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derniers mots pourraient servir d'épigraphe aux Historiettes. Tallemant avait emprunté son surnom des Réaux d'un petit village de l'Angoumois qui a peut être été le lieu de sa naissance. Se voyant parvenu à une assez belle fortune, il désira de porter le nom d'un lieu qui lui appartînt, et vers l'année 1650 il acheta, moyennant cent quinze mille livres, la châtellenie du Plessis-Rideau, située dans le val de Loire, en Touraine, paroisse de Chouzé; puis, s'étant pourvu en chancellerie, il obtint, le 11 juin 1653, des lettrespatentes, enregistrées au parlement, portant qu'il lui seroit loisible de commuer le nom de la terre et châtellenie du Plessis-Rideau, et que dorénavant et à perpétuité elle seroit appelée les Réaux (22). Cette terre, sortie de la famille Tallemant à l'époque de ses désastres, est depuis longtemps la propriété de M. Taboureau des Réaux. L'acquisition de cette propriété donna lieu à un procès entre des Réaux et le docteur Antoine Arnauld sur des droits de justice, et Patru rédigea, dans l'intérêt de son ami, un factum qui est dans ses œuvres (23). Des nuages s'étaient élevés entre les deux époux, et Mme des Réaux avait quitté le domicile commun pour se retirer à l'abbaye de Bellechasse. Les causes de cette mésintelligence ne seront peut-être jamais connues; cependant le malheur avait pu les aigrir; ils avaient perdu leurs deux filles qui seules auraient pu resserrer leurs liens, et d'affreux désastres les avaient frappés. Le fait de cette

(22) Registres du Parlement de Paris, 4e vol, des Ordonnances de Louis XIV. M, M. M.. fol. 235, vo.

(23) OEuvres de Patru, 3o édit., Paris, 1714, in-4°.

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séparation résulte d'une lettre de Mme des Réaux adressée à un personnage important chez lequel elle s'était plusieurs fois présentée sans obtenir audience; on y lit ce passage: «Une femme qui est mal avec ⚫ toute sa famille, et qui doit répondre de sa conduite à tant de gens, « ne peut sortir d'un monastère « sans donner quelque prise sur elle (24). La lettre est datée de l'abbaye, du 14 août, sans que le millésime de l'année soit indiqué. Tallemant des Réaux est à la fois poète et historien. Il ne nous est parvenu qu'une faible partie de ses œuvres poétiques, car cet homme singulier, que Maucroix présente cependant comme glorieux et avide de louanges, semble n'avoir cherché qu'à dissimuler son existence et ses ouvrages à la postérité. Poète facile et délicat, il n'a pris aucun soin de réunir et de conserver les inspirations de sa muse, et il a presque défendu aux siens de publier ses Historiettes; toutes ses complaisances d'auteur étaient réservées pour l'Histoire de la Régence, qu'il se proposait d'écrire, et dont les Historiettes n'étaient, pour ainsi dire, que les rognures; et tout porte à croire que cet ouvrage qui, sorti de sa plume, aurait été d'un si grand intérêt, sera resté à l'état de projet, ou que, s'il a été composé, le manuscrit en aura été pèrdu; car toutes les bibliothèques de Paris et des départements ont été compulsées, et les recherches les plus étendues n'ont rien produit. Nous ne pouvons indiquer de des Réaux, comme poète, que de petites pièces fugitives épar

(24) Catalogue analytique des autographes provenant de la bibliothèque du bibliophile Jacob. Paris, Techener, 1840, in-4o, p. 40.

ses çà et là. On a de lui, pour la Guirlande de Julie, le madrigal sur la fleur du lis, dont la conservation est due à son insertion dans le chef-d'œuvre de calligraphie dû à la plume de Jarry. Nous avons découvert, à la bibliothèque de l'Arsenal, un sonnet composé, écrit et signé par des Réaux, dans lequel il invite Conrart à se réunir à une pléiade de poètes-amis, appelés à célébrer avec lui les agréments et les vertus d'Amaranthe (Mme d'Harambure, cousine de l'auteur), qui venait de succomber à une maladie de langueur (25). Notre Parnasse a dû s'en émouvoir. Cependant Maynard est, à notre connaissance, le seul poète qui ait répondu 'à l'appel de des Réaux par un sonnet inséré dans ses œuvres (26) qui commence par ces vers:

O malice du sort! ô crime de la Parque!

Aimable Tallemant, ta sœur nous a quittés,
Et le pâle nocher a passé dans sa barque
L'ornement des vertus et la fleur des beautés!

On a encore de des Réaux les deux épitaphes de Patru, celle de Perrotd'Ablancourt, et l'épître au P. Rapin. Tallemant a parlé d'une autre épître en vers, adressée à Quillet, l'auteur de la Callipédie (27). Cette pièce, perdue, ainsi que beaucoup d'autres poésies légères échappées à sa muse, seront retrouvées avec plus de facilité maintenant que des Réaux n'est plus au rang des inconnus. C'est surtout comme historien et comme prosateur d'un style original et d'une manière à lui, qu'il prendra dorénavant, parmi nos écrivains, la place

(25) Voir le Mss 151, in-8°, I, 891. Bell. Lettr. françaises.

(26) OEuvres de Maynard. Paris, 1646, in-4°, p. 25.

(27) Daus l'Historiette du cardinal de Richelieu.

qui lui appartient. Ses Historiettes, curieux et piquants mémoires historiques, littéraires, souvent facétieux, sont l'œuvre d'un esprit fin, délicat et railleur, qui apprécie avec justesse et juge avec sévérité les écrits, les actions et les travers de ses contemporains: rois, princes, prélats, courtisans, ministres, poètes, femmes célèbres, galantes ou singulières, personne n'échappe à son coup d'œil observateur. Né dans une condition obscure, il signale avec complaisance les vices et les ridicules des personnages placés audessus de lui. Il prend un malin plaisir à révéler l'origine des gens partis de bas, élevés par la fortune, dont il semble prévoir la chute avec une sorte de complaisance. Enclin à un certain libertinage d'esprit, il soulève quelques-uns des voiles sous lesquels s'abritent les désordres de son temps; il le fait avec d'autant moins de ménagement, qu'il n'écrit pas pour le public; c'est ainsi qu'il s'en explique dans son introduction. . Je prétends dire le bien et le inal, << sans dissimuler la vérité et sans me « servir de ce qu'on trouve dans les historiens et les mémoires imprimés. Je le fais d'autant plus librement que je sais bien que ce ne sont pas choses à mettre en lumière, quoique peut-être elles ne << laissassent pas d'être utiles; je donne cela à mes amis, qui m'en prient il y a longtemps. Tallemant s'attache surtout à peindre la vie et les mœurs de la bourgeoisie, dont on ne connaissait guère que des traits épars dans des mémoires et des lettres missives, dans quelques romans et les poètes comiques. Il a révélé bien des traits inconnus; mais ce qu'il a peut-être offert de plus neuf, c'est cette bonne madame Pi

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lou, cette dame Cornuel de bas étage, avec ses bons mots et ses brusques reparties, fille,(femme, veuve de procureur au Châtelet, qui, avec son franc parler et son rude bon sens, disait aux grandes dames leurs vérités, s'en faisait craindre et était reçue au Louvre malgré l'étiquette, et que la reine Anne d'Autriche considérait au point qu'apprenant qu'elle était malade, et passant devant sa petite maison de la rue Saint-Antoine, elle faisait arrêter pour s'informer de ses nouvelles. Où rencontrer des détails plus neufs et plus curieux sur l'hôtel de Rambouillet et sur les personnes qui le fréquentaient? Où auraiton trouvé, avant la publication des Historiettes de Tallemant, les récits de ces fêtes mythologiques imitées des anciens, données avec tant de goût par l'illustre marquise et ses filles au milieu des roches de Rambouillet, ces magnifiques accidents de la nature auxquels Rabelais avait déjà attaché son nom? Voiture, Balzac, Malherbe, Gombault, Chapelain, Conrart, et tant d'autres littérateurs, y sont peints d'après nature; La Fontaine et Pascal y sont seulement esquissés; Miles Paulet, Ninon, Marion de Lorme paraissent aussi dans cette galerie sous de nouveaux aspects. Mais il faut s'arrêter; une notice biographique a des bornes que nous ne devons pas franchir. Le manuscrit autographe des Historiettes de Tallemant des Réaux et les deux portefeuilles dont on a eu l'occasion de parler dans cette notice ont fait partie, pendant plus d'un siècle, de la riche bibliothèque de M. Trudaine. Ils paraissent y avoir été apportés par Renée-Madeleine Rambouillet, petite nièce de madame veuve des Réaux, qui épousa en 1701 Charles Trudaine de Montigny, depuis

prévôt des marchands. Me de Mon tigny hérita, au moins en partie, de madame des Réaux, dans la succession de laquelle se seront trouvés les papiers de son grand oncle. La bibliothèque Trudaine a été vendue en 1803, sur le catalogue dressé par le libraire Bluet, et le manuscrit de Tallemant, porté sous le n° 1677, fut adjugé à M. le marquis de Châteaugiron, notre honorable ami, dont nous déplorons la perte encore récente. Les Historiettes ont été publiées par trois éditeurs qui en partagèrent entre eux le fardeau; ce furent MM. de Châteaugiron, Jules Taschereau et de Monmerqué, rédacteur de cette notice. L'édition parut en 1835, chez Le Vavasseur, en 6 volumes in-8°. On joignit au 6o volume une Vie anonyme de Costar et de l'abbé Pauquet. Des lettres de mademoiselle de Scudéry à M. Godeau, évêque de Vence, sur plusieurs événements de la Fronde, y furent aussi ajoutées. La notice sur Tallemant des Réaux, par M. de Monnierqué, et la table des matières ne parurent qu'en 1836. Cette édition nc tarda pas à être épuisée, et une 2e édition, augmentée de beaucoup de passages inédits, négligés dans la 1re, parut chez Delloye, en 1840, en 10 volumes petit in-12, ornés de 10 portraits gravés. Cette édition, donnée par M. de Monmerqué sans le concours de ses collaborateurs à la 1re édition, ne contient point la Vie de Costar, ni les Lettres de Mlle de Scudéry. Le libraire devait y joindre une table des matières, mais ce soin fut négligé. Les Historiettes contiennent tant de noms célèbres ou obscurs; il y est parlé de tant de choses que, malgré tous les soins apportés aux notes et éclaircissements dont les

deux éditions sont enrichies, les recherches faites depuis leur publication ont encore éclairci un grand nombre de passages, et le besoin d'une 3e édition commence à se faire sentir. L'éditeur s'est adjoint pour ce travail un de ses plus honorés confrères de l'Académie des inscriptions; si ce livre paraît, ce sera sous les deux noms. Des Réaux parle, dans l'historiette de Voiture, d'un commentaire qu'il avait fait sur ce spirituel écrivain. Un exemplaire de la 5e édition de Voiture, Paris, Courbé, 1656, a été trouvé à la bibliothèque de l'Arsenal. Il y est catalogué sous le no 20595, B, Lettres françaises. Les notes paraissent être de la main de Tallemant; elles sont peu nombreuses, mais elles appartiennent à notre écrivain et contiennent souvent des passages de ses Historiettes avec ou sans variantes. Ce commentaire est bien son œuvre. Ce vol. a servi pour le travail de la 2e édition.

remarquable, c'est qu'il avait pour aïeule maternelle la célèbre princesse des Ursins qui garantit si heureusement Philippe V des tentatives d'usurpation du duc d'Orléans, aïeul de Louis-Philippe. Mis en nourrice, dès sa naissance, dans un faubourg de la capitale, il y essuya un accident qui le rendit boiteux pour le reste de sa vie, et le priva de son droit d'aînesse en le forçant de renoncer à la profession des armes qu'il devait embrasser, et d'entrer dans celle de l'Église qui convenait moins à ses goûts. On a dit que toutes ces circonstances contribuèrent à la désaffection de sa famille, ce que nous avons de la peine à croire de la part de parents d'ailleurs estimables. Ce qu'il y a de sûr, c'est que le souvenir de ces rigueurs avait laissé dans son esprit de fâcheuses impressions, et qu'il n'en parlait qu'avec amertume, ne pouvant se rappeler sans en être ému qu'il n'avait jamais couché sous le toit paternel. A peine sorti des mains de sa nourrice, on l'avait envoyé au collège d'Harcourt, où il passa plusieurs années, puis au séminaire de Saint-Sulpice et enfin à

avoir été un nom de terre, s'écrivait autre

fois Taleran, Taleiran,ou Tailleran. C'est un

surnom que prirent, au commencement du XIIe siècle, plusieurs seigneurs de la famille des comtes souverains du Périgord, quire

M.-É. TALLEYRAND de Périgord (CHARLES-MAURICE), évêque d'Autun, célèbre diplomate et l'un des principaux auteurs de nos révolutions, doit, sous ces divers rapports, tenir une grande place dans l'histoire. Resserrés dans un cadre étroit, nous en sortirons autant que cela sera né cessaire pour ne rien omettre, pour donner une étendue suffisante à la Vie d'un homme qui, pendant un demi-monte par les mâles jusqu'à Boson Ier, siècle de révolutions et de guerres, mêlé à tous les événements, eut sur les plus importants une grande influence. Il était né en 1754, à à Paris, de l'une des familles les plus illustres de l'ancienne France (voy. les p. 248 et suiv., tom. XLIV, et la note ci-dessous) (1). Ce qui est assez

comte Charroux ou de La Marche. Hélie V, dit Talleyrand, déjà comte de Périgord l'an 1116, après son père Boson III, est un des premiers qui aient porté ce surnom.Son troisième fils, Hélie de Talleyrand, fut le chef de la branche des comtes de Grignols, devenus princes de Challais et de Talley

rand. Les comtes de Périgord furent les successeurs d'Hélie V, après l'extinction de la race des anciens comtes de Périgord, La branche cadette, connue sous le nom de princes, puis de comtes de Grignols, et enfin de princes de Chalais et de Talleyrand, a (1) Talleyrand, qui paraft originairement continué jusqu'à nos jours,

la Sorbonne, où il fut le disciple des abbés Manney et Bourlier, que plus tard son crédit fit asseoir sur les siéges de Trèves et d'Évreux. Sans être brillantes, ses études annoncèrent un esprit supérieur. Ainsi il fut aisé de voir que, doué de beaucoup de sagacité et de souplesse, s'il ne devait pas être un savant, un profond théologien, i annonçait du moins un politique habile, un diplomate astucieux. En quittant la Sorbonne, il se rendit à Strasbourg, où il suivit pendant quelques mois le cours de droit du professeur Koch; puis il alla finir ses études de théologie à Reims auprès de l'archevêque son oncle. Mais ce prélat était un homme grave, sévère et dont les leçons devaient bientôt déplaire au jeune abbé d'un caractère passionné et déjà imbu de toutes les doctrines irréligieuses de l'époque. Il ne resta donc à Reims que le moins de temps qu'il lui fut possible, et il était à peine âgé de 20 ans, qu'il accourut dans la capitale, où il augmenta le nombre de ces jeunes abbés dont le caractère et les mœurs peu édifiantes contrastaient si étrangement avec la gravité, les vertus simples et modestes de ce vénérable clergé du presbytère et du cloître que le monde admira long-temps, que la révolution a si horriblement persé cuté !

Ne voulant pas imiter ces historiens qui ne croient pouvoir fixer les regards du public s'ils ne mêlent à leurs récits quelques fictions, quelques faits romanesques, nous dirons sans ménagement, mais sans exagération, que l'abbé de Périgord fut un des hommes les plus vicieux, les plus corrompus de son temps. Dans les Mémoires secrets, dans toutes les chroniques de l'époque, on trouvera

des faits à l'appui de cette assertion; mais il faut comprendre que parmi ces faits il en est d'exagérés, même de calomnieux, que répètent aujour

d'hui sans examen et sans discernement des écrivains qui ne savent pas qu'à cette époque, dans la position d'un ecclésiastique du premier rang, appelé à de très hautes fonctions comme l'était l'abbé de Périgord, il eût été impossible que de pareilles fautes restassent impunies; qu'elles auraient à l'instant même et pour toujours renversé ses espérances de fortune, ce qui ne lui fut jamais indifférent. Nous ne citerons en preuve que la fable des trois filles d'un chevalier de Saint-Louis que leur mère, devenue veuve, élevait du travail de ses mains, et qui auraient été presque en même temps victimes de l'abbé de Talleyrand à peine âgé de quinze ans. Selon quelques biographes, deux de ces trois sœurs seraient mortes de douleur, et la troisième serait devenue folle; mais toutes auraient été vengées par leur frère, officier suisse qui, à l'instigation d'une autre victime des séductions de Charles-Maurice, lui aurait fait donner, le poing sous la gorge, une somme de cent mille francs qu'il ne possédait pas! et puis, la famille du jeune abbé, mécontente, aurait obtenu contre lui des lettres de cachet qui auraient été suivies d'un emprisonnement à la Bastille, puis à Vincennes, d'où il ne serait sorti qu'en trompant un ecclésiastique chargé de le surveiller. Il y a dans tout cela un caractère d'inven tion et de roman qui est bien dans le goût de notre époque, nous le savons assez, mais qui ne doit pas convenir à de sérieux historiens. Hélas! il y a dans la vie de cet homme assez de turpitudes, assez de faits honteux

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