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A-t-il donc oublié que les représentants de la nation étaient liés, à cet égard, par le vœu impérieux de leurs commettants; et quelques alternatives qu'ait éprouvées, dans l'Assemblée, la doctrine des mandats impératifs, tour à tour admise ou rejetée, suivant qu'elle favorisait ou contrariait les projets, ce vou des commettants n'en exprimait pas moins la volonté générale.

Ils ont voulu conserver la religion catholique, parce qu'ils y croyaient et qu'ils la professaient; et quelque indéfinis que l'on suppose les pouvoirs donnés par eux aux représentants de la nation pour régler la Constitution civile de l'Empire, ce serait le comble du délire d'imaginer qu'ils en ont accordé aussi d'illimités, à l'effet de déterminer ce que nous devons croire ou pratiquer. S'eston jamais avisé de transiger sur sa foi et sur ses principes, en donnant à ses fondés de procuration des pouvoirs généraux et indéfinis ?

D'ailleurs, étant presque tous catholiques, et tenus d'opiner d'après leur conscience, les représentants de la nation pouvaient-ils se dispenser de maintenir la religion qu'ils professent euxmêmes? Dira-t-on qu'un législateur, en sa qualité d'homme public, peut, sans blesser sa conscience, voter pour admettre dans l'Etat une religion qui n'est pas la sienne, si les circonstances impérieuses du bien public l'exigeaient ? mais (sans vouloir fixer ici les limites qui séparent cette conscience, en quelque sorte publique du législateur, de sa conscience privée et de sa conviction intime), quelles peuvent être les circonstances dans un Empire qui professe une religion vraie, faite pour le bonheur des hommes, une religion dont la morale est pure, sociale et propre à tous les gouvernements; une religion enfin adoptée depuis quatorze siècles, par tous ou presque tous les citoyens de l'Empire, et à laquelle aucune puissance ne pourrait en substituer une autre qu'en se détruisant elle-même, et entraînant avec elle-même la ruine de la chose publique?

Enfin, l'Assemblée avait délibéré plusieurs fois sur la religion, avant qu'elle s'occupât de la constitution du clergé. Lors du décret du 2 novembre 1789, elle s'était chargée des frais du culte et de l'entretien des ministres; et l'on n'a cessé depuis d'opposer à nos réclamations, que par ce décret tout seul, la religion catholique était suffisamment déclarée la religion nationale, la seule religion d'Etat. On ne veut donc pas dire qu'au moment où on s'est occupé de donner au clergé une constitution, l'Assemblée nationale était exactement dans le cas où des missionnaires catholiques entrent dans un Etat et demandent à y être reçus, puisque, dans cette hypothèse, la religion catholique ne serait, ni de droit, ni de fait, la religion de cet Etat.

On a observé à M. Camus, lorsqu'il parlait à la tribune, que nous étions baptisés; et l'on en concluait, dit-il, à ce qu'il m'a paru, que nous ne pouvions plus, dans cette position, délibérer sur la religion.

Il faut voir dans l'ouvrage même de ce député, comme il se tire de ce pas glissant. « C'est sans doute un grand bienfait de Dieu de vouloir se contenter des promesses de nos parents pour nous inscrire au nombre des croyants, mais quand notre raison le développe, il demande alors de nous un autre hommage... une obéissance raisonnable. » D'où il conclut que les Français, quoique déjà chrétiens, ont dù s'occuper de la religion. Si par s'occuper il entend délibérer, il croit donc qu'il pourrait faire usage du droit qu'il

prétendait avoir de ne pas admettre la religion catholique mais alors que devient son amour de la religion et son attachement sans partage à la foi de ses pères. S'il prend ce mot dans son acception ordinaire, le principe sur lequel repose son opinion est évidemment faux, puisque le droit de s'occuper de la religion n'est pas celui de l'admettre où de ne pas l'admettre (1).

Aussi M. Camus avoue-t-il qu'il était du devoir de l'Assemblée de conserver la religion catholique. Si c'était là son devoir, elle ne pouvait pas faire autrement, et, dès lors, que devient cette assertion que l'Assemblée nationale pouvait déclarer quelle serait la religion qu'elle maintiendrait.

Que veut-il donc dire avec son malheureux pouvoir qu'il reconnaît dans l'Assemblée de préférer toute autre religion à la religion catholique. Ce pouvoir est-il un droit? mais il vient de dire lui-même qu'il était du devoir de l'Assemblée de conserver la religion catholique, et on n'a pas droit de faire une chose, lorsqu'on est obligé, par devoir, de ne pas la faire. Entend-il, par ce pouvoir, celui que donne la force? Mais alors l'Assemblée aurait le pouvoir de faire tout ce qui lui serait physiquement possible.

Quelle pitié de comparer le royaume très chrétien, dont le roi est le fils aîné de l'Eglise, qui ne renferme dans son sein que des chrétiens, qui est en quelque sorte tout couvert des monuments que la piété de nos ancêtres éleva à la religion, à une nation livrée aux superstitions de l'idolâtrie, à qui des missionnaires annonceraient pour la première fois la religion de Jésus-Christ, et ces missionnaires, quel rapport ont-ils avec cette ancienne et respectable Eglise des Gaules, dont le ministère remonte aux siècles les plus reculés, et touche presque aux temps apostoliques?

Mais je ne vais pas plus loin, monsieur, et je prétends que, soit que la religion catholique soit déjà établie, soit qu'elle s'établisse dans un Etat, on ne peut point la contraindre ou exiger d'elle qu'elle reçoive de l'autorité civile une constitution qui règle sa discipline, et détermine l'usage qu'elle doit faire de sa juridiction. Pourquoi ? parce qu'il est contradictoire de dire que l'Etat reconnaît ou qu'il veut reconnaître la religion catholique, tandis qu'il la dépouille d'une autorité qui lui appartient essentiellement, sans laquelle elle ne peut ni s'établir, ni se conserver, et qu'aucune autorité humaine ne pent suppléer; ce qui m'amène naturellement à examiner les principes de M. Camus, sur la discipline ecclésiastique et sur la juridiction.

Les destinées de la religion catholique n'ont pas été toujours et ne sont pas partout les mêmes. Elle est, ou protégée par les souverains temporels, et alors elle prospère ordinairement, ou seulement tolérée par eux; auquel cas, elle doit naturellement languir, ou même quelquefois être en butte aux persécutions; ce qui est un temps d'épreuves fâcheux sans doute, et qui peut néanmoins contribuer à sa gloire et à son utilité. Mais il n'est point pour elle, si j'ose le dire, un autre mode d'exister; et si on cherchait à l'asservir sous prétexte de la protéger, elle se verrait forcée de regretter l'indifférence ou même l'intolérance des gouvernements.

(1) Si quis dixerit hujusmodi parvulos baptisatos, cùm adoleverint, interrogandos esse an ratum habere velint quod patrini, eorum nomine, dùm baptisarentur, politici sunt.... anathema sit. (Concil. Trid., sess. 7, can. 14.)

J'ignore jusqu'où s'étendra cette protection qu'on nous fait espérer pour la religion catholique (1), et peut-être les représentants d'une nation, connue pour sa loyauté, auraient-ils dû la déclarer nationale avec plus de franchise qu'ils ne l'ont fait. Quoi qu'il en soit, telle est sa nature, et, si je puis m'exprimer ainsi, son caractère; que si elle est paralysée dans l'usage qu'elle doit faire de son pouvoir législatif, qu'elle n'ait pas toujours une autorité active et vivifiante, qui règle son culte, les pratiques extérieures, le mode de son enseignement, son administration, la distribution des pouvoirs hiérarchiques, l'organisation de ses assemblées catholiques, etc.; car ce n'est plus la religion catholique tant qu'elle n'est pas dans toute son intégrité.

Que fait la puissance civile, lorsqu'elle s'empare de tous ces objets et les règle à sa fantaisie?

D'abord, ses décrets n'ont plus la dignité qu'empruntaient de l'Eglise les lois ecclésiastiques. Elle ne peut pas, comme l'Eglise menacer les réfractaires des peines qu'il ne lui appartient pas d'infliger. Elle est forcée de négliger des objets souvent très importants, mais qui ne lui paraissent pas tenir d'assez près à l'ordre extérieur et public. Parmi ces objets, il en est plusieurs aussi qui, n'ayant rien d'extérieur et de sensible, ne peuvent pas être la matière d'une loi.

D'ailleurs elle porte nécessairement dans la confection du code ecclésiastique, ses idées et ses sentiments politiques, tandis qu'elle ne devrait consulter que les traditions canoniques, d'où il arrive que la législation de l'Eglise se trouve exposée à la mobilité de toutes les idées et à la fluctuation de toutes les opinions. Dans ces circonstances, n'est-il pas à craindre que les peuples s'accoutument insensiblement à regarder leurs chefs civils et politiques comme dépositaires de l'autorité même religieuse; et jusqu'à quel point cette opinion ne pourrait-elle pas les égarer L'univers, suivant l'expression énergique de saint Jérome, fut étonné de se trouver Arien; et la France peut-être, sans s'en apercevoir, se trouverait sous l'empire d'une religion dégénérée, qui ne serait que l'ouvrage des hommes.

Comment pourrait-on contester à l'Eglise le droit qu'elle à de se gouverner elle-même. Répandue dans tous les points de l'univers, et destinée à durer jusqu'à la fin des siècles, tantôt négligée, tantôt persécutée par les gouvernements civils, était-ce d'eux qu'elle devait emprunter sa force ou sa vie? Et ceux-ci nême qui doivent la protéger, par la différence de leurs institutions et les révolutions que doivent subir toutes les choses humaines, n'étaient-ils pas hors d'état de la régir et de lui garantir jusqu'à la fin des siècles la stabilité de ses lois et la perpétuité de sa discipline?

L'Eglise a donc reçu de Jésus-Christ tout ce qui lui est nécessaire pour former un gouvernement complet et éternel, et c'est ce qu'explique, avec sa précision ordinaire, M. Fleury (2).

L'Eglise a, par elle-même, le droit de décider de toutes les questions de doctrine, soit sur la foi, soit sur la règle des mœurs. Elle tient ce droit de Jésus-Christ, lorsqu'il a dit à ses apôtres et à

(1) Voyez le rapport de M. Durand de Maillane, sur les empêchements dirinants et les motions faites incidemments à l'Assemblée sur le divorce, le célibat des prêtres, l'habit ecclésiastique, etc.

(2) Instit. ecclésias, page 3.

leurs successeurs allez, enseignez toutes les nations. Euntes docete... (1).

Elle avait droit d'établir des canons ou règles de discipline pour sa conduite intérieure. Elle usa de ce droit dans le premier concile de Jérusalem, et saint Paul visitant les églises, leur ordonnait d'observer les préceptes des apôtres et des prêtres (2).

Elle a droit d'en dispenser en quelques occasions particulières, et de les abroger quand le bien de la religion le demande. Il est de principe que clui qui peut faire une loi peut aussi en dispenser, ou même l'abroger.

Elle a droit d'établir des pasteurs et des ministres. M. Fleury en donne la raison pour continuer l'œuvre de Dieu jusqu'à la consommation des siècles.

Elle a droit de corriger ses enfants, leur imposant des pénitences salutaires. Ce droit est une suite de celui qui lui a été donné de remettre et de retenir les péchés.

Enfin, l'Eglise a droit de retrancher de son sein les membres corrompus. Saint Paul usa de ce droit, en livrant à Satan, Hymenée et Alexandre (3), et il traita avec une égale sévérité l'incestueux de Corinthe (4).

« Voilà, continue M. Fleury, les droits essentiels de l'Eglise, dont elle a joui sous les empereurs payens, et qui ne peuvent lui être ôtés par aucune puissance, quoiqu'on puisse quelquefois, par voie de fait et par force majeure, en empêcher l'exercice. »

Je reviens à M. Camus; et après avoir montré, Monsieur, la fausseté de ses principes sur l'autorité de l'Eglise en matière de discipline, je vais examiner s'il est plus exact dans les notions qu'il nous donne de la juridiction ecclésiastique.

Cette juridiction, suivant lui, n'est autre chose que le pouvoir d'exercer les fonctions attachées au caractère épiscopal, pouvoir qui est transmis par l'ordination (5). Ce pouvoir ne peut être limité; l'évêque possède par toute la terre le pouvoir universel qu'il a reçu, etc., etc.

Ce langage a été proscrit d'avance par les saints canons (6). « Parce que la nature et l'idée d'un jugement demande qu'une sentence ne soit portée que sur ceux qui sont sujets. On a toujours été persuadé dans l'Eglise de Dieu, et le concile de Trente assure que c'est une vérité incontestable que l'absolution n'est d'aucun poids, lorsqu'un prêtre la prononce sur celui sur lequel il n'a point de juridiction, ni ordinaire, ni subdélégué. (Sess. XXIV, c. 7.)

Les saints canons défendent expressément, et sous des peines graves, à tout évêque d'exercer les fonctions épiscopales dans un diocèse étranger sans la permission de l'évêque de ce diocèse.

« Qu'il ne soit permis, dit le concile de Trente, à aucun évêque (7) d'exercer les fonctions épiscopales dans le diocèse d'un autre, si ce n'est avec la permission de l'ordinaire du lieu, et à l'égard seulement des personnes soumises au même ordinaire; et que s'il en arrive autrement,

(1) Math., XXVIII, 18. (2) Actes, XV, 28, 41. (3) I Tim., I, 20.

(4) 1 Cor., III, 5.

(5) Il s'exprime ainsi : La juridiction s'acquiert par le titre, elle se transmet par la délégation de celui qui a une juridiction en vertu de son titre.

(6) Concil. Trid., sess. 14, De pænit. cap. VII. Si quis dixerit.... eos qui ab ecclesiastica et canonicâ potestate rite ordinati, nec missi sunt, sed aliunde veniunt legitimos esse verbi et sacramentorum ministros, anathema sit. (Concil. Trid., sess. 23, can. 7. (7) Sess. 6, De refor, cap. V.

l'évêque et ceux qui auront ainsi été ordonnés, soient, de droit, suspens, celui-là des fonctions épiscopales, celui-ci de l'exercice de leurs ordres.

Or, le concile de Trente n'a fait que confirmer à cet égard, l'ancienne discipline de l'Eglise (1). L'Eglise ne communique donc pas à ses pontifes, au moment de leur consécration, une juridiction indéfinie et celle qu'elle leur attribue est déterminée à tels lieux nommément, individuellement et exclusivement à tous autres. Ce prétendu pouvoir universel ne serait propre qu'à mettre la confusion dans l'Eglise; et voudrait-on l'accorder dans l'ordre civil, aux différents agents de la puissance publique?

Jusqu'où ne conduit pas l'amour des paradoxes et n'est-ce pas une singularité remarquable que, tandis qu'on prétend dépouiller les évêques, dont on supprime les sièges, de la juridiction qu'ils avaient sur leur territoire, on soit forcé, pour pallier cette conduite, d'étendre cette juridiction et de lui assiguer d'autre bornes que celle de l'univers!

Voici le lieu, monsieur, d'examiner ce que dit M. Camus, au sujet de la division des diocèses qui a été ordonnée par l'Assemblée.

Je déclare d'abord à M. Camus que les évêques ne réclament, pour opérer d'une manière canonique la réduction des diocèses, que l'intervention de l'Eglise. Or, cette intervention n'est pas une de ces formalités dont l'Assemblée elle-même puisse s'affranchir; de sorte que tout ce qu'on lit à cet égard dans l'ouvrage de M. Camus est étranger à la question.

Je lui déclare encore qu'il n'est aucun évêque d'après les assurances positives qu'ils en ont données, qui ne soit disposé à quitter son siège, lorsque l'autorité spirituelle aura délié le nœud sacré qui l'attache à son église.

Je lui déclare en outre que le clergé s'empressera d'adopter la nouvelle division, qui n'a rien de vicieux en elle-même, pourvu qu'elle soit faite par une autorité compétente.

M. Camus se joue donc de ses électeurs, lorsqu'affectant de leur dissimuler le véritable état de la question, il répète, presque à chaque page, qu'un plus grand ou un moindre nombre d'évêchés n'intéresse pas la religion.

Ce qui intéressé la religion est que les nouveaux métropolitains et les nouveaux évêques aient une mission légitime et canonique; que ceux qui sont conservés acquièrent une extension de juridiction pour le nouvel arrondissement de leurs diocèses; que les évêques, dont les sièges sont supprimés, soient dépouillés légitimement de la juridiction qui leur avait été confiée, et qu'enfin tout cela se fasse par l'autorité spirituelle, puisque donner la juridiction spirituelle ou l'ôter sont des actes de la juridiction spirituelle. « Vous êtes, dit le grand évêque de Meaux, un peuple, un Etat, une société, mais Jésus-Christ qui est votre roi, ne tient rien de vous; son autorité vient de plus haut, vous n'avez pas plus le droit de lui donner des ministres, que de l'établir lui-même votre prince. Ainsi ses ministres qui sont vos pasteurs viennent de plus haut, comme lui-même; et il faut qu'ils viennent par un ordre qu'il ait établi. Le royaume de Jésus-Christ n'est pas de ce monde, et la comparaison que vous pouvez faire entre cé royaume et ceux du monde est caduque... Vous n'avez aucun droit que ceux que vous trouverez

(1) Concil. Nicem. 1, cap. 38; Concil. Constanti, can. 2; Sardicense, 347, can. 15; Aurelian. 538, can. 15, etc.

dans les coutumes immémoriales de votre société or, ces coutumes immémoriales, à commencer par les temps apostoliques, sont que les pasteurs déjà établis établissent les autres.

Avant de passer à la seconde partie de l'ouvrage de M. Camus, il me reste à examiner ce qu'il dit de l'admission du christianisme en Angle

terre.

M. Fleury raconte (1) que le roi de Cant (Ethelbert) donna à saint Augustin, apôtre de l'Angleterre, dans sa capitale, un lieu convenable pour établir un siège épiscopal avec des biens suffisants. Il dit aussi que saint Grégoire avait indiqué Yorck pour le siège d'une métropole, et Londres pour le siège d'une autre; et que néanmoins Augustin ayant fixé son siège à Cantorbery, ou le roi l'avait établi, le projet du pape ne fut point exécuté.

J'avoue que je ne vois pas ce que M. Camus peut conclure de ces faits. Ethelbert donna un lieu convenable pour y établir un siège; mais où est-il dit qu'il l'établit lui-même de son autorité? Le projet de Grégoire, concernant l'élection de deux métropoles, ne fut point exécuté; mais est-ce le roi qui traversa ce projet; ou plutôt, n'est-ce pas Augustin lui-même qui, dépositaire à cet égard, de tous les pouvoirs de l'Eglise, crut qu'il était à propos de placer son siège métropolitain ailleurs que dans le lieu qui lui avait été indiqué par Grégoire (2)?

DEUXIÈME QUESTION.

La seconde question que se proposait d'examiner M. Camus, était de savoir si l'on devait attendre ou non, avant d'exécuter les lois concernant l'organisation du clergé, la réponse du pape. Le clergé alléguait pour justifier la nécessité de ce recours au chef de l'Eglise, que dans cette organisation prétendue civile, étaient compris des objets purement spirituels, auxquels, par consé quent, ne pouvait atteindre une autorité civile et politique; que, dans ces circonstances, il n'y avait qu'un moyen d'aplanir toutes les difficultés et de calmer toutes les inquiétudes : c'étail de recourir immédiatement au Saint-Siège, ressource unique qui resta au clergé de France, lequel toujours attaché aux libertés de son Eglise avait sollicité inutilement la convocation d'un concile national.

Cette manière de se défendre était franche et précise; elle méritait peut être une sérieuse dis cussion.

Que fait M. Camus? Il commence par nous expliquer ce que c'est que le pape; il reconnaît en lui le centre de l'unité; il avoue qu'il a reçu une mission spéciale de surveillance et d'exhortation, mas il s'explique d'une façon ambigue sur sa primauté de juridiction. Il y a loin de la surveillance et des exhortations d'une juridiction proprement dite qui appelle des parties devant elle, qui statue, etc. (3).

(1) Hist. ecclésiast., liv. 36.

(2) Voici la lettre de saint Grégoire au moine Augustin, citée par M. Camus; elle est de 601.

«Nous vous accordons l'usage du pallium..... à la charge d'établir douze évêques qui vous seront soumis.... Vous enverrez pour évêque à Yorck celui que vous jugerez à propos; à condition... qu'il ordonnera aussi douze évêques et sera métropolitain.... Nous voulons qu'il soit soumis à votre conduite, etc..... (Fleury, ibid.) »

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(2) Desinimus sanctam apostolicam sedem et romanum pontificem in universum orbem tenere principatum, et ipsum pontificem romanum successorem esse beati

Ce décret fut porté en présence de l'empereur et du patriarche de Constantinople, et des évêques de l'Eglise grecque, députés au concile de Florence.

Il cite ensuite saint Cyprien et saint Jérôme, dont les apôtres prouvent, ce qu'on ne conteste pas, qu'il n'y a qu'un seul épiscopat, et que chaque évêque en possède une part solidaire. Il se permet une épisode sur les changements arrivés dans notre discipline, à l'occasion des décrétales, etc.

Je crois qu'il eût mieux fait de se renfermer dans le second objet; sur lequel il avait annoncé vouloir s'expliquer.

L'organisation du clergé est-elle purement civile ou bien s'étend-elle à des objets véritablement spirituels? Dans ce second cas, vous conviendrez, Monsieur, de la nécessité de l'intervention de l'Eglise.

Quels sont donc les objets de cette organisation? Elle dépouille le pape de la possession dans laquelle il était de confirmer les évêques nouvellement nommés ou élus, et des autres droits spirituels que l'usage ou la concession de l'Eglise avait attaché à son siège.

Elle défend de reconnaître l'autorité d'un évêque ou d'un métropolitain dont le siège serait établi sous la domination d'une puissance étrangère.

Elle ne veut plus connaître la juridiction des évêques ou métropolitains supprimés, et la suppose dans les évêques ou métropolitains des nouveaux diocèses ou nouvelles métropoles.

En prononçant l'extinction des églises cathédrales, elle transfère le droit qu'elles avaient d'exercer la juridiction épiscopale, pendant la vacance du siège, au premier, et, à son défaut, au second vicaire de l'église cathédrale.

Elle prononce que l'évêque ne pourra faire aucun acte de juridiction, en ce qui concerne le gouvernement du diocèse, qu'après en avoir délibéré avec ses vicaires.

Elle nomme vicaires de plein droit les curés des paroisses qui seront réunies à la paroisse épicopale.

Elle donne enfin aux curés le droit de se choisir des vicaires parmi les prêtres ordonnés ou admis dans le diocèse par l'evêque, sans qu'il soit besoin de son approbation.

Demander si ce sont là des objets spirituels, c'est demander si, à l'époque de l'organisation du clergé, le pape, les métropolitaines, les évêques, les curés, les chapitres, pendant la vacance du Saint-Siège, exerçaient une juridiction spirituelle?

C'est demander si les évêques nouvellement élus, ainsi que ceux qui sont conservés, ont besoin, pour le gouvernement des nouveaux diocèses ou pour le nouvel arrondissement des anciens, d'une juridiction spirituelle ?

C'est demander si les actes de juridiction émanés des évêques délibérant avec leurs vicaires, seront des actes de juridiction, si les vicaires des curés rempliront à l'avenir des fonctions spirituelles?

C'est demander si baptiser, confesser, absoudre, prêcher, infliger des peines canoniques, conduire les âmes dans les voies du salut, sont des objets spirituels?

Enfin, c'est demander si la juridiction spirituelle est ou n'est pas une chimère, et s'il n'y a dans

Petri principis apostolorum, et verum Christi esse vicarium, totius que ecclesiæ caput, et omnium christianorum patrem et doctorem existere, et ipsi in beato Petro pascendi et regendi et gubernandi universalem Ecclesiam à D. N. J. plenam potestatem traditam esse.

ce monde qu'une seule puissance qui concentre tous les pouvoirs temporels et spirituels?

Et qu'on ne dise pas que, l'organisation du clergé étant conforme à la discipline des premiers siècles, l'Assemblée nationale avait droit de la décréter; et qu'en ramenant le clergé aux anciens canons, elle ferait même un bon usage de son autorité.

Je suis bien éloigné, Monsieur, de convenir de cette conformité; mais je veux bien me prêter à cette supposition.

« Quand il s'agirait (1) de faire revivre des canons anciens, il faudrait toujours que la puissance ecclésiastique intervint, soit parce que l'acte de faire revivre d'anciennes lois, abrogées depuis longtemps par d'autres qui sont en vigueur, est un acte de puissance dans le même genre que celui de porter les lois; soit parce que c'est à l'Eglise qu'il appartient d'examiner si le bien de la religion demande à retourner à l'ancienne discipline, s'il ne peut pas en résulter de grands inconvénients, etc. »

D'ailleurs, Monsieur, comment serai-je assuré que les canous qu'on veut que j'observe sont précisément ceux qui étaient en vigueur dans les premiers siècles de l'Eglise ? Les monuments qui nous transmettent la foi et la morale ne sontils pas aussi dépositaires de notre discipline ? La discipline n'est-elle pas liée au dogme, puisqu'elle sert à le défendre contre les assauts de l'hérésie (2)? Qui m'apprendra à séparer ce qui appartient à la foi, de ce qui n'est que de pure discipline? On n'a qu'à se persuader que dans les premiers siècles de l'Eglise on n'adorait point l'Eucharistie, qu'on ne baptisait point avant l'âge de raison, qu'on ne rendait aucun culte aux saints, que le pape n'était qu'un simple évêque, etc., etc., et nous voilà, sous prétexte de retour à l'ancienne discipline, calvinistes, anabaptistes, protestants, schismatiques, etc. Quel aveuglement de ne pas voir que le dogme et la discipline se soutiennent réciproquement, et que, puisqu'on ne conteste point à l'Eglise le droit d'enseigner elle a aussi celui d'adopter la discipline qu'elle juge la plus convenable! Quelle inconséquence de reconnaître dans l'Eglise des premiers siècles, le droit de faire des lois et de refuser aujourd'hui, à cette même Eglise, celui de modifier ou de changer celles qui sont faites, comme si l'Eglise n'avait point hérité, pour tous les temps, des prérogatives qu'elle reçut de son divin fondateur, et qu'elle ne fût plus son épouse chérie.

Sans doute que la discipline des premiers siècles mérite tous nos respects, qu'il faut même s'en rapprocher autant que les circonstances des temps, des lieux et des personnes peuvent le permettre. Mais des lois propres à une Eglise qui ne faisait que de naître; qui commençait à peine à jeter les fondements de sa grandeur future; qui toujours aux prises avec des ennemis implacables, n'en triomphait que par sa patience et l'héroïsme de ses martyrs, peuvent-elles toules convenir à cette même Eglise depuis que, remplissant ses glorieuses destinées, elle s'est répandue sur toute la terre, qu'elle a triomphé de tous les obstacles, et qu'elle est protégée de ceux-là même qui furent autrefois ses persécuteurs!

Voudrait-on, pour nous ramener à l'ancienne discipline, faire observer dans toutes ses parties le décret du premier concile de Jérusalem (3) ou

(1) Lettre sur le serment exigé de tous les fonction naires publics.

(1) August. con trà Pelagianos. (3) Act. apos., cap. XV, v. 29.

assujettir les pécheurs à la pénitence publique qui a été si longtemps en usage dans l'Eglise universelle ?

« Enfin (1), si la puissance séculière pouvait, de sa seule autorité, changer le gouvernement de l'Eglise, sous le spécieux prétexte de faire revivre la discipline des premiers siècles, bientôt on ne reconnaîtrait plus cette uniformité dans les points principaux du gouvernement de l'Eglise.» On oublie en effet que l'Eglise de France n'est qu'une partie de l'Eglise universelle, et que toutes les parties de ce vaste empire doivent correspondre entre elles par l'unité de législation (au moins dans les choses essentielles) comme par celle de la doctrine.

TROISIÈME QUESTION.

Le troisième objet dont devait s'occuper M. Camus, était l'exactitude ou l'inexactitude des principes établis par les évêques dans leur opposisition du 30 octobre dernier.

Pourquoi cette opposition n'est-elle signée que des évêques ? Pourquoi y trouve-t-on un plan combiné de doutes et d'incertitudes? Tels sont les premiers reproches que fait M. Camus à l'exposition des principes.

Il accuse ensuite les évêques de mauvaise foi dans leurs citations; ils avaient dit que l'élection des curés n'avait jamais été donnée au peuple. M. Camus prétend avoir cité des exemples qui prouvent le contraire.

Enfin, il entreprend de prouver que les prêtres n'ont pas besoin, pour confesser, de l'approbation de leur évêque.

Reprenons, l'une après l'autre, ces différentes inculpations; et puisque M. Camus est si amer dans sa censure, voyons si, au moins, elle sera juste.

L'exposition, dit M. Camus, est signée de trente évêques, et elle n'est signée que par des évêques...

serait-ce donc là encore un reste des idées ambitieuses, etc.?

Pourquoi attribuer ce défaut de signatures de MM. les curés et autres ecclésiastiques de l'Assemblée, à des idées ambitieuses de la part des évêques? comme si ce défaut ne pouvait pas avoir d'autres causes ou comme si des raisons de prudence ne pouvaient pas les avoir engagés à en retarder la publication. N'était-il pas naturel, au surplus, que les évêques se montrassent les premiers, puisqu'ils avaient à défendre la juridiction spirituelle, dont ils ont la plénitude?

Un second reproche à faire à l'exposition des principes, continue M. Camus, c'est le plan combiné de doutes d'incertitudes qui règne dans toutes les parties de l'exposition et dans son ensemble. Il regrette de ne pas y trouver la clarté et la précision de celle que fit M. Bossuet lorsqu'il exposa la doctrine catholique..... qui ne voit que la matière de l'exposition des principes était moins susceptible de cette clarté et de cette précision, et qu'un ton plus dogmatique eût été déplacé dans les circonstances où se trouve le clergé. Mais enfin, de l'aveu même de M. de Mirabeau, on trouve quelquefois, dans l'exposition des principes, le langage de la raison et de la sagesse.

A ces deux reproches qui sont, comme l'on voit, d'une grande importance, succède une discussion qui présente un peu plus d'intérêt.

Les évêques avaient dit, dans leur exposition, que les capitulaires des rois de France ont établi dans les synodes, avec le concours des chefs de l'Eglise, les métropoles et les diocèses des régious infidèles et conquises.

(1) Lettre sur le serment.

Est-ce bien de bonne foi, s'écrie M. Camus, que les évêques traduisent par le mot concours, le terme consilium?

Est-ce bien de bonne foi que M. Camus affecte de garder le silence sur le capitulaire de Louis Ier, où se trouve le mot consensus (consentement, concours) (1)? et une interprétation des capitulaires, puisée dans les capitulaires mêmes, ne vaut-elle pas celle qu'il va chercher, on ne sait pourquoi, dans les procès que les évêques ont eu avec leurs chapitres, pour réduire les droits de ceux-ci, dans l'administration commune des diocèses, au simple conseil, en les excluant du concours.

Est-ce volontairement ou involontairement, s'écrie encore M. Camus, « que les évèques ignorent que les capitulaires de nos lois étaient faits dans des assemblées de peuple et non dans les synodes ecclésiastiques? »

J'invite M. Camus à lire la réponse à la lettre de M. Treilhard, en date du 30 juin. Il y verra que les assemblées de 742 et de 744 étaient de vrais conciles; qu'en supposant même que les capitulaires dont il s'agit aient été l'ouvrage du sénat de la nation, il ne s'ensuit pas qu'ils n'aient pas été revêtus du sceau de l'autorité épiscopale; puisque, ainsi que l'attestent Hincmar et Reginon, les diètes de cette époque, partagées en deux chambres, traitaient séparément des choses ecclésiastiques et séculières (2). »

Les évêques avaient avancé qu'on ne trouvait point d'exemple d'élection à une cure faite par le peuple. M. Camus prétend qu'on en a cité ailleurs; et c'est M. Camus lui-même qui a cité ces exemples on lui avait pourtant prouvé qu'il n'est pas heureux en citations.

M. Camus cite en preuve du contraire, Gohard, Traité des bénéfices. Eh bien, ouvrez cet auteur, tome 2, à l'endroit cité par M. Camus, et vous verrez, dans les deux seuls passages de Gohard, qu'il n'y est nullement question d'élection. Le premier est une décrétale de Léon IV, en 853, qui ne parle point de choix, mais de simple consentement du peuple. Le second est un canon d'un concile de Rome, en 826, sous Eugène II, qui exclut textuellement le peuple de l'élection, et qui la réserve au clergé seul, sauf ensuite l'assentiment du peuple.

Voyons si M. Camus est plus heureux en raisonnements qu'en citations: Les apótres ont laissé au peuple le choix des diacres; donc le peuple doit avoir aussi le choix de ses curés. M. Camus connait très bien les droits, les prérogatives des curés, ainsi que les fonctions qu'ils doivent remplir; et je le prie de relire, dans le sixième chapitre des actes des apôtres ce qui y est raconté sur l'objet de l'établissement des diacres (3); et quant à ce

(1) Voici ce capitulaire que M. Camus s'est bien gardé de citer; et par quelle fatalité arrive-t-il qu'après avoir fait ailleurs des doubles emplois on le trouve ici coupable d'une réticence? « Statuimus unà cum consensu ecclesiastico.... Assistentibus quoque et specialiter consentientibus.... episcopis à quibus jam dictæ parochiæ partes à nobis sibi olim commendatas recipimus.

(2) Ego Karlomannus.... anno 742.... episcopos qui in regno meo sunt eum præsbiteris, ad concilium et synodum congregavi.

In plena synodo, anno 744.... unà cum consensu episcoporum sive sacerdotum vel servorum Dei consilio, sive comitum et optimatum Francorum colloquiis, apud Suessionis civitatem, synodum vel concilium facere decrevimus.

(3) Convocatis autem duo decim... non est æquum nos... ministrare mensis: Considerate ergò.... quos constituamus super hoc opus.

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