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paroles qu'ils répètent de mémoire. Néanmoins l'intelligence y est pour quelque chose, et le cœur qui a ses besoins, ne manque pas d'y trouver quelque nourriture. La conscience y a aussi ses directions; mais, il faut oser le dire avec la liberté chrétienne, nous les rattacherions plus volontiers aux deux grands préceptes de l'Évangile qu'aux deux tables de Moïse, qui ne sont pas tout notre Code 1, et qui ne doivent pas l'être.

Et que fera le Cours de langue à l'égard de cette instruction que ses élèves ont reçue sous le toit paternel? Voudrat-il l'ignorer? Pensera-t-il tout recommencer à neuf, partir des tout premiers éléments, parcourir ensuite toute la chaîne logique, et arriver après un si long voyage au point où les écoliers sont parvenus depuis longtemps par un chemin beaucoup plus court, et beaucoup mieux assorti à leur faiblesse intellectuelle, faiblesse qui a son remède naturel dans la foi?

Quant à la langue nous rattachons nos leçons à ce qu'ils nous apportent, et pourquoi n'en ferions-nous pas de même par rapport à l'instruction directe que nous leur destinons? De part et d'autre nous chercherons à développer, motiver et perfectionner ce qui aura été préparé par la tradition. Ce sera prendre l'enfance dans la position où elle se se trouve, comme cela doit être dans l'éducation; ce sera nous mettre en accord avec elle, ainsi qu'avec les pères et mères qui, s'ils pouvaient ne pas être chrétiens pour eux personnellement, veulent néanmoins l'être pour leurs enfants. Si nous étions assez mal inspirés pour vouloir sur ce point nous rendre aux exigences systématiques, afin d'éviter toute anticipation, nous nous mettrions en pleine discordance avec le passé et le pré

sent.

Souvenons-nous que par la foi chrétienne, bien que très-imparfaitement saisie à leur âge, nos élèves se trouvent par leurs pensées beaucoup au-dessus de l'antiquité

Voyez le Sermon de la montagne, en saint Matth. Chap. v et suiv.

païenne et de quelques grandes nations qui couvrent une partie du globe, pour ne rien dire de tant de sauvages encore étrangers aux lumières de la civilisation. Eh quoi ! pour ne pas anticiper sur des preuves qui viendront plus tard, d'après la portée croissante des élèves, le Cours de langue ne s'adresserait point à la foi qu'ils portent dans leur sein, et les traiterait, comme si le flambeau de l'Évangile ne les eût pas éclairés ! Encore une fois, il faut les prendre où ils sont pour les conduire plus loin. Le Cours de langue peut le faire, et le pouvoir est ici la mesure du devoir.

Aurions-nous besoin de dire que cette foi traditionnelle doit, sous le rapport des mœurs, servir d'ange tutélaire à nos enfants dans la route de la vie qui s'ouvre de plus en plus devant eux? Mais on craint les fausses idées qu'ils pourraient se faire sur les choses divines, si on leur en parle à leur âge. Nous aussi, nous craignons les erreurs, surtout à l'égard d'un semblable sujet; mais c'est précisément pour cette raison qu'utilisant la foi, nous voulons anticiper sur le temps où nous pourrons convenablement motiver ce qu'elle enseigne. Comme notre Cours de langue n'a pas affaire à des élèves tels que l'Émile du roman et le jeune Sintenis de la réalité, mais à des enfants qui ont reçu de leur famille et de leur voisinage beaucoup d'idées morales et religieuses vraies ou fausses, nos leçons s'attacheront à ces antécédents, pour fortifier les unes et dissiper les autres. Pour la forme notre instruction directe ne sera pas un système suivi, comme dans les sciences exactes; cependant avec nos moyens, nous n'obtiendrons pas moins dans la manière de penser de nos enfants la clarté, la liaison, la conséquence que l'on nous demande.

§ II. Seconde classe.

Les objections auxquelles nous allons répondre s'attaquent au fond de notre sujet. Les unes blâment la réunion de notre instruction directe avec les leçons de

langue comme une profanation des choses saintes, d'autres le développement intellectuel que nous avons en vue.

Alliage de l'instruction directe et des leçons de langue.On lui a d'abord reproché un empiétement sur le ministère saint, attendu qu'il n'appartient qu'à lui seul d'enseigner les vérités évangéliques. Ce blâme m'a paru d'autant plus étrange, que nos catéchismes recommandent aux pères et mères ce même enseignement comme le devoir le plus sacré envers leurs enfants, tandis que les prédicateurs accusent de la plus coupable négligence tous ceux qui ne s'empressent pas de le remplir. Mais n'est-il pas vrai que le maître de langue maternelle reçoit ses élèves des mains de leurs parents, pour les remplacer, et pour perfectionner ce qu'ils ont commencé? Comment serait-il. donc coupable d'empiétement en faisant d'une grammaire de mots une grammaire de pensées, et en tournant ces pensées vers les vérités de l'Évangile? Passant des mains du père et de la mère entre celles de leur suppléant, l'enfant a-t-il cessé d'être homme et chrétien, et son maître le traitera-t-il, comme s'il ne devait être ni l'un ni l'autre?

«L'enseignement de la langue, a-t-on dit, doit rester » dans son domaine, celui des expressions et de leur or>>thographe correcte. C'est profaner l'instruction reli» gieuse que de l'allier à quelque chose de si commun et » de si bas. Le résultat ne peut en être que très-fâcheux » pour les enfants. On les habitue par là à ne pas mettre » plus de prix aux objets religieux qu'aux choses les plus >> ordinaires; ils se familiariseront avec eux, et ils les con>> fondront avec tout le reste. »>

Ce reproche porte avec lui une apparence de vérité mais ce n'est qu'une vaine apparence.

Profaner les choses saintes, c'est les avilir au point de les faire servir à des usages pervers. Mais qu'on veuille bien nous montrer quel abus des choses saintes peut commettre un Cours de langue qui s'empresse de communiquer aux enfants les vérités évangéliques, pour qu'ils élèvent leurs pensées jusqu'à elles, et pour qu'ils s'en pénètrent

de bonne heure, tandis que l'âme est encore neuve et propre à recevoir de bonnes, profondes et durables impressions? Certes, loin d'avilir ces vérités, c'est en faire le cas qu'elles méritent. A-t-on oublié que le Sauveur aimait à voir les enfants près de lui, disant que l'on ne saurait entrer dans son royaume qu'en partageant leur innocence, leur droiture et leur modestie?

On craint qu'alliées aux exercices de langue, les vérités saintes ne deviennent trop familières aux enfants, et ne perdent de leur prix. Vaine crainte; car ces vérités ont au-dessus de toutes les autres pensées de l'homme une gravité, une noblesse, un empire qu'elles ne sauraient jamais perdre. Vous les mêlerez à d'autres autant que vous voudrez, toujours elles reprendront chez les croyants le rang que leur assigne leur nature, et elles commanderont le respect. Nous conviendrons d'ailleurs bien volontiers qu'en y revenant fréquemment dans le Cours de langue, on les rendra familières aux élèves; mais c'est précisé ment cet heureux résultat qu'il faut tâcher d'obtenir par l'éducation? Ne serait-il plus vrai que les vérités saintes doivent être partout où l'homme se trouve, et l'accompagner partout où il porte ses pas; parce que partout elles doivent être sa lumière, sa règle et son soutien ? Il faut donc les lui rendre familières dès l'âge tendre. Il faut les lier tellement à ses autres pensées, que l'association naturelle des idées les lui reproduise incessamment. Eh bien! dans tout l'enseignement il ne se trouve aucune partie qui, comme les leçons de langue maternelle, puisse faire entrer dans cette association les vérités morales et religieuses, et cela tout en ayant l'air de faire autre chose. Les différentes séries dont se compose notre Cours de langue, peuvent reprendre souvent la même pensée, et lui donner chaque fois le charme de la nouveauté par la variété de la place et de la forme.

Mais on pourra insister sur la prétendue inconvenance: de la réunion, et nous dire : « Il en existe incontestable>>ment une, car on ne saurait disconvenir que dans la

» Conjugaison et le Vocabulaire, comme dans la Syntaxe, » ce n'est pas l'instruction directe qui fait loi; mais elle la >> reçoit partout, puisque partout elle est forcée de se » plier à leurs exigences. » Il y a dans ce reproche une grande méprise, et la voici : l'instruction directe renferme une doctrine déterminée; mais cette doctrine n'est nullement dépendante des divers exercices de langue, qui n'ont que faire d'une semblable subordination, puisqu'ils s'arrangent indistinctement de toute espèce de matériaux qu'on veut bien leur fournir. Elle n'est sujette que sous le rapport de sa forme ou de la manière de l'énoncer, et cette complaisance tourne à son profit, comme on vient de le voir. Les grammaires d'usage insèrent quelquefois dans leur travail quelques-unes des vérités saintes, dont nous voulons donner un ensemble dans le Cours de langue. Les a-t-on jamais accusées d'une profanation? Cependant ces vérités n'y sont admises que pour montrer l'application des règles, et nullement pour elles-mêmes. Elles sont donc partout en sous-ordre; elles sont au service d'autrui. Il n'en est pas ainsi dans le Cours de langue. L'instruction directe est ici le but, et partout s'annonce une seule et même tendance générale, celle de former dans les jeunes esprits une manière de penser humaine et chrétienne : deux mots qui rendent la même idée.

Condamner cette tendance, c'est nous dire que les lecons de langue, se tenant bien loin de la morale et de la religion, ne doivent point travailler à élever des hommes. C'est nous dire, en d'autres termes, que ces lecons ont, il est vrai, pour but d'apprendre à parler à des êtres intelligents, mais à des êtres dont les regards ne doivent pas aller au-dessus des nues ni au delà du tombeau, à des êtres dont tous les intérêts se trouvent sur la poussière du globe, et dont la conscience a perdu la voix.

Pour se rendre à de pareilles exigences, il faudrait même mutiler l'enseignement de la langue : car il serait nécessaire d'en exclure une multitude d'expressions. et précisément celles qui rendent ce que la parole de l'homme

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