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à la conservation de cette société, hors de laquelle il n'y a pas pour lui d'existence.

Cette chaîne n'existait pas pour les anciens. Cicéron, dans son traité des Devoirs, établit sur les bases de cette philosophie stoïcienne (où Montesquieu voyait le plus haut degré de la sagesse humaine), Cicéron, dis-je, établit des principes de morale qui ne diffèrent de ceux de l'Evangile qu'en cela seulement qu'il les présente indépendans de toute croyance religieuse.

Un grand écrivain a dit : « Cultiver la vertu, regarder toute superstition avec horreur ou avec pitié, c'est être philosophe, c'est être religieux.

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Adorer la cause première et finale qui se manifeste dans toute la nature; croire que l'être intelligent qui fait le bien et évite le mal, dont il a le sentiment inné, se conforme à la volonté de l'éternel créateur; que toute action aura son châtiment ou sa récompense, c'est penser en homme religieux n'est-ce pas aussi penser en philosophe ?

:

La morale sans la foi ne cesse pas d'être la morale; mais, sans la morale, qu'est-ce que la foi? Vous croyez, dites-vous ; mais voyons d'a. bord ce que vous faites; car enfin, que m'im

porte votre croyance, si vos œuvres ne sont pas d'accord avec la justice éternelle ? Dans la morale, je ne sépare pas le précepte de la pratique, la règle de la conduite, et le commandement de l'exécution.

CHAPITRE V.

Objet et but de la Morale.

LA science morale a pour objet trois sortes de vertus, les vertus d'instinct ou naturelles, les vertus de devoir ou sociales, et enfin les vertus publiques, plus spécialement à l'usage de ceux qui gouvernent.

Je me propose de parler plus particulièrement de ces dernières, ce qui me conduira nécessairement à parler des vices qui leur sont opposés. J'examinerai s'il est vrai, comme l'ont soutenu les Machiavel, les Hobes, et même les Grotius, qu'il y ait une morale particulière à l'usage des hommes publics; s'il est vrai qu'une action contraire à l'honneur, à la probité d'un

simple citoyen, puisse être conforme à l'honneur, à la probité du prince ou du magistrat ; si la morale, égale pour tous dans ses préceptes, n'impose pas des devoirs plus austères à ceux qui donnent l'exemple qu'à ceux qui le reçoi

vent.

Décidé à dire sans amertume, mais aussi sans complaisance, ce que je crois être la vérité, je crains de me trouver bien loin des idées et des routes connues; d'avoir quelquefois à tenir un langage qui paraîtra téméraire, non parce qu'il sera violent, mais parce qu'il sera nouveau; car c'est principalement de la morale dans les hommes et dans les emplois publics que je me propose de traiter dans cet Ouvrage.

Je proteste d'avance contre toute fausse application, contre toute induction maligne ou de mauvaise foi que l'on pourrait tirer de l'exposition du plan que je viens d'exposer: même en citant des faits historiques, même en traçant des tableaux et des portraits d'après nature, ce n'est point un pays, un peuple, une cour, gouvernement en particulier, c'est encore moins tel ou tel individu que je me propose de peindre ; je ne puis avoir d'autre intention que de placer

un

dans un cadre sans limites l'homme de tous les tems, de tous les lieux, dans les diverses positions de la vie sociale; de l'observer dans les changemens, dans les modifications que le gouvernement et l'éducation apportent à ses mœurs, et d'arriver à la démonstration de cette vérité obscurcie depuis trop long-tems: Sans morale point de politique.

Sans doute il est des hommes qui ne peuvent entendre nommer un vice sans retourner la tête ; mais alors, en s'accusant eux-mêmes, ne doivent-ils pas perdre le droit de crier à la calomnie?

Déterminé, je le répète, à laisser les hommes pour ne m'occuper que des choses, à prendre au hasard mes exemples dans le vaste champ del histoire, sans acception de tems et de lieux, à ne donner pour limites à ma pensée que celles de l'état social, je ne dois pas avoir à craindre, dans cette sphère toute métaphysique, de blesser les intérêts du moment, et de heurter de front les passions contemporaines.

LIVRE II.

La religion considérée DANS SES RAPPORTS AVEC LA MORALE.

CHAPITRE PREMIER.

Observations préliminaires.

MONTESQUIEU n'a considéré les religions que sous le rapport du bien que l'on en tire dans l'état civil; moi, je ne les examine que dans leur rapport avec la morale. Des hommes qui se sont arrogé le droit de commander la croyance, pour se débarrasser du soin de convaincre, n'hésiteront pas à déclarer qu'une telle recherche est dangereuse. Mais à qui, mais dans quelles circonstances la morale peut-elle être nuisible?

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