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pension que me fait la reine; il est juste qu'elle m'en daigne faire payer quelques années, puisque monsieur son mari m'a ôté mes rentes, contre le droit des gens. La difficulté n'est plus que de faire présenter à la reine un placet; je ne sais ni à qui il faut s'adresser, ni qui paie les pensions de cette nature. Je soupçonne seulement que M. Brossoret, secrétaire des commandemens, a quelque voix en chapitre; mais je lui suis inconnu. Je crois que M. Pallu est de ses amis et pourrait lui parler.

Mais, mon cher Thieriot, les obligations que j'ai déja à M. Pallu me rendent timide avec lui; irai-je encore importuner pour des graces nouvelles un homme qui ne devrait recevoir de moi que des remerciemens? La vivacité avec laquelle il s'intéresse à ma malheureuse affaire ne sortira jamais de mon cœur '. Cependant, j'ai été trois ans sans lui écrire, comme à tout le reste du monde. On n'a pu arracher de moi que des lettres pour des affaires indispensables. Je me suis condamné moimême à me priver de la plus douce consolation que je puisse recevoir, c'est-à-dire du commerce de ceux qui avaient quelque amitié pour moi.

Ma misère m'aigrit et me rend plus farouche. Irai-je donc, après trois ans de silence, importuner, pour une pension, des personnes à qui je suis déja si redevable?

C'est à vous, mon cher enfant, à conduire cette affaire comme vous le jugerez convenable. Je vous remets entre les mains des intérêts que j'aurais entièrement oubliés

sans vous.

Si vous savez des nouvelles de M. de Maisons, de M. de Pont-de-Vesle, de M. Berthier, de M. de Brancas, mandez-moi comment ils se portent. C'est toujours une

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Son affaire avec le chevalier de Rohan. (Ed. de Kehl.)

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moi de savoir que les personnes que

consolation pour moi de savoir

j'honore le plus sont en bonne santé.

Surtout, quand vous verrez M. Pallu, assurez-le que ma reconnaissance n'en est pas moins vive pour être

muette.

Vos Mémoires de Mademoiselle ne font pas d'honneur au style des princesses. Adieu.

XCVII.

A M. THIERIOT.

Fin de décembre.

Mon cher ami, je vous dis d'abord que j'ai retiré Brutus. On m'a assuré de tant de côtés que M. Crébillon avait été trouver M. de Chabot, et avait fait le complot de faire tomber Brutus, que je ne veux pas leur en donner le plaisir. D'ailleurs je ne crois pas la pièce digne du public; ainsi, mon ami, si vous avez retenu des loges, envoyez chercher votre argent.

M. Josse, qui vous rendra ce billet, imprime actuellement le Belier, de feu M. Hamilton. Il voudrait avoir quelques pièces fugitives du même auteur. Si vous en avez quelques unes, vous me ferez plaisir de les communiquer.

J'ai montré vos papiers à M. de Maisons; il dit qu'il faut qu'il vous parle. Je ne sais point de pays où les bagatelles soient si importantes qu'en France. Adieu, mon cher enfant. Vale.

'Mémoires de mademoiselle de Montpensier, dite Mademoiselle, fille de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. R.

XCVIII.

A M. THIERIOT.

Décembre.

Vous êtes prié, demain jeudi, de venir dîner dans mon trou. Je fais demain le rôle de Ragotin. Je donne à dîner aux comédiens, et je récite mes vers. Vous trouverez des choses nouvelles dans Brutus, qu'il faut que vous entendiez. D'ailleurs il n'est pas mal que vous buviez, with those who gave you your entrance free.

M. de La Faye, que je rencontrai ces jours passés à la comédie, me dit qu'il voulait bien en être. J'ai donné une lettre au porteur pour lui; mais je ne sais pas son adresse: je vous prie de l'écrire.

XCIX.

A M. DE FORMONT.

Ce jeudi....... 1730.

Je serais un homme bien ingrat, monsieur, si en arrivant à Paris je ne commençais pas par vous remercier de toutes vos bontés. Je regarde mon voyage de Rouen comme un des plus heureux événemens de ma vie. Quand nos éditions se noieraient en chemin, quand Ériphile et Jules César seraient sifflés, j'aurais bien de quoi me dédommager, puisque je vous ai connu. Il ne me reste plus à présent d'autre envie que de revenir vous voir. Le séjour de Paris commence à m'épouvanter. On ne pense point au milieu du tintamarre de

cette maudite ville.

Carmina secessum scribentis et otia quærunt.

(OVID. I, Trist. 1, 41.)

Je commençais un peu à philosopher avec vous; mais je ne sais si j'aurai pris une assez bonne dose de philosophie pour résister au train de Paris. Puisque vous n'avez plus soin de moi, ayez donc la bonté de donner à Henri IV les momens que vous employiez avec l'auteur. J'aurais bien mieux aimé que vous eussiez corrigé mes fautes que celles de Jore. Vous êtes un peu plus sévère que M. de Cideville; mais vous ne l'êtes pas assez. Dorénavant, quand je ferai quelque chose, je veux que vous me coupiez bras et jambes. Adieu; je ne vous mande aucune nouvelle, parce que je n'ai pas encore vu et même ne verrai de long-temps aucun de ces fous qu'on appelle le beau monde. Je vous embrasse de tout mon cœur, et me compte quelque chose de plus que votre très humble et très obéissant serviteur; car je suis votre ami, et vous suis tendrement attaché pour toute ma vie.

C.

A M. THIERIOT. (A Londres.)

'Lectori me credere malim

Quam spectatoris fastidia ferre superbi.

Novembre.

Je vous envoie la Henriade, mon cher ami, avec plus de confiance que je ne vais donner Brutus. Je suis bien malade; je crois c'est de peur.

que

Je vous envoie aussi une cargaison de lettres, dont je prie mademoiselle Sallé de vouloir bien se charger. Toutes les autres qu'elle a eues sont des lettres de recommandation; mais pour moi, je la prie de me recom

• Verum age, et his qui se lectori credere malunt,

Quàm spectatoris fastidia ferre superbi,

Curam redde brevem.

(HoR., l. 11, ep. 1.)

mander, et je n'ai point trouvé de meilleur expédient pour faire ressouvenir les Anglais de moi, que de supplier mademoiselle Sallé de leur rendre mes lettres. Je vous prie cependant de lui dire qu'elle ne manque pas de voir M. Gay, dont M. Kich lui apprendra sans doute la demeure. Il faut que M. Gay la présente à la duchesse de Queensbury, qui est sans contredit la personne de Londres la plus capable de lui ameuter une faction considérable. Madame la duchesse de Queensbury n'est pas trop bien à la cour; mais mademoiselle Sallé est faite pour réunir tous les partis. Madame de Bolingbroke pourra aussi la servir vivement, et surtout auprès de madame de Queensbury. Que ne puis-je être à Londres cet hiver! je n'aurais d'autre occupation que d'y servir graces et la vertu.

les

Adieu; je vous embrasse de tout mon cœur,

CI.

A MADEMOISELLE GAUSSIN.

12 décembre.

Prodige, je vous présente une Henriade; c'est ur ouvrage bien sérieux pour votre âge; mais qui joue Tullie est capable de lire, et il est bien juste que j'offre mes ouvrages à celle qui les embellit. J'ai pensé mourir cette nuit, et je suis dans un bien triste état; sans cela, je serais à vos pieds pour vous remercier de l'honneur que vous me faites aujourd'hui. La pièce est indigne de vous, mais comptez que vous allez acquérir bien de la gloire en répandant vos graces sur mon rôle de Tullie. Ce sera à vous qu'on aura l'obligation du succès. Mais pour cela souvenez-vous de ne rien précipiter, d'animer tout, de mêler des soupirs à votre déclamation,

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