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confiance en leur propre sagesse; d'autant plus opiniâtres dans la bonne opinion qu'ils ont d'eux-mêmes, que leur entêtement a sa source dans des erreurs acquises à grands frais de tems et d'éducation.

Les sciences physiques et mathématiques, les arts et l'industrie, ont sans doute fait d'immenses progrès; mais la civilisation, considérée comme science morale, est demeurée imparfaite. En vain quelques peuples de l'Europe me montreront-ils des palais, des tableaux, des statues; en vain m'étaleront-ils tous les prodiges de l'industrie et des arts: c'est à d'autres signes que je puis reconnaître des nations civilisées. Tout le luxe, toute la pompe du génie lui-même, décorent la barbarie, et ne la font pas disparaître.

Montrez-moi vos lois, vos institutions, dirai-je à ces peuples si vains de leurs théâtres et de leurs arcs de triom

phe; apprenez-moi quels principes vous régissent, quelle éducation vous donnez à vos enfans. Je vous demande des actions, vous me présentez des livres ; je vous parle de sentimens, de croyances, et vous m'étalez des doctrines : n'écrivez-vous de si admirables choses que pour vous dispenser d'en faire d'honnêtes ?

Dès qu'un homme s'est trouvé en présence d'un autre homme, les devoirs d'individu à individu ont pris naissance.

Dès que plusieurs hommes se sont rassemblés au bord d'un fleuve pour y élever les cabanes d'une société naissante, cette société s'est imposée des devoirs envers chacun de ses membres; et chaque individu à son tour a contracté des engagemens tacites ou exprimés envers la société souveraine.

Dès que deux ou plusieurs peuplades ont formé des sociétés séparées à des distances plus ou moins rapprochées les

unes des autres, ces différentes sociétés ont eu des devoirs à remplir.

Cette grande machine politique a pour ressort principal la justice; pour moyen conservateur, le patriotisme; pour principes de destruction, l'anarchie ou l'arbitraire.

Que l'individu soit juste pour son semblable et pour la société ; que la société soit juste pour l'individu et juste pour les autres sociétés; voilà le devoir universel: que l'individu tyrannise ou son semblable ou les autres sociétés; que la société à son tour tyrannise ou l'individu ou les autres sociétés, voilà le crime : enfin, que l'individu se sacrifie pour la société, voilà l'héroïsme.

Telles sont les bases immuables du grand code émané de la justice universelle ses principes ont leurs échos dans la conscience de tous les hommes; comment ne pas s'étonner qu'ils aient été jusqu'ici méconnus, et que les peuples

qui se vantent de la plus haute civilisation en aient à peine adopté quelques préceptes dans l'habitude des relations civiles et individuelles?

La nécessité de la justice entre les individus se fait comprendre de tous les esprits, se fait sentir à tous les cœurs ; et cependant ce principe universel, borné dans son application, n'a jamais été suivi dans ses conséquences.

Une justice rigoureuse a été invoquée dans la morale individuelle; une justice de convention (ce que Pope nommait a crooked justice), a constamment régi les sociétés.

Comble de la honte et de la déraison! les nations sont demeurées, par rapport les unes aux autres, dans un état de nature sauvage, pendant que les hommes dont elles se composent obéissent à une civilisation plus ou moins perfectionnée. L'injustice gouverne les masses, tandis que les individus sont soumis entre eux

à une justice dont l'extrême rigueur est souvent une injure à l'humanité.

L'assassinat est le plus grand des crimes; et, pour venger le crime, la société se rend coupable d'assassinat.

Elle punit de mort le vol à main armée, c'est-à-dire l'usurpation de la propriété d'autrui ; et, dans le même arrêt, elle ordonne de confisquer, c'est-à-dire d'usurper à son profit le bien du condamné. Les sociétés punissent le vol, et font des conquêtes, et usurpent à leur profit des provinces, des royaumes entiers.

En un mot, le crime n'est réputé crime aux yeux de la loi que lorsqu'il est commis par l'individu au détriment de l'individu : qu'il soit commis par cent mille hommes contre un seul, par un seul contre cent mille, par des peuples contre des peuples, non-seulement il est excusé, mais il prend le nom d'héroïsme, d'honneur, ou même de vertu.

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