapé, pendant que je parlais à la duchesse dans le >> salon; il s'est permis de s'en servir, et dans un >> mouvement de colère, pour une bille bloquée, >> il a frappé la queue si violemment contre le billard, qu'il l'a cassée en deux. Le bruit me fit ren>> trer dans la salle; je ne lui dis pas un seul mot; » mais je le regardai avec l'air du mécontentement » dont j'étais pénétrée. Il a été d'autant plus affligé » de cet accident, qu'il vise déjà à la place de gouverneur du dauphin, et qu'avec cette ambition, l'emportement n'est pas un défaut à laisser éclater. >> Je n'ai jamais pensé à lui pour cette place. C'est >> bien assez d'avoir agi selon mon coeur pour le » choix d'une gouvernante, et je ne veux pas » que celui de gouverneur du dauphin dépende en » rien de l'influence de mes amis. J'en serais res)) ponsable à la nation.

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» Le pauvre malheureux, ajouta la reine, ne

>> sait pas que ma décision est formée; car je ne >> m'en suis jamais expliquée avec la duchesse. Aussi

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jugez de la nuit qu'il a dû passer. Au reste, ce n'est » pas le premier événement qui m'ait prouvé » que, si les reines s'ennuient dans leur intérieur, >> elles se compromettent chez les autres. »

FIN DU TOME PREMIER.

ÉCLAIRCISSEMENS HISTORIQUES

RECUEILLIS ET MIS EN ORDRE

PAR MADAME CAMPAN.

[*] Page 97.

MAISON DE LA REINE.

Première charge: la surintendante.

LA reine Marie Leckzinska, épouse de Louis XV, eut mademoiselle de Clermont, princesse du sang, pour surintendante de sa maison. Mademoiselle de Clermont mourut, et la reine demanda au roi de ne la point remplacer, les droits de la charge de surintendante étant si étendus, qu'ils en devenaient gênans pour la souveraine: nomination aux emplois, droit de juger les différens des possesseurs de charges, de destituer (1), d'interdire les servi

(1) On était interdit par ordre du chef de la maison ou quinze jours, un mois, ou plus. La destitution était moins rare que l'interdiction; mais on signait soi-mêine sa démission. Il ne faut pas oublier que tous les emplois étaient charges, et que l'on avait prêté serment entre les mains de la reine, de la surintendante, dc la dame d'honneur ou du chevalier d'honneur.

teurs, etc. Il n'y avait donc pas eu de surintendante depuis mademoiselle de Clermont, et la reine MarieAntoinette n'en eut point à l'époque de l'avénement à la couronne. Mais peu de temps après, touchée de l'existence de la jeune princesse de Lamballe, restée veuve et sans enfans, la reine voulut lui donner plus de considération personnelle en la fixant à la cour, et la fit nommer surintendante de sa maison. Elle séjourna habituellement à Versailles, dans le commencement de sa nomination, et mettait une très-grande importance à l'exécution fidèle de tous les devoirs de sa place. La reine la restreignit un peu sur ceux qui contrariaient ses volontés, et la liaison intime de la reine avec madame de Polignac s'étant ensuite établie, la princesse fut moins assiduement à la cour. Son dévouement au moment où tous les grands du royaume se livrèrent au système de l'émigration, la porta à rentrer en France, et à ne plus quitter la reine, alors privée de tous ses amis, et de cette société intime qui avait établi une sorte d'éloignement entre la reine et la surintendante; la fin tragique de cette intéressante princesse ajoute encore à l'intérêt que son zèle et sa fidélité doivent inspirer. La princesse surintendante était, de plus, chef du conseil de la reine, mais, à ce titre, ses fonctions ne devenaient importantes qu'en cas de régence.

Dame d'honneur: madame la princesse de Chimay.

La place de dame d'honneur perdant beaucoup

de ses avantages par la nomination d'une surintendante, madame la maréchale de Mouchy donna sa démission; lorsque la reine accorda ce titre à madame la princesse de Lamballe, la dame d'honneur nommait aux emplois et aux charges; recevait les prestations de serment en l'absence de la surintendante; faisait les présentations; envoyait les invitations au nom de la reine pour les voyages de Marly, de Choisy, de Fontainebleau, pour les bals, les soupers, les chasses; le renouvellement du mobilier, du linge et des dentelles de lit et de toilette, se faisait par ses ordres. Le chef du garde-meuble de la reine travaillait avec la dame d'honneur sur ces objets; le renouvellement des draps, serviettes, chemises, dentelles, avait lieu, jusqu'à l'époque où M. de Silhouette fut nommé contrôleur-général, tous les trois ans; ce ministre fit prononcer à Louis XV, qu'il ne se ferait que tous les cinq ans. M. Necker, son premier ministère, éloigna encore l'époque du renouvellement de deux années, et il n'eut plus lieu que tous les sept ans. La réforme entière appartenait à la dame d'honneur. Lorsqu'on allait au-devant d'une princesse étrangère, àl'époque de son mariage avec l'héritier présomptif, ou un fils de France, l'étiquette était de lui porter son trousseau; et dans le pavillon construit ordinairement sur les frontières, on déshabillait la jeune princesse, et on changeait jusqu'à sa chemise; mais les cours étrangères n'en fournissaient pas moins de très-beaux trousseaux qui appartenaient aussi, comme droit, à la dame

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