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Après un si grand miracle, il semble qu'il ne faut pas s'étonner que plusieurs crussent. La résurrection de Lazare étoit arrivée en présence de tout le monde, à la porte de Jérusalem, avec le concours qu'attire un deuil dans les maisons considérables: Plusieurs crurent, dit l'évangéliste (1). C'étoit là l'effet naturel d'un si grand miracle. Mais d'autres qui savoient la haine des pontifes et des pharisiens contre Jésus, et qui y entroient, leur allèrent dire ce qu'ils avoient vu. Sur cela, on assembla le conseil, et la résolution en fut étrange.

Cet homme fait beaucoup de miracles (2). Ils ne nient point le fait ; il est trop constant. Que feronsnous? La réponse paroît aisée, croyez en lui: mais leur avarice, leur faux zèle, leur hypocrisie, leur ambition, leur domination tyrannique sur les consciences, que Jésus découvroit, encore qu'ils la cachassent sous le masque du zèle de la religion, les aveugloit. En cet état, ils ne peuvent croire (3), comme nous verrons bientôt; et ils aiment mieux résister à Dieu, que de renoncer à leur empire.

Ailleurs ils disent encore: Que ferons-nous à ces hommes: car le miracle qu'ils viennent de faire est public. Tout Jérusalem en est témoin, et nous ne saurions le nier (4). La réponse naturelle étoit, Il y faut croire Mais si nous y croyons, nous ne serons plus rien et c'est à quoi ils ne pouvoient se résoudre.

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Les incrédules s'écrient : Comment tout le monde n'a-t-il

pas cru, s'il y a eu tant et de si grands mi

(1) Joan. x1. 45. (4) Act. iv. 16.

(2) Ibid. 47. (3) Ibid. xII. 37, 38, 39. —

racles? Ils n'entendent pas le profond attachement du cœur humain à ses sens, et aux affaires qui les flattent; d'où suit une indifférence prodigieuse pour le salut. Ce qui fait qu'on ne daigne pas s'appliquer à ce qui se passe qui y a rapport, ni s'en enquérir; et que ceux qui l'ont vu, s'étourdissent eux-mêmes pour n'y pas croire; de peur qu'en y croyant ils ne soient forcés de renoncer à tout ce qu'ils aiment, et d'embrasser une vie qui leur paroît si insupportable et si triste.

Il faut donc entendre, qu'outre les miracles du dehors, il en falloit un au dedans, pour y changer la mauvaise disposition des cœurs et c'est là l'effet de la grâce. De là vient que si peu de gens ont cru; encore qu'on ait vu tant de prodiges, et qu'ils eussent été écrits dès le commencement avec des circonstances si particulières, qu'il n'y avoit rien de plus aisé que d'en découvrir la vérité; comme il n'y eût rien eu de plus impudent, ni de plus capable de détromper les plus crédules, que de leur avancer tant de faits positifs, dont le contraire eût été si constant. Il n'y a eu que ceux qui ont assez aimé leur salut et la vérité, pour prendre soin ou de s'enquérir des choses qui se passoient en Judée à la vue de tout le monde, ou d'y faire, s'ils les voyoient, les réflexions nécessaires, afin de les voir d'un autre œil que le vulgaire attaché aux sens et aux préventions.

Ce qu'il y a ici de plus étonnant, c'est que ceux qui ne voient pas la volonté de Dieu dans les miracles qui la déclaroient si évidemment, sont les plus savans du peuple, les pontifes, les pharisiens et les

docteurs de la loi; parce que des hypocrites comme eux, qui n'employoient le nom de Dieu qu'à tromper le monde, des avares, des orgueilleux, qui faisoient servir la religion à leurs intérêts, devoient être naturellement les plus opposés à la vérité, et les plus incapables de ses secrets. C'est donc ainsi que les pensées de plusieurs furent découvertes, parce qu'on devoit voir jusqu'à quel point l'intérêt devoit animer les hommes les plus sages en apparence, comme les plus considérables du peuple, contre Dieu et la vérité.

Loin de profiter du miracle de la résurrection de Lazare, ils résolurent, non-seulement de tuer Jésus, qui étoit l'auteur du miracle, mais encore Lazare même (1), en qui il s'étoit accompli. Trop de monde le venoit voir, et c'étoit un témoin trop vivant contre eux. Ils voulurent donc le tuer, croyant obscurcir par-là le miracle de sa résurrection, en montrant du moins que le Sauveur n'avoit pas pu le faire vivre long-temps. Ils songèrent donc à le tuer, comme si par cette sorte de mort ils pouvoient lier les mains à Dieu. Et il falloit encore que la gloire de Jésus-Christ révélât au monde ce prodige de malignité et de folie.

Il ne faut donc plus s'étonner de l'aveuglement des Juifs. Celui des impies et des hérétiques est à peu près de même genre: les secrètes dispositions de tous ces gens-là, devoient être découvertes. C'est que l'effort qu'il faut faire contre ses sens et contre soimême, pour se donner tout entier à la vérité et à (1) Joan. xi. 50, 53. XII. 10, 11.

Dieu, est si grand, que plutôt que de le faire, ils aiment mieux étouffer la grâce et l'inspiration qui les y porte, et s'aveugler eux-mêmes.

Nous sommes aussi de ceux pour qui Jésus-Christ est un signe de contradiction; et une de ces pensées du cœur humain, que Jésus-Christ venu au monde devoit découvrir, c'est la prodigieuse insensibilité de ceux qui, élevés dans la foi, et au milieu des lumières, préfèrent encore leurs sens et les plaisirs qui les enchantent, à la vérité qui luit dans leur cœur; et ne craignent pas de vivre comme les impies et les infidèles.

VII. JOUR.

Fausse et aveugle politique des Juifs dans la mort de Jésus-Christ, figure de la politique du siècle. Joan. xi. 48, et suiv.

LES Romains viendront, et ils détruiront notre ville, notre temple et toute notre nation (1). C'est le prétexte dont ils couvroient leur intérêt caché et leur ambition. Le bien public impose aux hommes; et peut-être que les pontifes et les pharisiens en étoient véritablement touchés; car la politique mal entendue est le moyen le plus sûr pour jeter les hommes dans l'aveuglement, et les faire résister à Dieu.

On voit ici tous les caractères de la fausse politique, et une imitation de la bonne, mais à contre-sens.

(1) Joan. xi. 48.

La véritable politique est prévoyante, et par - là se montre sage. Ceux-ci font aussi les sages et les prévoyans: Les Romains viendront. Ils viendront, il est vrai, non pas comme vous pensez, parce qu'on aura reconnu le Sauveur; mais au contraire, parce qu'on aura manqué de le reconnoître. La nation périra : vous l'avez bien prévu; elle périra en effet ; mais ce sera par les moyens dont vous prétendiez vous servir pour la sauver : tant est aveugle votre politique et votre prévoyance.

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La politique est habile et capable: ceux-ci font les capables. Voyez avec quel air de capacité Caïphe disoit Vous n'y entendez rien : il n'y entendoit rien lui-même. Il faut qu'un homme meure pour le peuple (1) il disoit vrai; mais c'étoit d'une autre façon qu'il ne l'entendoit.

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La politique sacrifie le bien particulier au bien public et cela est juste jusqu'à un certain point. Il faut qu'un homme meure pour le peuple : il entendoit qu'on pouvoit condamner un innocent au dernier supplice, sous prétexte du bien public: ce qui n'est jamais permis. Car au contraire le sang innocent crie vengeance contre ceux qui le répandent.

La grande habileté des politiques, c'est de donner de beaux prétextes à leurs mauvais desseins. Il n'y a point de prétexte plus spécieux que le bien public, que les pontifes et leurs adhérens font semblant de se proposer. Mais Dieu les confondit ; et leur politique ruina le temple, la ville, la nation qu'ils faisoient semblant de vouloir sauver. Et Jésus-Christ (1) Joan. x1. 49, 50.

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