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trouve choqué il exige ou permet que l'on se retire chez

» soi. »

>> On ne peut lier l'une à l'autre deux idées plus disparates, mais on ne peut exprimer plus ingénieusement l'orgueilleuse indocilité de cette caste des nobles qui érigeait en règles ses caprices, qui mariait l'impudence aristocratique à la basse servitude de la cour, et qui dans son bizarre honneur trouvait le prétexte même de l'incivisme et de la désertion.

>> J'ai dit le mot, la désertion est un délit militaire; mais nos usages la condamnent et la commandent : elle est de la part du simple soldat un forfait; long-temps il y est allé de sa vie : elle est de la part du soldat-officier un jeu ; souvent il se fait de son infidélité un titre de gloire.

>> C'est le même fait, et il est apprécié diversement selon les personnes; c'est le même principe, et les conséquences sout diamétralement opposées! Que signifient donc dans l'identité de la chose cette distinction des hommes, cette rigueur et ce silence de la loi, ce nœud d'une obligation sociale qui s'étreint sur quelques têtes et se relâche sur quelques autres?

>> On s'accommodait de cette contradiction dans l'ancien régime; il n'était partout que contradictions. Auprès de ceux qu'il tenait à peine pour des hommes il guindait ceux qui étaient plus qu'hommes; il faisait naître les uns troupeaux, les autres conducteurs; il comptait ceux-ci; il ne voyait dans ceux-là qu'une masse.

» Vous avez placé sur ces disparates le niveau de la raison; l'influence de la loi doit se répandre également sur tous les points d'une surface dorénavant unie.

» Il me suffit d'avoir énoncé ma pensée ; la désertion est la violation d'un devoir absolu. Tous les soldats ont promis de servir la patrie: on a dû repousser ceux qui n'ont pas promis: ensuite tous doivent être fidèles, et il n'y a pour aucun une place où la peine de la défection ne doive pas l'atteindre,

>> Je ne vous occuperai pas plus long-temps de mes idées sur ce sujet; le comité a cru devoir faire de la désertion l'objet d'un travail et d'un rapport particuliers, et je m'abstiens d'une discussion prématurée.

» Mais il appartient à mon plan d'établir en principe gé

néral l'action uniforme de la loi militaire sur tous les individus de l'armée; et lorsqu'il s'agissait de se rattacher à la vérité il fallait bien jeter en arrière quelques regards sur les erreurs de l'ancienne législation.

» Je l'ai dit, et c'est encore ma conclusion, la loi militaire doit peser sans distinction sur toutes les têtes de l'armée; je propose d'effacer cette ligne qui avait été tracée comme entre des hommes de natures diverses pour consacrer de ridicules dispenses.

» Il ne me reste qu'une réflexion : la révolution n'est pas complète si elle ne s'opère pas dans l'armée ; et si la révolution n'est pas complète vous n'avez rien fait.

» Il s'agit de rouvrir ou de condamner à jamais la porte par laquelle entrèrent dans le corps politique la maladie de la noblesse héréditaire, la tyrannie et l'inégalité des droits. L'armée est le point central d'où l'orgueil praticien jetait ses rayons sur toute la surface de l'empire; c'est là que la Constitution doit étouffer le germe d'un préjugé barbare et dangereux pour elle.

>> Tous mes principes sont exposés; je cours aux détails où s'appliquent les conséquences.

S IV. Lorsque dans un pays libre on entretient une armée permanente, une obligation particulière lie les soldats sans les soustraire à la loi commune, qui n'admet aucune dispense.

» La loi militaire, subordonnée à la loi commune, est le développement du devoir militaire et du droit d'en punir la violation.

>> Le devoir militaire consiste dans l'action et a dépendance que les soldats doivent à la société.

» Il ne souffre pas d'exceptions; l'armée en masse doit agir et dépendre; chaque individu de l'armée doit agir et dépendre dans la place qu'il occupe.

» Enfin, d'après la nature de ce devoir subordonné, le droit d'en punir la violation n'atteint pas la vie et la propriété; il s'exerce sur la liberté et sur l'honneur.

» Tels sont mes résultats; je vais m'y conformer.

D'abord je retranche du code militaire tout ce qui appartient à la loi commune; il est nul où elle intervient.

» Ainsi le larcin, le viol, l'homicide ne sont pas des méfaits militaires interdits aux soldats comme soldats; si la loi militaire s'en ingère elle empiéte sur la loi commune, elle contrarie son action générale.

» On dirait, quand on étudie les ordonnances qui régissaient ci-devant notre armée, qu'elles instituaient une société particulière et indépendante.

» Elles sont grossies de dispositions étrangères aux devoirs militaires : il y en a qui ne sont que ridicules; il y en a qui

sont atroces.

» Par exemple, si les officiers civils sont offensés par des soldats il n'est pas dit expressément qu'il sera fait justice; il est dit qu'on peut se plaindre au ministre de la guerre, que le ministre peut ordonner quelque satisfaction : c'est proprement un brevet d'exemption de la police générale, car le ministre pourra et ne voudra pas.

» Cela s'entend des soldats officiers: la condition des autres est différente: on n'ose pas dire qu'ils sont au-dessus de la loi; mais pour que l'impunité dépende des chefs ce délit civil est renvoyé à des juges militaires: on a l'air de vouloir que l'ordre civil soit respecté, mais on en sépare les ́ moyens de maintenir le respect.

» Voici qui est plus singulier. Vous trouvez dans ces ordonnances des dispositions bien inattendues pour le code militaire; l'esprit de fiscalité y érige la contrebande en délit militaire; l'esprit de féodalité y ajoute la chasse et la pêche.

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Quand les rois tourmentent la terre, leur imbécille cagotisme pactise avec le ciel; ils s'arrogent la mission de venger Dieu; ils pensent l'apaiser par des sacrifices atroces : elles ne sont pas abrogées ces lois qu'on traiterait d'insensées si elles n'étaient pas abominables; ces lois qui rougissent le fer pour percer la langue du soldat blasphémateur, qui allument des bûchers pour dévorer le soldat profanateur, .comme s'il n'était pas réservé à Dieu de venger son offense, comme si dans le code militaire on devait transcrire l'institut d'une moinerie !

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» Le duel, reste de la féodalité, de la chevalerie et des guerres privées; le duel, né au sein des armes parmi des barbares pour qui la force était la justice; le duel lui-même n'est pas toutefois un délit militaire, car il renferme une violation du devoir social, et non une violation restreinte au devoir militaire.

» C'est à la loi commune qu'il faut abandonner le soin de guérir cette plaie invétérée de nos mœurs; contrariée par l'opinion, dont la force est irrésistible, elle seule doit entreprendre de convertir l'opinion, ruser pour ainsi dire avec un préjugé ombrageux, et faire à l'humanité par d'adroits détours une conquête qui échappe à des efforts directs.

» Je n'ai pas eu le dessein d'énumérer toutes les extensions que s'était permises le régime militaire; il me suffit de montrer qu'il empiétait ; c'est assez avoir retenu votre attention sur ce qui n'est pas sujet à la loi militaire; il est teinps de la fixer sur ce qui est de sa compétence.

» Il y a délit militaire quand le soldat ne satisfait pas au devoir spécial qui lui est imposé dans ces deux rapports d'action et de dépendance.

» Ce devoir est violé sous le premier rapport quand le soldat ne fait pas et quand il fait au contraire par omission et par commission, comme disent les théologiens et les jurisconsultes.

» Dans le premier cas le délit tient à la lâcheté ou à quelque inclination vile qui froisse la délicatesse de l'honneur militaire : la honte en est la peine naturelle.

>> Quelquefois il est compliqué de mauvaise volonté ; alors la honte n'y suffit pas; il faut que la peine rappelle au soldat que sa volonté n'est pas à lui.

» Dans le second cas la violation est plus directe; il y a révolte contre le devoir; le soldat revendique en quelque sorte et exerce pour lui l'action qu'il avait aliénée. La société a le droit de lui infliger une action plus dare, d'exiger ainsi qu'il répare autant qu'il est en lui le préjudice qu'elle a souffert.

» Voilà des idées générales: voici leur application, ou plutôt un aperçu de leur application.

» Celui qui n'accourt pas à la défense des drapeaux sous lesquels il est enrôlé, qui les abandonne au péril pour s'y soustraire, ou dont la basse avarice préfère le pillage à une honorable assiduité, celui-là ne mérite pas le nom de soldat.

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» Les anciennes ordonnances faisaient trop de compte d'e lui en le condannant à la mort Louis XIV le déclara ignoble et roturier: sa loi était, dans son expression comparati ́e, une insulte à l'armée; aux grenadiers, modèles de la bravoure; à la nation, qui dans les préjugés d'alors était roturière mais cette loi était raisonnée; elle était établie sur les convenances; elle appelait la honte, qui est l'opposé de l'honneur, là où l'honneur avait failli.

» Il ne faut pas d'autre peine pour cette espèce de délits; l'opinion couvre de la boue du mépris cet homme qui a menti quand il a dit je suis soldat. Que la loi suive et déclare l'opinion; qu'elle dépouille la couardise de l'habit emprunté sous lequel elle captait une approbation qui n'est due qu'au vrai soldat.

» Le soldat auquel un poste est confié viole son devoir s'il n'y veille pas, s'il n'accomplit pas la consigne, s'il abandonne le poste.

» J'ai déjà remarqué que selon l'ancien régime de l'armée le sommeil et la fuite d'une sentinelle étaient le même délit, puni de mort sans distinction d'aucune nuance.

» Je ne trouve pas de disposition absolue sur l'inobservation de la consigne; on a prévu la faculté de l'évasion laissée aux prisonniers consignés, et l'on s'est arrêté à ce cas particulier.

» Le soldat qui s'endort à son poste ou qui n'exécute pas la consigne est dans l'espèce des délits qui consistent à ne pas faire. Il se peut que ce ne soit pas précisément de la lâcheté; mais c'est une indolence qui en est voisine: il y a pourtant en cela quelque chose de plus que le nou faire, que la honte ne punirait pas assez, et qui demande une répression plus active.

» De plus la récidive a un autre caractère que le premier manquement, et en temps de guerre le tort est plus grave. qu'en temps de paix.

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