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Les discours prononcés par Fauchet dans le mois de février, sont la suite de ses commentaires sur le Contrat social. Il est à peu près toujours de l'avis de Rousseau, sauf en un point que nous allons relever, et qui montrera que le procureur-général de la vérité pliait Jean-Jacques à ses doctrines personnelles, toutes les fois qu'il pouvait le fléchir, et qu'il le brisait lorsqu'il le trouvait arrêté, net, inflexible. Ainsi Rousseau, comme tous les publicistes forts qui ont examiné les institutions des peuples, affirme que le législateur s'est proposé un but, et que ses lois ont été le moyen, la route de ce but. Il énumère une suite de peuples organisés pour une fin qui leur était propre, et cite Montesquieu qui a montré, par une foule d'exemples, par quel art le législateur dirige l'institution conformément à son objet. Sur cela Fauchet s'écrie. Dieu aie compassion de ces législateurs avec leur art, leurs directions, leurs étroites manœuvres, et leurs institutions partielles! Ils n'ont fait que ruiner les libertés, étrangler la nature, étouffer le genre humain. Les divers systèmes ne sont que les divers poisons dont on a sursaturé les hommes, ils sont partout la source des maux et des servitudes : on n'en guérit que par l'égalité des droits à la suffisante vie, et par le libre usage de toutes ses facultés naturelles ou acquises pour étendre son bien-être. Quiconque dira le contraire, fùt-ce un génie descendu des sphères célestes, n'a qu'une raison menteuse et une vertu fautive; il apporte des chaînes aux hommes; il sème les vices et verse les malheurs sur la terre. Il faut que tout le monde vive, c'est la première volonté de la nature : Il faut que tout le monde vive bien, c'est l'unique objet de sa législation; il faut que dans le surplus tout le monde soit libre, c'est l'ordre absolu et la perfection totale de la société.» (Bouche de fer, n° XX.)

Le Cercle social avait beaucoup de correspondans en Allemagne. La terre classique du pantheïsme répondit avec empres sement à l'appel des Amis de la vérité. Nous trouvons au numéro XXVIII de la Bouche de fer un morceau sorti d'une plume.

allemande, qui nous fournira un dernier extrait par lequel nous fermerons le mois de février.

Caractère des hommes rares destinés par la nature comme Jean-Jacques, à réveiller les nations.

⚫ Celui qui ne va jamais au-delà du vrai, du bon, du beau et du sublime, n'est point sans doute d'une trempe ordinaire; mais ce n'est point encore là l'homme destiné par la nature à réchauffer le globe, et à causer dans l'univers de grandes révolutions. L'homme qui doit ressusciter les nations en léthargie est toujours préparé par la nature dans un silence profond, comme les orages bienfaisans. Une sensibilité profonde, inconcevable dans ses effets, des sens très-fins, une imagination ardente et un cœur droit, voilà tout son héritage. Il a trop de l'homme, pour apprendre à résister de bonne heure aux charmes de la séduction. Des images enchanteresses, qui lui font illusion, l'entraînent vers mille abimes et l'y plongent. Cependant l'amour de l'humanité n'est jamais banni de son cœur ; mais alors il y est sans force. Dans ces courts intervalles, où, malgré les plus longues et les plus vaines tentatives, il essaie encore d'ouvrir les yeux, tant de chimères, tant de monstres l'environnent, le ballottent, le font tourner dans leurs inextricables labyrinthes, que le malheureux échappe avec peine à la douleur de désespérer de la vérité. Naturellement bon, malgré ses éternelles épreuves et ses douloureux combats, il conserve toujours assez de force pour ne vouloir jamais être sûr qué l'amour, que l'amitié, que la liberté, que la justice, que la vérité ne sont pas sur la terre.

› L'infortuné qui veut échapper au naufrage ne s'attache pas, au milieu des ondes agitées, sur la planche protectrice, avec plus d'efforts et de chaleur qu'il ne saisit la main d'un ami: il se harponne à son cœur; on ne pourra plus l'en arracher sans déchirer ses propres entrailles.

› Comme il est arrivé à ce degré de misère, où il trouve partout et dans tout, un ennemi, il accuse sa joie, il se soupçonne, se croit au moins endormi, enivré, abusé par quelques noirs esprits

T. IX.

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dont il ne connaît pas toutes les ruses. La vérité seule ne peut point tromper ; il sait cela, et il l'embrasse dans sa pensée, et dans son cœur, et dans toute son existence.

› Son âme est sans cesse en activité, veille toujours, combat toujours, combat même contre des fantômes, des ombres de danger. Toujours de nouvelles épreuves! Ce qui le rend plus fort, plus clairvoyant, mais aussi plus dur, inflexible! Son amour immense pour les droits de la vérité, qui se réveille si ardemment dans son cœur, réveille également l'audace de ses ennemis.

> On ne le découragera plus. Il sait maintenant ce qu'il doit attendre des oppresseurs et des esclaves; les divers moyens de montrer ses forces ne sont point en son pouvoir, seront rarement au goût du siècle; mais en dépit de tous les obstacles, il créera une force pour la vérité qu'il rendra toute puissante; n'importe de quelle manière il remplira sa tâche.

Dans cette lutte d'un dieu de la nature contre les démons de la tyrannie, frappé, froissé, lyrisé, déchiré, dispersé dans tout son être, tout ce qu'il a d'un homme se fortifie son œil, où siége toute son âme, observe tout autrement les hommes et les choses. Le monde et ses changemens, l'homme et ses intérêts se présentent à ses yeux et à son cœur sous d'autres formes : de là s'accroît malgré lui cette réflexion qui entoure ses regards dans ses entrailles, pour y embrasser toute création de son corps et de son âme. Il ne craint plus de s'égarer, il a un point d'appui. Ce qu'il trouve partout, c'est Dieu; et il voit partout la vérité où il trouve Dieu.

› Et pour sa récompense éternelle, tout ce qu'il a conçu de grand et de sublime descendra sans cesse, avec son nom, sur les ailes de la pensée. Il sera l'âme de tous les cercles consacrés au bonheur des peuples. -La chenille a rampé sur la terre ; mais le papillon, engendré par sa mort,vole de fleurs en fleurs, et ne trouve que du nectar dans les doux fruits de la nature. Le chimiste va bientôt approcher du feu la fleur cueillie par la bergère avec indifférence; et comme il sait l'art de se rendre l'ami de son trépas (ou passage à une autre existence), il en recevra par recon

naissance un baume salutaire pour sa vieillesse. VOILA TOUT L'HOMME: car la nature n'a pas de mesures inégales, ses lois sont universelles. C'est pas à pas et de degrés en degrés qu'elle conduit l'homme intègre à la perfection du bonheur.>

MARS 1791.

Le 14, Noailles cède la présidence à Montesquiou, et Montesquiou à Tronchet le 30.

Sont nommés évêquès: MM. Morillon, à Arras; Beauzereau, à Laval; Villars, à Auch; Grandsaing, à Metz; Mathias, à Alençon; Lamourette, à Lyon; Dumonchel, à Nîmes; le cardinal Loménie, à Toulouse; Robinet, à Saintes; Roux, à Aix; Servan, en Vendée; Besancelle, à Besançon; Gobet, évêque de Lydda, à Paris, à Colmar et à Chaumont (il opte pour Paris); Joubert, de Mayenne-et-Loire; Milet, de la Loire-Inférieure; Desbois, de la Somme; Suzor, à Tours; Francin, de la Moselle; Mandru, des Vosges; Pacarreau, à Bordeaux; Charrier, à Rouen et à Bourges; Cazeneuve, à Gap; Saint-Pons, à Béziers; Dauglards, à Cahors; Héraudin, à Châteauroux.

La dernière journée de février avait été marquée par deux événemens qui occupèrent souvent l'assemblée nationale, le département, la commune et les journaux pendant le mois de mars: de ces deux événemens l'un, relatif au donjon de Vincennes, assailli par le faubourg Saint-Antoine, a été raconté par nous; l'autre se passa dans le château des Tuileries, et comme il ne fut bien éclairci que plusieurs jours après, nous en avons réservé le récit jusqu'à la date où seraient produits les témoignages et les pièces..

Quelques réflexions sont nécessaires pour que le lecteur puisse bien apprécier la valeur même des faits dont nous avons à l'entretenir. Elles se borneront à constater l'opinion et le jugement des divers partis sur ces faits.

Les royalistes continuaient d'attribuer tous les désordres qui survenaient au principe nouveau, sorti vainqueur le 14 juillet 1789. Ils disaient que les usurpations des bourgeois appelaient, par une conséquence rigoureuse, l'application définitive et universelle de la souveraineté du peuple ; que les douze cents rois de l'assemblée nationale et la noblesse nouvelle, les citoyens actifs, étaient une fiction et une inconséquence dont la logique ferait bientôt justice; que l'anarchie, les mêlées sanglantes, les clameurs, n'étaient autre chose que les réclamations, fort légitimes assurément, de la classe passive; qu'elle frappait à une porte qu'on n'avait ni droit, ni prétexte de fermer sur elle; que cette porte s'ouvrirait ou serait démolie, et qu'alors il y aurait en France 25 millions de rois.

Les bourgeois expliquaient les troubles et les désordres par un système à leur usage, qui ressemble beaucoup à ce que l'on a qualifié de notre temps d'alliance carlo-républicaine. Ce système était d'ailleurs une convenance forcée de la position qu'ils s'étaient faite. En effet, ils avaient pris la liberté pour centre, et, d'une ouverture de compas calculée sur le rayon qui se terminait au marc d'argent, ils avaient tracé une circonférence, et ils la munissaient chaque jour de circonvallations, de bastions et de murailles, de l'oeuvre constitutionnelle, en un mot, véritable citadelle des intérêts bourgeois. En dehors de ce cercle étaient, d'une part, ceux qui n'avaient pas voulu y entrer; et de l'autre, ceux qu'on en avait volontairement exclus : les royalistes et la classe passive. Les entreprises du dehors, soit qu'elles fussent faites par les royalistes dans le but d'attaquer le centre même, le principe de liberté, soit qu'elles fussent dirigées par le parti populaire contre la circonférence seule, circonférence qu'il prétendait devoir embrasser la totalité des citoyens, sans distinction aucune ces entreprises étaient imputées par la bourgeoisie à ses ennemis communs, et, par une suite presque inévitable, à des amis communs. C'est parce qu'elle jugeait de son point de vue la cour et le peuple, que ces deux partis étaient à ses yeux un seul parti. Ainsi, elle traitait d'aristocrates et de

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