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Les gens favans hé croient point pour la plupart; les perfonnes médiocrement éclairées ont des doutes, le payfan & l'homme borné dit qu'il croit, & ne fait ce qu'il dit par le mot croire.

Qu'est-ce donc que la Religion du commun des hommes? C'eft un réfultat de l'éducation & des opinions vraies ou fauffes reçues dans le Pays où ils font nés. Qu'est-ce que la Religion d'un Théologien qui lit la Bible, les Peres, S. Thomas, &c.? C'eft la prévention d'un fahatique qui s'eft tant rebattu l'efprit d'un fimple fait d'éducation, qu'il en a fait une opinion; à force de s'échauffer de cette opinion, il s'y eft opiniâtré jusqu'à s'én faire une efpece de perfuafion; comme un aveugle de naiffance qui ayant oui diré à des railleurs que le bleu pefe plus que le jaune, fe feroft formé une idée des couleurs fur ce principe; ou comme les menteurs qui finiffent par croire euxmêmes une hiftoire qu'ils ont fabriquée.

La grandeur des récompenfes que pro mettent les Religions éblouit; les châtimens dont elles menacent font trembler; de forte qu'on tefte fans liberté & fans jugement, faute d'examiner le fondement & la vraisemblance de tout cela; on ne pas fonge qu'en obéiffant aux uns, on

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défobéît aux autres Prêtres qui font les mêmes promeffes & les mêmes menaces chacun dans leurs Religions.

Dans quelque Religion qu'on eût été élevé, fuivant fon tempérament & les circonftances de fa vie, on eût été dévôt ou incrédule: ce n'eft donc pas la force de la vérité, mais l'entêtement & la prévention qui nous attachent à la Religion.

Argument démonftratif.

On n'eft pas libre de croire.

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On ne peut faire un commandement de ce qui n'eft pas libre.

Donc on ne peut faire un commandement de croire; donc les Religions ne peuvent exiger la foi!

Second Argument.

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La foi eft néceffairement proportionnée aux raifons de croire & aux preuves. Aucune Religion n'a des raifons folkdes ni des preuves convaincantes.

Donc aucune Religion ne peut être crue d'une foi ferme & folide.

Troisieme Argument ess

Il n'y a que les raifons de croire, ou les préventions de l'éducation, qui puiffent

déterminer la foi, ou plutôt le confente ment qu'on donne aux différentes religions.

Ce n'eft pas les raisons,

Donc c'eft l'éducation feule.

Je prouve la mineure: fi c'étoit les raifons de croire, toutes les religions n'étant pas également bonnes, les croyances ne feroient pas égales; or cette croyance eft la même, & auffi vive dans toutes les religions, donc ce n'eft pas les raifons: je prouve la majeure.

Les croyances font proportionnées aux raifons de croire, les raifons de croire que propofent les Religions ne font pas égales, donc les croyances ne feroient pas égales.

La preuve de la mineure eft évidente, ou bien toutes les Religions font indifférentes & toutes font bonnes.

Les Chrétiens diront la que grace-entraîne, mais chaque Religion aura un pareil échapatoire; chacun dira, les malheureux qui fuivent une autre Religion, en voyent bien la fauffeté, mais la malice ou l'intérêt les rendent opiniâtres, qu la grace leur manque, ou leurs circonstances les lient &c.

CHAPITRE XV.

Treizieme vérité.

Des Livres, des difcours ne font pas des moyens dont Dieu ait pú fe fervir pour inftruire les hommes.

L

ES moyens doivent être proportionnés aux attributs & à la nature de celui qui les employe.

Si Dieu a voulu faire favoir fes volontés aux hommes, il eft infiniment fage, il a vû les meilleurs moyens; il eft infiniment puiffant, il a pú les prendre; il eft infiniment jufte, il les a donc pris en

effet.

Voyons fi des livres, des paroles, des difcours, & des décifions prononcées par des hommes font les meilleurs moyens, & fi ces moyens ont un jufte rapport avec les attributs divins.

Une fageffe infinie ne peut prendre que des moyens infaillibles, or il est évident à la raifon qu'un livre ne peut pas tomber dans les mains de tout le monde qu'il peut être perdu ou corrompu; que toutes les nations ne peuvent point l'entendre, que chaque homme ne fait lire, qu'il y a des aveugles de naiffance,

pas

des fourds & muets qui ne peuvent rien apprendre; un livre n'eft donc point un moyen général ni fûr pour inftruire.

Les traductions, les interprétations, les Commentaires des Théologiens, les Prédications de certains hommes fans miffion avec des talens & des dégrés de foi divers, fujets aux paffions &c. tout cela eft bien moins infaillible encore. Ceux qui s'efforcent tant de combattre leur raifon, ne pourront peut-être point s'aveugler fur l'expérience, ils n'ont qu'à prêter l'oreille pour écouter les difputes de tous ces Miniftres du Seigneur, de ces Interprêtes de fa loi; ils les entendront fe reprocher réciproquement leur opiniâtreté, leur ignorance & leur mauvai-, fe foi, qu'ils ouvrent enfuite les yeux, ils verront les défordres que caufent leurs difputes.

Si Dieu avoit des Miniftres, ils au roient tous un dégré à-peu-près égal de capacité; les confécrations, les ordinations, l'impofition des mains, les ren droient plus favants & plus réglés dans leurs moeurs; on nous dit que tout Pretre eft également propre à tranffubftantier le pain en Jésus-Chrift, à baptifer, marier, abfoudre &c. Pourquoi ne le seroit-il pas de même pour entendre &

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