Abbildungen der Seite
PDF
EPUB
[ocr errors]

HISTOIRE ET DESCRIPTION

DE TOUS LES PEUPLES,

DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, COUTUMES, ETC

ANNALES DE L'HISTOIRE DE FRANCE,

PAR M. PH. LE BAS,

MEMBRE DE L'INSTITUT.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

sans avoir connu l'amour, trahi par ses favoris, abandonné sur le trône, presque seul au milieu d'une cour qui n'attendait que sa mort, qui la prédisait sans cesse, qui le regardait comme incapable d'avoir des enfants, le sort du moindre citoyen paisible dans sa famille était bien préférable au sien. Le cardinal de Richelieu fut peut-être le plus malheureux des trois, parce qu'il était le plus haï, et qu'avec une

mauvaise santé il avait à soutenir de ses mains teintes de sang un fardeau immense dont il fut souvent près d'être écrasé (*). »

Louis XIII avait établi par son teståment un conseil de régence, dont le prince de Condé devait être le chef pendant la minorité de Louis XIV, qui n'avait que cinq ans. Cependant la reine Anne d'Autriche fut proclamée régente par le parlement, qui cassa le testament de Louis XIII. Jusque-là, elle avait été éloignee du pouvoir, moins par la jalousie de Richelieu que par l'aversion de son époux;

(*) Voltaire.

T. II 1 Livraison. (ANNALes de l'hist. de France.)

1

on l'avait même tenue dans une espèce de séquestration. Un arrêt du parlement ne l'en investit pas moins de tout le pouvoir royal. Elle appela d'abord au pouvoir Augustin Potier, évêque de Beauvais, le chef de la cabale des importants, qui se croyaient appelés à jouer un grand rôle dans le nouveau gouvernement. Mais leur règne ne dura pas longtemps. Un parvenu italien, Mazarin, que sa finesse et ses talents avaient fait remarquer de Richelieu, se trouva bientôt à la tête du nouveau gouvernement. Anne d'Autriche, dont il était parvenu à gagner l'affection, le nomma surintendant de l'éducation du roi, et le fit entrer dans le ministère. Il s'y affermit par la ruse. Les importants lui ayant marqué de la défiance, il déclara qu'il ne resterait au ministère que jusqu'à la conclusion de la paix, et qu'ensuite il se retirerait à Rome pour y terminer sa vie au sein de la retraite. Cette promesse trompeuse leur inspira une sécurité entière, et lorsqu'ils s'aperçurent de sa ruse, il était trop tard: Mazarin s'était tellement emparé de la confiance de la reine, qu'ils ne parvinrent pas à ébranler son crédit. Les duchesses de Montbazon et de Chevreuse, qui avaient dirigél'intrigue tramée contre le ministre, furent éloignées de la cour. Le duc de Beaufort, épris d'un amour romanesque pour la duchesse de Montbazon, s'emporta en reproches injurieux contre le cardinal, et ne réussit qu'à se faire enfermer au château de Vincennes. « C'éto ́t, dit le président Hénaut, un homme tout fait pour être aimé de la populace; aussi l'avoit-on nommé le roi des halles, dont il parloit le langage: grand, bien fait de sa personne, adroit aux exercices, infatigable, rempli d'audace, les manières grossières, que l'on prenoit pour de la franchise, mais artificieux, et aussi fin que le peut être un homme de peu d'esprit. Il crut, et il le persuada à toute la cour, qu'il alloit jouer un rôle dans les commencements de la régence. Il se sauva de prison, et fut depuis le heros de la guerre de Paris. Il étoit le second fils de César de Vendôme, fils naturel de Henri IV. »

Enfin l'évêque de Beauvais, que le cardinal de Retz appeile dans ses mémoires une bête mitrée, et le plus idiot des idiots, fut renvoyé dans son diocèse, et alors la cabale des importants, privée de ses principaux chefs, se trouva dissoute.

Voici comment M. Mignet a caractérisé Mazarin dans sa belle préface des Négociations relatives à la succession d'Espagne :

« Mazarin, dit-il, avait coutume de dire que quand on a le cœur on a tout. Il s'assura dès lors du cœur de la régente. Richelieu s'était adressé au bon sens de Louis XIII, qui avait reconnu son indispensable utilité; Mazarin s'appuya sur la passion d'Anne d'Autriche, qui ne put jamais consentir à se séparer de lui. Pour gouverner, l'un s'imposa, l'autre se fit aimer.

« Mazarin avait l'esprit grand, prévoyant, inventif, le sens simple et droit, le caractère plus souple que faible, et moins ferme que persévérant. Sa devise était le temps et moi. Il se conduisait non d'après ses affections ou ses répugnances, mais d'après ses calculs. L'ambition l'avait mis au-dessus de l'amour-propre, et il était d'avis de laisser dire pourvu qu'on le laissât faire; aussi était-il insensible aux injures et n'évitait-il que les échecs. Ses adversaires n'étaient pas même des ennemis pour lui. S'il se croyait faible, il leur cédait sans honte; s'il était puissant, i les emprisonnait sans haine. Richelieu avait tué ceux qui s'opposaient à lui; Mazarin se contenta de les enfermer. Sous lui, l'échafaud fut remplacé par la Bastille. Il jugeait les hommes avec une rare pénétration, mais il aidait son propre jugement du jugement que la vie avait déjà prononcé sur eux. Avant d'accorder sa confiance à quelqu'un, il demandait : « Est-il heureux? » Ce n'était point de sa part une aveugle soumission aux chances du sort; pour lui, être heureux signifiait avoir l'esprit qui prépare la fortune et le caractère qui la maitrise. Il était incapable d'abattement et il avait une constance inouïe, malgré ses variations apparentes. Résister dans cer

tains cas et à certains hommes, ne lui paraissait pas de la force, mais de la maladresse; aussi ne cédait-il que pour reprendre, ne partait-il que pour revenir. Un de ses plus spirituels antagonistes, la Rochefoucauld, a dit de lui qu'il avoit plus de hardiesse dans le cœur que dans l'esprit, au contraire du cardinal Richelieu, qui avoit l'esprit hardi et le cœur timide. » Si le cardinal de Richelieu, qui était sujet à des accès de découragement, était tombé du pouvoir, il n'y serait pas remonté; tandis que Mazarin, deux fois fugitif, ne se laissa jamais abattre, gouverua du lieu de son exil, et vint mourir dans le souverain commandement et dans l'extrême grandeur (*). »

1643-1648.

Politique extérieure. Continuation du système de Richelieu. - Bataille de Rocroi. - Paix de Westphalie. Après la chute de la cabale des importants, la France se trouva heureuse sous la régence d'Anne d'Autriche et sous le gouvernement de Mazarin, jusqu'aux temps de la Fronde. Tout le monde se sentait heureux d'être délivré de cette main de fer que Richelieu avait fait peser sur tous. Autant ce dernier avait montré de sévérité et d'énergie, autant le nouveau ministre montra de facilité et presque de faiblesse. Ce fut d'abord l'âge d'or des courtisans: pensions, places, gratifications, rien n'était refusé; le trésor public fut mis au pillage. « Il n'y avoit plus, dit le cardinal de Retz, que deux ou trois petits mots dans la langue française: La reine est si bonne. » Un sentiment général de satisfaction et de sécurité régnait dans la nation. Cette période heureuse, qui dura quatre ans, fut décorée par les poëtes de l'époque du nom pompeux d'age d'or, et fit dire, en rappelant le souvenir de la régence de Blanche de Castille, que l'Espagne n'a donné que de bonnes reines à la France. Le parlement, dont

a

(Mignet, Négociations relatives à la succession d'Espagne. Introduction, t. I, P. XLV et suiv.

Richelieu avait brisé et presque annulé le pouvoir, et qui venait, en cassant le testament du feu roi, de rendre un si grand service à la régente, n'était pas moins heureux de relever la tête, et prétendait à une grande part dans le gouvernement. Le peuple espérait qu'on diminuerait les impôts dont il était accablé. Bien qu'ils fussent nécessités par la glorieuse guerre entreprise pour abaisser la maison d'Autriche et rétablir l'équilibre en Europe, il ne les croyait dus qu'à l'impitoyable tyrannie de Richelieu et de Louis XIII. Aussi detestait-il leur mémoire, malgré les immenses services qu'ils avaient rendus au pays.

Cependant le changement de règne ne changea point les principes genéraux du gouvernement. La politique extérieure demeura la même, et la grande guerre que Richelieu avait entreprise contre l'Autriche fut continuée. Nous n'entreprendrons point ici le récit détaillé des événements de cette dernière partie de la guerre de trente ans il nous suffira de marquer les faits principaux et les résultats les plus importants.

1643.

Bataille de Rocroi. En 1643, l'élite des forces espagnoles menaçait la frontière de France du côté des PaysBas. Les Espagnols, commandés par un vieil et excellent général, de Mellos, espéraient arriver, comme huit ans au paravant, jusqu'aux portes de Paris. La cour fut si effrayée, qu'elle ordonna au jeune duc d'Enghien, qui commandait l'armée française, de ne point hasarder une action générale contre des troupes si vaillantes et si bien conduites. Le prince eut l'heureuse hardiesse de désobéir. Il contraignit le général qu'on lui avait donné pour guide à trouver la bataille nécessaire. Elle fut livrée dans la forêt des Ardennes, près du village de Rocroi. On raconte que la nuit qui précéda le combat, le prince dormit d'un si profond sommeil, qu'il fallut le réveiller pour donner le signal du combat. Les Français, un instant repoussés, finirent

par remporter une victoire complète : le duc d'Enghien y déploya cette valeur, ce sang-froid et cet admirable coup d'oeil qui lui valurent plus tard le nom de grand Condé. Tout ce qui restait de ces vieilles bandes espagnoles, de cette infanterie qui passait pour la première de l'Europe, fut exterminé dans les plaines de Rocroi. Leur général, de Mellos, y perdit la vie; un petit nombre de cavaliers échappèrent seuls à ce désastre. Cette victoire, qui inaugura le nouveau règne et couvrit de lauriers le berceau de Louis XIV, est remarquable encore sous un autre rapport, que M. Michelet a fait ressortir.

« L'infanterie française, dit-il, prit pour la première fois sa place dans le monde par la bataille de Rocroi. Cet événement est bien autre chose qu'une bataille, c'est un grand fait social. La cavalerie est l'arme aristocratique, l'infanterie l'arme plébéienne. L'apparition de l'infanterie est celle du peuple. Chaque fois qu'une nationalité surgit, l'infanterie apparaît. Tel peuple, telle infanterie. Depuis un siècle et demi que l'Espagne était une nation, le fantassin espagnol régnait sur les champs de bataille, brave sous le feu, se respectant lui-même, quelque déguenillé qu'il fût, et faisant partout respecter le senor soldado; du reste, sombre, avare et avide, mal payé, mais sujet à patienter en attendant le pillage de quelque bonne ville d'Allemagne ou de Flandre. Ils avaient juré au temps de Charles-Quint: « Par le sac de Florence! » Ils avaient pillé Rome, pris Anvers, puis je ne sais combien de villes des Pays-Bas. Parmi les Espagnols, il y avait des hommes de toutes nations, surtout des Italiens. Le caractère national disparaissait. L'esprit de corps et le vieil honneur de l'armée les soutenait encore, lorsqu'ils furent portés par terre à la bataille de Rocroi. Le soldat qui prit leur place fut le soldat francais, l'idéal du soldat, la fougue disciplinée. Celui-ci, loin encore à cette époque de comprendre la patrie, avait du moins un vif sentiment du pays. C'était une gaillarde popula

tion de fils de laboureurs, dont les grands-pères avaient fait les dernières guerres de religion. Ces guerres de partisans, ces escarmouches à coups de pistolet firent toute une nation de soldats; il y eut dans les familles des traditions d'honneur et de bravoure. Les petits-fils, enrôlés, conduits par un jeune homme de vingt ans, le grand Condé, forcèrent à Rocroi les lignes espagnoles aussi gaiement que leurs descendants franchirent, sous la conduite d'un autre jeune homme, les ponts d'Arcole et de Lodi (*). »

Après cette victoire brillante, la fortune de la France parut plus assurée que jamais. Les années suivantes ne furent qu'un enchaînement de triomphes: le grand Condé marchait de victoire en victoire. Il fut vainqueur successivement à Fribourg, à Nordlingen, à Lens. En même temps, le vicomte de Turenne commençait à se faire connaître par des combats difficiles et disputés, où, sans avoir constamment l'avantage, il annonçait l'un des plus grands génies militaires de l'Europe moderne. L'Espagne, accablée par tant de revers, allait être forcée de demander la paix, lorsque des troubles qui éclatèrent en France vinrent lui donner pour l'avenir des espérances chimériques. Elle s'en repentit plus tard. L'empereur, au contraire, eut le bon esprit de continuer les négociations, et elles amenèrent enfin le traité de Westphalie (**). Ce traité maintint la division et par conséquent la faiblesse de l'Allemagne, en assurant aux princes de l'Empire l'indépendance territoriale. Il concilia les prétentions de plusieurs d'entre eux, aux dépens de quelques principautés ecclésiastiques qui furent sécularisées. Il donna aux Suédois une province de l'Empire, et confirma à la France la possession de l'Alsace (1648). 1647-1653.

[ocr errors][merged small]
« ZurückWeiter »