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Comment passer sous silence la tradition si populaire au moyen âge et toute scandinavique du Grand veneur de Fontainebleau, chasseur qui traverse, la nuit, cette forêt avec grand bruit de cors et de chiens, et dont l'apparition annonce toujours de grands malheurs. Ce grand veneur, qui se montra à Henri IV la veille de sa mort, et à Napoléon la veille de son abdication, c'est Odin, le dieu des Scandinaves, chevauchant à travers les airs avec grand fracas, à la tête de ses guerriers et des valkyries: c'est là l'origine de ce qu'on appelle la Chasse d'Odin.

Nous retrouvons encore Odin dans ce chasseur féroce condamné, pour avoir opprimé les hommes, maltraité les animaux et violé la sainteté du dimanche et la paix d'un ermitage, à chevaucher éternellement par les airs. Enfin, et ceci n'est pas le moins étonnant, dans ce personnage grotesque connu chez nous sous le nom d'Arlequin, qui retrouvons-nous encore? Odin. En effet, le personnage qui conduit la bande bruyante des esprits, s'appelle Helquin: Arlequin n'est que le même nom à peine altéré (1).

Revenant à la partie littéraire, nous voyons en Gaule, à l'époque de l'invasion franque, deux littératures en présence : la littérature païenne et la littérature chrétienne; la première ne fut pas de force à tenir contre la barbarie, et la barbarie l'étouffa en passant; la seconde, au contraire, résista. Un instant elle courba le front sous le flot barbare, mais il y avait en elle un principe de vie et d'avenir, et elle releva la tête quand Charlemagne lui tendit sa main puis

sante.

2.

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Petits poë

Disparition de la littérature païenne devant la littérature chrétienne. · mes satiriques. - Derniers débris de la littérature profane. Claudius - Marius Victor. Salvien. -Saint Avit ou Avitus.

Ennodius.

Saint Césaire.

Si

doine Apollinaire.

La littérature disparaît donc dans les Gaules au moment de ce débordement des barbares, ou, pour mieux dire, elle exhale ses derniers soupirs dans plusieurs petits poëmes ou espèces de satires appartenant à divers auteurs, et exprimant chacun à sa manière l'impression que firent les envahisseurs sur les âmes des Gallo-Romains du cinquième siècle.

Les principaux auteurs de ces petits poëmes sont : Claudius

(1) Ampère.

Marius Victor, rhéteur chrétien de Marseille; Salvien, né probablement à Cologne et élevé à Trèves, centre de la culture gallo-romaire dans le Nord; saint Avit ou Avitus, natif de Vienne vers la fin du cinquième siècle, à la fois écrivain ecclésiastique et poëte chrétien, l'auteur le plus remarquable du temps et que Milton a peut-être consulté pour faire son Paradis perdu; Ennodius, natif des Gaules, et plus tard évêque de Pavie, païen converti, auteur de confessions, de lettres, d'épigrammes, etc. Ennodius est principalement un évêque rhéteur. Il n'en est pas de même de saint Césaire, natif du territoire de Châlon-sur-Saône, d'une famille probablement obscure. Évêque comme Ennodius, il fut un évêque véritablement apôtre, et sa vie fut une prédication continuelle.

Après ces hommes remarquables, apparaît sur la scène Sidoine Apollinaire, personnage très-important et par les ouvrages qu'il composa, et par le rôle qu'il joua.

Né à Lyon en 430, Sidoine Apollinaire appartenait à une des familles les plus considérables de la Gaule méridionale, et son existence fut tout ensemble celle d'un grand seigneur et celle d'un bel esprit. Sidoine fut gendre de l'empereur Avitus, et par là se trouva l'allié des Avitus, nom considérable de l'Auvergne, illustré déjà dans l'Église par saint Avit, évêque de Vienne.

Sa vie comprend deux parties dans la première, il st païen et consacre sa plume à des œuvres toutes païennes; dans la seconde, il est chrétien et évêque, et s'efforce d'acquérir et de pratiquer les vertus nécessaires à son nouvel état.

Le moment où le nom de Sidoine Apollinaire commence à retentir hors du cercle de ses amis est celui de son début dans les panégyriques, début qui eut pour occasion l'avénement de son beau-père à l'empire.

Une fois entré dans la carrière du panégyrique, il ne s'arrêta plus: il en fit successivement pour Majorien, peut-être meurtrier de son beau-père, et pour Anthémius. Ces trois panégyriques ne sont pas cependant les seuls titres de Sidoine dans la littérature profane. Il avait composé, dans sa jeunesse, un bon nombre de poésies, dont quelques-unes nous ont été conservées : ce sont des impromptus de circonstance, ou des tours de force descriptifs.

Devenu évêque, Sidoine s'interdit sévèrement la poésie profane. Il abandonna même une histoire commencée de l'invasion d'Attila dans les Gaules: chose regrettable; car il n'est pas douteux

qu'il nous eût donné, à cet égard, des détails intéressants. Il publia, après sa promotion à l'épiscopal, des poésies dans lesquelles se trahissent, malgré la sincérité bien évidente de ses nouveaux sentiments, la légèreté et la gaieté de l'homme du monde et de l'homme de lettres d'autrefois. Il composa en outre quelques vers chrétiens.

Sur la fin de sa vie, persécuté par les rois goths, il fut, à ce qu'il paraît, dépouillé violemment de son rang ecclésiastique; mais il triompha de ces inimitiés, remonta dans sa chaire épiscopale, et y finit ses jours en 489, âgé d'environ soixante ans.

On ne voit pas seulement alors des littérateurs profanes et des littérateurs chrétiens, on trouve aussi des écoles chrétiennes en présence des écoles profanes. Dans ces dernières, on enseignait la philosophie, un peu de mathématiques et d'astronomie; on y étudiait aussi la rhétorique, science qui comprenait à peu près tout ce que nous désignons aujourd'hui sous le nom de belles-lettres.

-

3.

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Écoles chrétiennes. Leur influence. Leur division. Leur enseignement. — Saint Grégoire de Tours. -Son histoire. Frédégaire. Son histoire. - Fortunat. - Épithalame de Sigebert et Brunehaut. - Poëme sur Galswinde. Pange, lingua Vexilla regis. Vie de saint Martin en vers. Disparition de la littérature romano chrétienne. Septième et huitième siècles. - Gesta Francorum. Gesla Dagoberti.

Les écoles chrétiennes s'élevèrent précisément au moment où disparaissaient les écoles profanes. Elles eurent une influence immense sur le développement de l'esprit dans les âges suivants. Ces écoles se divisaient en deux classes: les écoles épiscopales et les écoles monastiques. Les premières étaient plutôt des séminaires que des écoles proprement dites; elles étaient particulièrement destinées à fournir aux besoins de l'église et de l'évêque ; on s'attachait surtout à y former des lecteurs et des chanteurs pour l'office divin.

Il n'en était pas de même des écoles monastiques. On y étudiait l'Écriture et même aussi les lettres profanes. La règle prescrivait en plus de copier les manuscrits et de s'exercer au chant; il fallait donc savoir lire, écrire et chanter.

Toutefois, à cette époque, la littérature profane est en pleine décadence dans les Gaules; on ne trouve plus çà et là que quelques patriciens ou riches propriétaires gaulois qui conservent le goût des lettres. La littérature chrétienne n'est pas non plus très

florissante; quoique en présence de l'arianisme, le catholicisme aspirait moins à triompher par les disputes théologiques que par les armes. Il était difficile que l'Église ne participât pas, dans un certain degré, à la contagion dont était imprégnée l'atmosphère barbare dans laquelle elle vivait. Voilà où en étaient les lettres et l'Église quand Grégoire de Tours vint au monde.

George Florent Grégoire, que nous appelons Grégoire de Tours, naquit en Auvergne, en 539. Il appartenait à une famille patricienne, à une famille de sénateurs et d'évêques. Attiré dans sa jeunesse au tombeau de saint Martin de Tours par la dévotion générale et par une dévotion particulière, il se fait connaître avantageusement; et quelques années après, le siége de Tours étant devenu vacant, il est appelé à le remplir par les suffrages unanimes. Il avait été élevé dans la ville d'Avernum par un oncle évêque, et avait reçu dans cette ville une éducation littéraire.

Le langage de Grégoire de Tours est barbare, mais c'est plutôt par mépris pour les artifices de la parole que par ignorance. Il connaissait assez bien l'antiquité. Devenu évêque, il conserva sur le saint-siége cette indépendance et cette dignité qu'on chercherait vainement ailleurs que chez un prélat chrétien; le barbare Chilpéric et l'artificieuse et cruelle Frédégonde le trouvèrent inébranlable. C'est en 595 qu'il termina sa vie, agitée par bien des luttes et traversée par bien des dangers qu'il avait souvent surmontés par son courage et quelquefois évités par sa prudence.

La barbarie était un trop grand événement pour n'être pas racontée; il lui fallait un historien: elle en eut un dans Grégoire de Tours.

Grégoire de Tours a intitulé son livre Histoire ecclésiastique des Francs. Il commence avec le monde; il remonte à l'origine des choses pour arriver à son temps. Ainsi firent par la suite un grand nombre de chroniqueurs du moyen âge : cette marche tient à l'ensemble des idées chrétiennes, qui permettent de rattacher les temps à leur origine, l'histoire d'un siècle ou d'un peuple à l'histoire de tous les siècles et de tous les peuples.

La narration de Grégoire de Tours est d'une grande simplicité, mais d'une simplicité qui n'est pas sans abondance; son histoire a, pour le ton et le caractère, quelque analogie avec la légende. Grégoire de Tours avait écrit sept livres de miracles et un livre sur la vie des Pères. Il nous reste son traité de la Gloire des Confesseurs.

Après Grégoire de Tours, l'histoire, que sa main rude et forte

avait soulevée un moment au-dessus de la chronique, y retombe immédiatement.

Frédégaire, qui vient après, se débat en vain contre l'abrutissement de son siècle; en vain il proteste contre et le déplore en ces termes :

« Le monde vieillit; c'est pourquoi la sublimité de la science tombe parmi nous. Il n'y a plus personne parmi nous qui puisse << atteindre à la manière d'écrire des anciens orateurs. Aussi personne n'en a la présomption. »

Cet abrutissement qu'il signale gagne son style et sa pensée. Il se donne pour un continuateur indigne de celui qui l'a précédé, et il a bien raison.

La chronique de Frédégaire se divise en cinq livres. Les trois premiers ne sont qu'une compilation, et finissent à la mort de Bélisaire, en 561. Le quatrième, qui se termine à lamort de Chilpéric, 584, est un abrégé des six premiers livres de saint Grégoire. Le cinquième livre renferme la continuation de cette histoire jusqu'à l'année 641. C'est un morceau précieux, et le seul monument historique où se trouvent rapportés avec quelque étendue les règnes de Clotaire II, Dagobert Ier et Clovis II. Ces renseignements sont à peu près le seul mérite de Frédégaire. On conjecture qu'il naquit en Bourgogne et qu'il vivait encore en 658.

Après lui, l'histoire est morte jusqu'à Charlemagne. On rencontre bien encore çà et là quelques lambeaux historiques, quelques chroniques arides, quelques nomenclatures de faits et de dates; mais rien qui ait vie historique. Pourquoi donc l'histoire n'existet-elle plus? il faut bien l'avouer, c'est qu'il n'y a plus rien à

raconter.

De même que l'histoire meurt avec Frédégaire, la poésie expire dans la Gaule entre les mains de Fortunat, et encore ce Fortunat n'est-il pas Gaulois, mais Italien.

D'Italie, Fortunat vint en Gaule, et s'arrêta auprès de Sigebert. Ce prince, comme la plupart des rois mérovingiens, avait un certain goût pour les lettres latines, et se piquait de les protéger. Il débuta à la cour de Sigebert par un épithalame à l'occasion du mariage de ce prince avec Brunehaut, fille d'Athanagilde, roi des Visigoths d'Espagne. Après être resté quelque temps à la cour d'Austrasie, Fortunat, las probablement des objets de ses éloges, s'avança vers le Midi jusqu'à Tours, pour visiter le tombeau de saint Martin à la protection duquel il croyait devoir une guérison. Là, il fut retenu par sainte Radegonde; et c'est près

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