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Gessler fait ce qu'on lui demande; Guillaume Tell contrevient à ses ordres; interrogé sur la conjuration, il déclare ne rien savoir. Pour en obtenir de plus explicites aveux, Gessler lui offre l'alternative, ou de tout confesser, ou d'avoir à abattre avec son arbalète une pomme placée sur la tête de son plus jeune fils. > Guillaume Tell préfère ce dernier parti. Ici Stumpff reproduit le reste des aventures de Guillaume Tell d'après la version d'Etterlin; il place seulement le meurtre de Gessler quelques jours > après l'aventure du lac. Ensuite il indique sommairement, parce qu'il y revient ailleurs, les méfaits et la mort du bailli d'Unterwalden, < né de Landenberg, et l'entrevue de Gessler et de Stauffach. Ce fut là-dessus, dit-il, que

trois hommes, à savoir Guillaume Tell d'Uri, Stouffacher de Schwyz, et un d'Unterwalden, s'engagèrent par un serment secret à délivrer le pays de la tyrannie des baillis et à mourir, s'il le fallait, pour sauver les libertés nationales. Leur nombre s'étant accru et le peuple s'étant soulevé, la noblesse fut de nouveau expulsée, quelques-uns de ses membres furent tués, et tous les châteaux furent détruits. Cela se passa dans l'été de l'année 1314. ›

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Stumpff reprenant ailleurs cette même date, à propos de Schwyz, dit: Alors Gesszler et sa séquelle se livraient à toutes sortes d'excès envers les pauvres gens, dont ils jetaient les uns en prison, tandis qu'ils enlevaient aux autres leurs femmes et leurs enfants pour les déshonorer. › Le chroniqueur cite, à l'appui de son dire, Tell,et Stauffach. C'est celui-ci qui, inquiet des paroles équivoques de Gessler, se rend à Uri sur le conseil de sa femme, et s'y engage par serment, avec Guillaume Tell et un d'Unterwalden, à affranchir le pays. Là-dessus, ajoute Stumpff, Gessler fait

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saisir Guillaume Tell, qui le tue après lui avoir échappé. <C'est alors que les Schwyzois ont rasé le château de Rogkenberg et détruit la bonne forteresse de Schwanow, dans le petit lac de Schwyz, qu'on appelle le lac Lowerz. >

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Quant à l'Unterwalden: « Dans une vallée qui, du nom de la Melch qui l'arrose, est appelée Melchthal, du temps du roi Louis (1314), un bailli qui résidait au château de Landenberg, voulut, sans motif, enlever à un paysan une paire de bœufs, disant que les paysans devaient eux-mêmes tirer la charrue, les traîneaux et les chariots. › Bientôt après, le même tyranneau voulut contraindre la femme d'un paysan ‹ d'Atzelen, en l'absence de son mari, à lui préparer un bain et à y entrer avec lui. La femme prépare le bain, envoie secrètement un messager à son mari, qui revient en toute hâte et tue d'un coup de hache le bailli dans la baignoire. < Ceci doit avoir été une des causes du soulèvement, et ce paysan doit avoir été le troisième confédéré qui s'allia avec Guillaume Tell d'Uri et Stouffacher de Schwyz. A Sarnen il existait un château fort, < où quelques-uns prétendent que résidaient ceux de Landenberg; il fut pris par ruse, le jour de Noël 1314, par les paysans, pendant que le seigneur était à l'église; celui-ci vida immédiatement le pays avec son monde et tout ce qui fut trouvé dans le château fut égorgé 40

Nous avons donné avec quelque étendue le récit dispersé de Stumpff, parce que l'on peut y voir combien la tradition était chose encore incomplétement admise et mal affermie dans l'opinion, puisque le savant historien ne se trouve d'accord, en la rapportant, ni avec ses prédécesseurs, ni avec lui-même. Il donne aux événements de la légende une date toute nouvelle, celle de 1314, qui, pour être plus plau

sible que celles de 1296, de 1298 ou de 1300, n'est cependant pas plus historique. Elle montre seulement que l'idée d'attribuer à la tyrannie du roi Albert d'Autriche le soulèvement des Waldstätten n'était pas encore établie dans la tradition, car Stumpff dit en termes exprès que ce monarque, malgré son désir de mettre les vallées sous la domination de sa maison, respecta leur indépendance. >

Il flotte d'ailleurs entre la version d'Uri et celle d'Obwald, sans suivre ni l'une ni l'autre. Tantôt il place Tell à la tête du trio des confédérés, qui se serait formé à la suite du meurtre de Gessler; tantôt il attribue à Stauffach l'initiative de la confédération, qui aurait précédé, au contraire, les aventures et la vengeance du citoyen d'Uri. Il ne sait pas mieux à quoi s'en tenir sur l'alliance. D'abord il la fait sortir de la conjuration secrètement formée par un certain nombre de conspirateurs anonymes‹ sur la prairie du Rütle; ensuite il la rattache expressément à l'accord conclu entre Stauffach, Guillaume Tell et le citoyen d'Unterwalden, < qui doit avoir été le paysan d'Atzelen. > Du nom de celui-ci, il ne sait rien, de même qu'il ignore, en ce qui concerne le campagnard du Melchthal, non-seulement son nom, mais encore l'intervention violente de son fils et l'acte de barbarie qui, d'après la légende, en aurait été la conséquence. Le tyran de l'Unterwalden, dont Stumpff disait, la première fois qu'il en parle, qu'il était né de Landenberg, est ensuite présenté comme un personnage anonyme qui demeure < au château de Landenberg, et, enfin, lorsqu'il a été tué à Alzellen, on voit un autre seigneur, également innommé, occuper le château fort de Sarnen, où résidaient, à ce qu'on prétend, ceux de Landenberg. >

Quant à l'épisode de Tell, Stumpff y introduit des détails tout nouveaux, destinés à le rendre plus vraisemblable. Pour expliquer l'érection de la perche symbolique et la punition que Gessler inflige à l'archer, il a inventé une première conjuration formée au Rütle, entre diverses personnes, conjuration ignorée de tous ses devanciers, mais qui donne à ce double incident un tour plus naturel; il a également voulu conserver la vraisemblance en ne plaçant pas le meurtre du bailli le soir même de la scèned' Altorf. Mais, en altérant à bon escient la version courante, il ne fait qu'en mieux marquer l'incertitude.

Toutes les oscillations, les retouches, les variantes, les corrections auxquelles, pendant la première moitié du seizième siècle, la tradition nationale est ainsi livrée, montrent assez que l'on a affaire à une légende d'origine récente, qui, dans ses portions essentielles tend de plus en plus, il est vrai, à s'établir et à se propager, mais qui n'a pas encore poussé les racines profondes et les rejetons vigoureux qu'on n'arrachera plus. Elle est sur le point d'aboutir au terme de sa croissance définitive, mais elle ne se laissera pas enfermer dans une forme immuable avant d'avoir, une fois encore, pris un nouvel aspect et donné, si l'on peut ainsi dire, un dernier signe de son libre devenir. >

Stumpff avait achevé sa Chronique dès 1546. Deux ans plus tard, un autre Zurichois, Gaspard Suter, régent dans le collége de Zug, en rédigeait une qui, formant l'abrégé d'un plus grand ouvrage, ne raconte avec détail précisément que l'histoire de Tell et l'expulsion des baillis". Suter fixe à l'an 1298 l'envoi de ces derniers dans les Waldstätten par le duc Albert d'Autriche. C'est en 1313, c'est-à-dire après la mort de ce prince, qu'a lieu l'épisode du Melchthal,

et que commencent à Uri les vexations de <Griessler, ou, comme d'autres écrivent, de Gässler. > Suit le récit de l'entrevue entre ce bailli et Stauffach.

< A la même époque, ajoute Suter, le pieux Guillaume Tell adressait jour et nuit à Dieu d'ardentes prières pour obtenir la délivrance d'une telle oppression. > Il est rencontré sur la place du marché à Altorf par Stouffacker qui portait un sac vuide.› Tell lui demande quel est son trafic, et ce qu'il se propose d'acheter. L'autre répond: « J'achèterais volontiers la fidélité, le courage, la discrétion, la vérité et autre semblable marchandise. > Ils se communiquent alors leurs patriotiques chagrins, se promettent une mutuelle confiance, et reçoivent Erni de Melchthal dans leur société. Ils conviennent de se réunir secrètement, < dans un lieu désert, sous le Seelisberg, au Grütely, sur le bord du lac, où personne ne pouvait ni les voir ni les entendre, et où ils pouvaient eux-mêmes se rendre avec une égale facilité par le lac, soit de Schwyz, soit d'Uri, soit d'Unterwalden. ›

Pendant que se rassemblent autour d'eux de nouveaux confédérés, l'épisode scandaleux du Bas-Unterwalden s'accomplit, et < Conrad d'Allzellen,› qui se réfugie à Uri, est admis dans l'alliance par Guillaume Tell. Les réunions du Grütli continuent; le nombre des confédérés s'accroît; et Gessler, loin de se relâcher de ses rigueurs, songe à obtenir de l'Empereur et du duc d'Autriche l'inféodation des Waldstätten. > Suit alors le récit ordinaire de l'aventure de Tell: emmené, ainsi que son enfant, dans la barque du bailli, Tell s'échappe avec ses armes et son fils, confie celui-ci, en passant à Morschach, aux soins d'une parente, et vient à Küssnacht tuer le bailli dans le chemin creux.

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