Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

:

de Marly, dont les arbres, plantés par Louis XIV, étaient d'une élévation prodigieuse dans plusieurs bosquets, la hauteur de ces arbres était encore dépassée par des jets de l'eau la plus limpide, tandis que, dans d'autres, des cascades de marbre blanc, dont les eaux frappées par quelques rayons du soleil paraissaient des nappes de gaze d'argent, contrastaient avec l'imposante obscurité des bosquets.

Le soir, pour être admis au jeu de la reine, il suffisait à tout homme bien mis d'être nommé et présenté par un officier de la cour à l'huissier du salon de jeu. Le salon, très-vaste et d'une forme octogone, s'élevait jusqu'au haut du toit à l'italienne, et se terminait par une coupole ornée de balcons, où des femmes non présentées obtenaient facilement d'être placées pour jouir de la vue de cette brillante réunion.

Sans faire partie des gens de la cour, les hommes admis dans le salon pouvaient prier une des dames, placées au lansquenet ou au pharaon de la reine, de jouer sur leurs cartes l'or ou les billets qu'ils leur présentaient.

Les gens riches et les gros joueurs de Paris ne manquaient pas une seule des soirées du salon de Marly, et les sommes perdues ou gagnées étaient toujours très-considérables.

Louis XVI détestait le gros jeu et témoignait souvent de l'humeur quand on citait de fortes pertes 1.

En 1790, un officier de la garde nationale se promenait dans les appartemens du château des Tuileries; le roi l'ayant

TOM. I.

15

Les hommes n'avaient point encore introduit l'usage de porter un habit noir sans être en deuil, et le roi donna quelques-uns de ses coups de boutoir à des chevaliers de Saint-Louis, ainsi vêtus, qui venaient hasarder deux ou trois louis dans l'espoir que la forture favoriserait les jolies duchesses qui voulaient bien les placer sur leurs cartes 1.

On voit souvent des contrastes singuliers au milieu de la grandeur des cours : pour jouer un si gros jeu au pharaon de la reine, il fallait un banquier muni de fortes sommes d'argent, et cette nécessité

remarqué, lui demanda s'il savait jouer au trictrac; sur sa rẻponse affirmative, le roi voulut bien jouer avec cet officier, et lui gagna neuf francs à un petit écu par partie. L'heure du conseil étant venue, Sa Majesté s'y rendit, en promettant à l'officier de lui donner une autre fois sa revanche. (Anecdotes du règne de Louis XVI, tome Ier., pages 247, 248. )

(Note de l'édit.)

Bachaumont, dans ses Mémoires, souvent satiriques et toujours un peu suspects, parle de singulières précautions employées au jeu de la cour.

« Les banquiers du jeu de la reine, dit-il, pour obvier aux erreurs (j'adoucis la rudesse de ses expressions) qui se commettent journellement, ont obtenu de S. M., qu'avant de commencer, la table serait bordée d'un ruban dans son pourtour, et que l'on ne regarderait comme engagé pour chaque coup que l'argent mis sur les cartes au delà du ruban. » Il ajoute bien encore quelques détails qui annonceraient d'étranges distractions, mais nous y croyons trop peu pour les rapporter. (Mémoires de Bachaumont, tome XII, p. 189.)

(Note de l'édit.)

faisait asseoir à la table de jeu, où l'étiquette n'admettait que les gens les plus titrés, non-seulement M. de Chalabre qui en était le banquier, mais un simple capitaine d'infanterie retiré, qui lui servait de second. On entendait aussi très-souvent prononcer un mot trivial, mais tout-à-fait consacré pour exprimer la manière dont on y faisait la cour au roi. Les hommes présentés, qui n'avaient point été invités à résider à Marly, y venaient cependant comme à Versailles, et retournaient ensuite à Paris; alors il était convenu de dire qu'on n'était à Marly qu'en polisson; et rien ne me paraissait plus singulier que d'entendre répondre par un charmant marquis à un de ses intimes qui lui demandait s'il était du voyage de Marly: Non, je n'y suis qu'en polisson. Cela voulait simplement dire, j'y suis comme tous ceux dont la noblesse ne date pas de 1400. Que de talens sublimes, que de gens d'un haut mérite, qui bientôt devaient trop malheureusement porter atteinte à l'antique monarchie, se trouvaient dans cette classe désignée par le mot de polissons!

Les voyages de Marly étaient fort chers pour le roi; après les tables d'honneur, celles des aumôniers, des écuyers, des maîtres-d'hôtels, etc., etc., étaient toutes assez magnifiquement servies, pour que l'on trouvât bon que des étrangers y fussent invités; et presque tout ce qui venait de Paris était nourri aux dépens de la cour.

L'économie personnelle du prince infortuné qui

a succombé sous le poids des dettes de l'état, favorisa donc la préférence que la reine accordait à son petit Trianon; et cinq ou six ans avant l'époque de la révolution, il y eut fort peu de voyages à Marly.

Le roi, occupé du bonheur de sa famille, avait donné aux princesses ses tantes la jouissance du château de Belle-Vue; dans la suite, il fit l'acquisition de la maison de la princesse de Guéménée, dans l'avenue de Paris, pour madame Élisabeth '. Madame, comtesse de Provence, avait acheté une petite maison à Montreuil; Monsieur avait Brunoy; la comtesse d'Artois fit construire Bagatelle; Versailles devint, pour tous les membres de la famille royale, le séjour le moins agréable; on ne se croyait chez soi que dans des demeures plus simples, embellies par des jardins anglais; on y jouissait mieux des beautés de la nature : le goût des cascades et des statues était entièrement passé.

La reine séjournait quelquefois un mois de suite au petit Trianon, et y avait établi tous les usages de la vie de château; elle entrait dans son salon sans que le piano-forté ou les métiers de tapisseries fussent quittés par les dames, et les hommes ne suspendaient ni leur partie de billard, ni celle de trictrac. Il y avait peu de logement dans le petit

• Madame Élisabeth a joui de cette maison plusieurs années ; mais le roi avait prononcé qu'elle n'y coucherait qu'à vingtcinq ans la révolution éclata avant qu'elle eût atteint cet âge. (Note de madame Campan.)

y accom

chateau de Trianon. Madame Élisabeth pagnait la reine; mais les dames d'honneur et les dames du palais n'y furent point établies: selon les invitations faites par la reine, on y arrivait de Versailles pour l'heure du dîner. Le roi et les princes y venaient régulièrement souper. Une robe de percale blanche, un fichu de gaze, un chapeau de paille, étaient la seule parure des princesses; le plaisir de parcourir toutes les fabriques du hameau, de voir traire les vaches, de pêcher dans le lac, enchantait la reine; et, chaque année, elle montrait plus d'éloignement pour les fastueux voyages de Marly.

L'idée de jouer la comédie, comme on le faisait alors dans presque toutes les campagnes, suivit celle qu'avait eue la reine de vivre à Trianon dégagée de toute représentation. Il fut convenu qu'à l'exception de M. le comte d'Artois, aucun jeune homme ne serait admis dans la troupe, et qu'on n'aurait pour spectateurs que le roi, Monsieur et les princesses qui ne jouaient pas; mais que, pour animer un peu les acteurs, on ferait occuper les premières loges par les lectrices, les femmes de la reine, leurs sœurs et leurs filles : cela composait une quarantaine de personnes.

'L'historien de Marie-Antoinette ajoute de nouveaux traits à ce tableau, et fait des réflexions judicieuses sur l'influence que ce changement dans les costumes dut exercer sur les mœurs. Voyez dans les Éclaircissemens, lettre (R), tout ce morceau qui est d'un observateur éclairé.

(Note de l'édit.)

« ZurückWeiter »