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plus les étrangers que la liberté et l'opulence qui la suit toujours. L'une se fait rechercher pour elle-même, et les hommes sont conduits par leurs besoins dans les pays où l'on trouve l'autre. » Le despotisme ne crée que des déserts. Dans tous les lieux où la monarchie a succédé au gouvernement républicain, la population a diminué : elle suit la liberté et s'étend avec elle. Le prodigieux accroissement des richesses et de la population des Etats-Unis d'Amérique frappe d'admiration et d'étonnement les esprits qui ont médité le plus sur les miracles de l'indépendance civile et politique.

Montesquieu a remarqué que la douceur des peines est dans l'esprit de la république; leur sévérité augmente ou diminue à mesure qu'on s'éloigne ou qu'on s'approche de la liberté. La tyrannie des décemvirs avait appris aux Romains quel cruel usage la politique peut faire contre les innocens des peines prononcées par les lois contre les criminels; et il fut défendu de mettre à mort un citoyen romain.

Dans les états populaires l'égalité des citoyens produit ordinairement l'égalité dans les fortunes. Cette égalité porte l'abondance et la

vie dans toutes les parties du corps politique, et la répand partout.

Lorsqu'une couronne de chêne ou de laurier est le prix des services les plus signalés, ce prix n'est disputé que par les gens de bien la ré

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compense de la vertu n'est ambitionnée que par les vertueux. Les décorations, les titres, les pensions et les riches emplois, sont des amorces qui tentent davantage le vice, et sont plus à sa convenance. Dans la démocratie, toutes les distinctions étant fondées sur les qualités individuelles, les ames élevées s'occupent avec passion des intérêts et des affaires de la république. Comme c'est seulement par les talens, par le courage, par les vertus, qu'on peut mériter la confiance et arriver aux emplois ; que le rang, la naissance, et les autres avantages étrangers au mérite personnel, n'y ont aucune influence; il importe non seulement de se préserver des vices, mais des défauts même. C'est dans ces gouvernemens que toute action porte avec elle sa récompense par la publicité qu'elle reçoit, par la considération dont elle environne son auteur, par le plaisir si vif et si souvent renouvelé qu'elle lui donne de jouir, dans la rencontre

de chaque citoyen, de la vue d'un homme dont il est le bienfaiteur.

Sous le despotisme, l'homme ne connaît que les jouissances matérielles; et le même sol peut toujours les lui procurer, quel que soit le maître qui commande. Mais le noble orgueil qu'excite dans une nation la renommée de ses législateurs, de ses philosophes, de ses guerriers, les chefs-d'œuvre de sa littérature et de ses arts 9 l'amour de ses institutions, la protection de ses lois, la douceur de ses mœurs, le souvenir de ses journées de péril et de gloire; tous ces sentimens généreux dont le patriotisme se compose, tous ces biens qui font la grandeur et la richesse de la patrie, un maître peut les ravir, mais nul maître ne peut les rendre.

La liberté a des charmes si grands qu'il n'est point d'assoupissement politique que ne réveillent les souvenirs de la Grèce et de Rome ; point de nation chez laquelle la mémoire des oppresseurs du monde ne soit flétrie et abhorrée ; point de tyran que ne fasse trembler l'ombre de Caton, des deux Brutus, de Cassius, de Timoléon, de Washington et de Franklin.

Montesquieu place le sanctuaire de l'honneur,

de la réputation et de la vertu, au sein des républiques et dans les pays où l'on peut prononcer le mot de patrie. Les écrivains politiques les plus amis de la liberté ne reconnaissent point chez les nations européennes, vieillies dans les préjugés, l'ignorance et la servitude, assez de vertu pour supporter la démocratie; ils les jugent plus propres à être gouvernées par le système aristocratique; mais dans ce système la liberté n'existe que pour un petit nombre; le reste est écrasé : c'est le despotisme aux cent têtes; et ce qui rendait le gouvernement de quelques états de l'Europe plus intolérable pour la masse des habitans que le despotisme oriental, c'est qu'il réunissait la tyrannie aristocratique à l'oppression du pouvoir absolu.

CHAPITRE VIII.

Des Monarchies constitutionnelles.

Si donc nos mœurs ne sont pas assez pures pour supporter les épreuves et se soumettre aux

patriotiques dévouemens qu'exige la démocratie, recherchons s'il ne serait pas quelque autre organisation sociale propre à nous faire jouir de toute la portion de liberté que comporte le degré de civilisation où nous sommes parvenus.

Partout où l'autorité du prince n'est point limitée par les lois, il est dans la nature des hommes et des choses que la bonté dégénère en faiblesse, la générosité en profusion, l'économie en avarice, la justice en cruauté : ainsi le seul gouvernement monarchique conforme à la morale est celui qui empêche les vertus du prince de se corrompre, qui donne un appui à sa faiblesse, des entraves à sa force, et le retient de toutes parts dans les limites de la justice; c'est le gouvernement dont le prince ne peut mal faire.

Tel est le gouvernement représentatif, la plus sublime et la plus utile découverte de l'esprit humain. En effet, quelle admirable conception de la sagesse qu'un ordre de choses qui garantit à la fois la puissance du monarque et la liberté des sujets; qui rend inviolable la personne de celui-là et les droits de ceux-ci; qui fait peser sur les seuls ministres la responsabilité des actes du gouvernement dont ils sont

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