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quement pour elle, et en ne perdant pas de vue les principes et les droits sur lesquels sont fondés l'existence de tous les gouverne«ments légitimes et celle de leurs sujets. Ma façon de penser est inébranlable sur ce sujet comme sur les événements du jour. Frédéric-Guillaume se montra fort satisfait d'une pareille réponse; il adhéra pleinement à toutes les propositions du monarque suédois, et promit de lui envoyer un corps d'armée. Comme Gustave IV venait de recevoir de l'Angleterre quelques secours en soldats et en argent, il put réunir en Pomeranie un corps de vingt mille hommes, qui eussent fort embarrassé Napoléon sur ses derrières, et *qui pouvaient lui nuire encore davantage s'il eût éprouvé le moindre échec; mais la défaite de Friedland renversa à toutes ces espérances. Alors aucun engagement ne fut rempli avec le roi Gustave, et l'on sait ce qu'il en advint plus tard à ce malheureux prince, si indignement oublié, sacrifié dans les traités de Tilsitt.

Talleyrand, qui, après la bataille d'Eylau était allé à Dantzick, puis à Koenigsberg, pour y attendre l'issue des événements, reçut de l'empereur, dans cette dernière ville, aussitôt après la victoire de Friedland, l'ordre de se rendre auprès de lui, et dès les premières conférences, qui commencèrent entre les deux empereurs en personne le 25 juin 1809, il fut initié dans tous les projets qui durent régler le sort du monde. On a dit qu'il avait abusé de cette confiance, non pas seulement à l'égard de l'empereur Alexandre, mais en faveur de l'Angleterre, et que ses révélations d'aussi importants secrets avaient causé plus tard la destruction de la flotte danoise. Ce qu'il

y a de sûr, c'est que la faveur particulière dont le monarque russe l'honora longtemps date de cette époque, et que ce fut dans le même temps que s'accrurent beaucoup à son égard les défiances de Napoléon. Il eut cependant l'honneur de signer pour la France, le 7 juillet 1809, ce mémorable traité de Tilsitt, et deux jours après il signa celui de la Prusse. Indépendamment des présents d'usage, l'empereur Alexandre le combla de bienfaits et lui donna la décoration de l'ordre de Saint-André, le premier de son empire; mais il n'en fut pas de même de Napoléon qui lui retira, un mois après, le portefeuille des affaires étrangères qu'il remit à M. de Champagny. Cependant, pour que cela n'eût pas tout-à-fait l'air d'une disgrâce, il fut promu à la dignité de vicegrand-électeur, ce qui lui donna l'entrée de tous les conseils. Déjà il était décoré de tous les ordres de l'Europe dans les grades les plus élevés; en France il était prince et il avait été successivement nominé grand chambellan, grand électeur. Il jouissait d'une fortune immense. Enfin il ne tenait qu'à lui de vivre en paix, comblé de biens, d'honneurs, et il eût mis fin à tous les soupçons, à toutes les défiances. Mais pour cela il eût fallu renoncer à tous les complots, à toutes les intrigues; ce qui était pour lui chose à peu près impossible. L'intrigue était son élément, la cupidité sa plus ardente passion.

Revenu à Paris sans portefeuille, sans fonctions, sa vie politique semblait terminée; mais dans sa pensée il ne doutait pas que Napoléon ne fût encore obligé d'avoir recours à lui; et en effet les plans d'invasion en Espagne, dont il s'occupa bientôt, le mirent dans la nécessité de s'adresser

à l'ancien ministre. C'était à Tilsitt, à Erfurth, on le sait assez, que ces plans d'invasion avaient été conçus, et il est bien sûr que Talleyrand, quoi qu'il ait dit plus tard, en avait été le principal instigateur. Les intrigues qu'il suivait depuis longtemps avec Godoy, les profits qu'il en avait tirés étaient sans doute restés dans sa pensée, et d'ailleurs il avait encore quelques comptes à régler avec ce trop fameux prince de la Paix, qui n'avait pas cessé de gouverner la Péninsule. Il se trouva même qu'en ce moment on eut besoin d'un certain Izquierdo, sa créature, qui, venu en France pour calmer l'empereur sur une intempestive velléité de guerre, était, bien que dépourvu de tout pouvoir de son souverain, prêt à signer en son nom les engagements les plus funestes. Il ne fut pas difficile au prince de Bénévent de faire comprendre à Napoléon le parti qu'il pouvait tirer d'un pareil homme, et de se faire donner la mission de traiter avec lui de la manière la plus favorable pour des projets qu'il connaissait très-bien. Ainsi furent jetées les premières bases d'une entreprise qui devait avoir pour l'Espagne et la France, pour Napoléon lui-même des résultats si désastreux! Le traité préparatoire dont l'invasion du Portugal semblait être l'unique objet, mais dont celle de l'Espagne était le but trop réel, fut signé à Fontainebleau, le 26 octobre 1808, par Izquierdo pour l'Espagne, et par le maréchal Duroc pour la France. Il avait été préparé par Talleyrand, et ce fut son secrétaire Perret qui en porta la minute à Fontainebleau; c'est par lui-même que nous avons connu ces détails. Par ce traité, qui est resté long-temps ignoré, Charles IV devait prendre le titre d'empereur

des Amériques, et son petit-fils, qui avait été créé roi d'Étrurie, devait être souverain du royaume de Lusitanie, renonçant à la Toscane en faveur de Mme Bacciocchi, sœur de Napoléon; mais, comme nous l'avons dit ailleurs, de tout ce monument de déception et de fraude, dressé par l'ancien prélat d'Autun, il n'y eut de réel que la perte de la Toscane pour le duc de Parme, lequel, pour être roi, avait été dépossédé de l'héritage de ses pères. Quant à Godoy, il eut aussi dans cette affaire sa part de mystification: l'antique royaume des Algarves, qui par le déce vant traité devait être transformé pour lui en une très-riche principauté, resta province du Portugal. Talleyrand, qui en pareil cas ne s'en tenait point à des illusions, à des promesses, reçut probablement quelque chose de plus positif, et comme c'est dans ce temps-là qu'il devint, par suite de quelques créances occultes sur l'Espagne, propriétaire du bei hôtel de l'Infantado, où il a vécu long-temps, où il a eu l'honneur de recevoir, en 1814, les plus grands rois de la terre, on a dit que cette affaire n'y fut pas étrangère; et il faut reconnaître que les services qu'il rendit en cette occasion en valaient bien la peine. Ce fut par ses avis que, profitant habilement des divisions survenues dans la famille royale d'Espagne, amenées par les intrigues de Godoy, cette malheureuse famille tomba dans le guetà-pens de Bayonne, et que Ferdinand VII et son frère furent conduits prisonniers dans sa terre de Valençay, dont la seule location lui valut 75,000 fr. par an. Nous ignorons encore si ce fut par une faveur ou par une espèce de mystification pour son grand chambellan

que Napoléon fit ainsi une prison de son château. Ce qu'il y a de sûr c'est qu'alors, tout en se servant de son ancien ministre, dans les cas indispensables, il ne l'admettait plus dans ses confidences intimes, qu'il ne l'emmenait plus avec lui quand il s'éloignait de la capitale, et qu'on remarqua surtout qu'il ne fut pas du voyage de Bayonne, où devaient être exécutés les plaus qu'il avait donnés, où devaient tomber tant d'infortunés dans les piéges qu'il avait tendus! Et par un autre caprice moins explicable encore, l'empereur voulut, l'année suivante, qu'il fût du voyage d'Erfurth. On a dit que ce fut par défiance et pour ne pas le laisser derrière lui. S'il en est ainsi, ce fut un bien mauvais calcul; car, selon sa coutume, l'ancien ministre y abusa étrangement des secrets politiques qui lui furent confiés, et ces secrets ne pouvaient manquer d'être en cette occasion de la plus haute importance. Si l'on réfléchit à ce qui se passait alors entre les deux puissants monarques, on jugera de quelle conséquence durent être les révélations de Talleyrand. C'est un fait si grave dans l'histoire, et si important dans la vie du conseiller de Napoléon, que nous croyons devoir citer textuellement ce qu'en a dit le secrétaire Menneval, qui en fut témoin. « A Erfurth, l'empereur employa surtout le prince de Bé- névent dans ses communications « confidentielles avec l'empereur « Alexandre. J'ignore si Napoleon - a été bien informé de la nature des entretiens nocturnes qu'il avait « avec le czar chez la princesse de La

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« de Bénévent s'est chargé de faire. « connaître non-seulement dans ses Mémoires, mais aussi dans ses causeries intimes. A Erfurth, M. de Talleyrand venait chaque jour au lever. Quand tout le monde s'était retiré, l'empereur le retenait. Il l'entretenait de ses desseins, de ses « vues sur l'empire ottoman, des affaires d'Espagne, de la conduite qu'il voulait tenir envers l'empe« reur Alexandre, des avantages qu'il espérait tirer de son alliance, des « concessions mesurées graduelle«ment qu'il se proposait de lui faire.

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Le prince deTalleyrand avoue qu'il • ne se faisait pas scrupule de livrer « ces confidences au czar dans ses entretiens du soir. Il préparait ainsi « ce prince aux communications qu'il devait recevoir de l'empereur Napoléon, et l'avertissait du but caché • des insinuations qui lui seraient fai«tes. L'empereur Alexandre parlait à «Erfurth de son ardent désir de visi« ter Paris, du bonheur qu'il aurait d'assister aux séances du conseil d'État présidé par Napoléon, et de s'initier sous un tel maître à la << science de l'administration.J'ignore « jusqu'à quel point l'expression de « ce vœu était sincère; j'ai entendu

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l'empereur de Russie en parler avec « une apparente conviction; mais les révélations du prince de Bénévent « ont dû modérer cette velléité d'aug<< menter son intimité avec Napoléon. Car, admettant que ce ministre n'ait • pas envenimé les confidences de l'empereur, on comprendra facile<ment que ces sortes de confidences roulent toujours sur des points délicats, qui, lorsqu'ils sont abordés « sans mission, et s'ils ne sont point traités avec l'opportunité et la circonspection nécessaires, peuvent, faussement interprétés, produire

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· part, quoique je n'aye aucune preu

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payer de si précieux avis. Quant à

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sité où l'empereur Napoléon serait

« de se remarier, la main d'une des "grandes-duchesses de Russie, sœur d'Alexandre, avait été indirecte.ment proposée par ce prince. M. de Talleyrand comprit sur-le-champ « le parti qu'il pourrait tirer pour luimême de cette confidence, et il s'en félicita avec l'empereur Alexandre. Puis saisissant aux cheveux l'occasion, il lui dit : « Sire, puisque Vo« tre Majesté est dans de si heureuses dispositions matrimoniales, elle • mne permettra de lui demander une « faveur. J'ai eu le malheur de perdre « l'aîné de mes neveux (19), jeune << homme d'espérance; il m'en reste « un que je voudrais marier avantageusement; mais en France je dois y renoncer. L'empereur garde les - riches héritières pour ses aides-decamp. Votre Majesté a pour sujette « une famille à laquelle mon plus « grand désir serait de m'allier. La main de la princesse Dorothée de

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« Courlande comblerait les vœux de mon neveu Edmond. » L'empereur, qui avait souvent protesté de son ▪ désir d'être agréable au prince de · Bénévent, s'empressa de lui promettre son intervention, et dit qu'il avait l'intention, en retournant à Pétersbourg, de s'arrêter chez madame la duchesse de Courlande; qu'il emmènerait avec lui

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Edmond de Périgord, qui, étant

attaché à l'ambassade de France en

⚫ la récompense donnée par l'empe-Russie, avait accompagné le duc

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chesse et qu'il pouvait regarder la « chose comme faité. Tout cela fut ponctuellement exécuté de la part de l'empereur Alexandre; et l'on doit bien penser que la duchesse de Courlande refusa d'autant moins la main de sa fille, demandée par le puissant empereur, qu'elle avait connu elle-même personnellement le prince de Bénévent dans ses voyages à Paris. Et il faut remarquer que cette princesse n'était pas seulement une fort belle femme, mais que, douée d'un esprit supérieur et placée dès sa jeunesse au milieu des plus hautes sociétés, elle connaissait la plupart des hommes les plus remarquables de l'Europe, elle entretenait avec plusieurs de très intéressantes correspondances. Toutes ces circonstances ajoutaient beaucoup aux avantages d'une union où se trouvaient d'ail leurs toutes les convenances pour le prince de Bénévent, peut-être encore plus que pour son neveu; et si l'on y ajoute que la nièce de la duchesse était aussi très-remarquable par son esprit et sa beauté, on ne s'étonnera pas de l'importance que Talleyrand mit à sa demande. Le mariage se fit donc sous les plus favorables auspices; et la famille de Courlande, ainsi transportée en France, y a vécu dans la plus parfaite union avec celle du prince de Talleyrand.

La duchesse de Courlande, par ses relations politiques, lui a rendu de très grands services, et l'on a même pensé avec beaucoup de vraisemblance que, dans les derniers temps, lorsque l'ancien ministre de Napoléon tomba dans une digrâce complete, ce fut au crédit de la duchesse auprès de l'empereur Alexandre qu'il dut son salut, ou du moins quelque adoucis

sement au ressentiment de Napoléeon. Quant à sa fille, qui sous de tels auspices devint l'épouse du comte Edmond de Périgord, l'un des plus brillants colonels de l'armée française, et qui, bien que séparée de lui, est devenue l'héritière du prince de Bénévent, sous le titre de madame la duchesse de Dino, on a dit souvent qu'ayant eu la survivance de sa mère dans les fonctions de conseiller intime, elle s'en est acquittée avec une rare su périorité. Il est fâcheux pour l'historien d'être obligé de dire que d'aussi beaux résultats étaient la suite d'un abus de confiance inexcu

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