On voit qu'il eft impoffible de beaucoup diminuer de la longueur que nous avons prefcrit en premier lieu puifqu'il eft néceffaire qu'un Vaiffeau de guerre ait un certain nombre de canons; qu'il faut laiffer entre ses canons une distance fuffifante pour les fervir, & qu'il eft néceffaire, à cause de l'arrondissement du Vaisseau, de laiffer un espace entre le premier fabord de l'avant & la rablure de l'étrave, & le dernier fabord de l'arriere & la rablure de l'étambot: Or celui que nous avons fixé dans la premiere table, eft le moindre qu'il foit poffible d'y laiffer. On peut donc dire que nous avons affigné en cet endroit, la moindre longueur que les Vaiffeaux puiffent avoir; mais bien loin qu'il y ait de l'inconvénient à allonger les Vaiffeaux, il nous paroît qu'il y auroit des avantages confidérables à le faire. 1o. En augmentant la longueur des Vaiffeaux, on n'augmente point la colonne d'eau qui s'oppose à leur fillage: loin de cela, comme on augmente les capacités, on fera maître de diminuer proportionnellement un peu de leur largeur ou de leur creux; je dis un peu, parce que le bois qu'on employe pour allonger les Vaiffeaux, confomme prefque par fon poids les capacités qu'on a gagné par cet allongement. Ainfi l'augmentation en largeur & en creux, éleve beaucoup plus la batterie, que l'augmentation en longueur. 2o. En augmentant la longueur des Vaiffeaux, on fait qu'ils ont plus d'eau à déplacer fur le côté; & pour cette raifon, ils doivent moins dériver. 3°. Les lignes d'eau d'un Vaiffeau long ( la largeur étant la même) font formées par des courbes plus douces, & qui font un angle curviligne plus aigu, ce qui eft très-avan tageux, non-feulement pour mieux divifer le fluide par l'avant, mais encore pour faciliter la réunion de l'eau fur le gouvernail; mais il eft évident que pour fe procurer ces avantages, il ne faut augmenter que la longueur; car fi on étendoit proportionellement les autres dimensions, on feroit un Vaiffeau plus grand, qui n'auroit point les qualités dont je viens de parler: je dis plus; fi on faifoit un Vaiffeau long, & fi on ne lui donnoit pas plus de capacité que n'en auroit un Vaiffeau court de même largeur & de même creux, il eft clair qu'on feroit obligé de pincer beaucoup les extrêmités de ce Vaiffeau, ce qui donneroit des lignes d'eau trèscaves, peu propres à divifer le fluide, & en ôtant le foutien aux extrêmités, ce Vaiffeau tangueroit rudement, fatigueroit fa mâture, & arqueroit très-promptement. Je pourrois citer plufieurs Vaiffeaux qui ont eu ces défauts ; ainfi quand je parle des avantages qu'on peut retirer de l'allongement des Vaiffeaux, je fuppofe qu'on fçaura faire quadrer cette dimenfion avec les autres. 4°. Par cer allongement on augmente un peu la diftance qui eft entre les canons, dont le fervice devient plus aifé. 5o. On peut au moyen de cette augmentation de longueur, éloigner un peu plus les mâts les uns des autres; ce qui ne peut être qu'avantageux. Il ne faut pas diffimuler les inconveniens qu'il y auroit à allonger les Vaiffeaux d'une quantité confiderable: premierement le corps du Vaiffeau en fouffriroit; on entend qu'il tendroit à fe délier ou à s'arquer; car il eft certain qu'un Vaiffeau long aura les mouvemens de tangage plus doux qu'un Vaiffeau court; mais on penfe qu'une lame qui fouleve un vaiffeau long par l'avant, doit plus fatiguer l'affemblage de fes membres que s'il étoit court; eft vrai qu'on peut remedier à cet inconvénient en liant les Vaiffeaux avec plus de foin, pourvû toutesfois qu'on n'augmente pas exceffivement cette dimenfion. il 2o. Si on allongeoit trop les Vaiffeaux, ils manoeuvreroient plus difficilement en corps d'armée; car un Vaiffeau qui vire de bord fait une révolution d'autant plus gran de, qu'il eft plus long; ainfi à marche égale, il exécuteroit plus lentement & plus difficilement cette manœuvre qu'un Vaiffeau plus court. 3o. On doit remarquer qu'un Vaiffeau plus long a besoin de plus de force dans fon gouvernail; qu'il eft plus fujet à le perdre, & qu'il gouverne moins bien, fur-tout quand il s'agit d'arriver. Il faut donc éviter les excès; mais les proportions que nous avons données avec prefque tous les anciens conftructeurs, doivent être un peu étendues, & nous estimons qu'il conviendroit d'augmenter principalement l'intervalle qu'il y a du premier fabord de l'avant à la rablure de l'étrave, & de celui du dernier fabord de l'arriere à la rablure de l'étambot, pour diminuer d'autant le poids qui charge l'avant & l'arrière des Vaiffeaux où ils ont moins de foutien que par tout ailleurs. Il pourroit néanmoins y avoir de l'inconvénient a trop reculer le premier fabord de l'avant, & à rapprocher du milieu le dernier fabord de l'arriere; car la ligne horisontale fur laquelle font rangés les canons, fe trouvant prefque droite, ils ne pourroient tirer que par le travers du Vaisseau, qui peut alors être attaqué impunément par la hanche & par l'avant. Les Conftructeurs ont cru qu'ils pouvoient fans rifque varier un peu la longueur des Vaiffeaux, puifqu'elle n'eft pas uniforme dans tous les Vaiffeaux de même rang, & qui portent tous à leur premiere batterie 13 canons de 24 livres de balle. En voici des exemples: L'Aimable avoit 147 pieds de longueur. L'Invincible L'Achille 144 145 On ne doit pas blâmer les Conftructeurs d'avoir varié un peu la longueur de leurs Vaiffeaux; car fi on n'avoit pas changé changé cette dimension, les Vaiffeaux qu'on conftruit aujourd'hui ne feroient pas auffi fins voiliers qu'ils le font. Nous allons donner des exemples de ce qui a été exécuté dans beaucoup de Vaiffeaux connus, après avoir fait remarquer qu'un Vaisseau de 74 canons qui feroit percé à sa premiere batterie de 14 fabords, auroit néceffairement plus de longueur qu'un autre Vaiffeau de même rang, qui ne feroit percé que de 13 fabords; & ce que nous venons de dire d'un Vaiffeau de 74 canons, a fon application pour les autres. |