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Copie du rapport des journées des 13, 14, 15, 16, 17 et 18 juillet 1789.

En ma qualité d'électeur, je me trouvai, le lundi 13 juillet, à l'Hôtel-de-ville, pour y remplir mon devoir. Sur les quatre heures après-midi, on y transporta quatre barils de poudre, que l'on déposa dans la cour, en face de la statue de Louis XIV, où le peuple en foule demandait, avec instance, que l'on lui en livrât; autrement qu'il allait les défoncer. Témoin de l'émotion du peuple, je l'engageais, autant que ma voix pouvait se faire entendre à travers le tumulte, de ne pas défoncer les barils, tant je prévoyais combien de gens mal-intentionnés et imprudents pouvaient commettre de désordre, s'ils avaient une fois la poudre à discrétion. Je me disposai même à aller chercher les gardes-de-ville pour contenir le peuple obstiné, lorsque j'entendis un coup de fusil partir à côté desdits barils: un frémissement me saisit; mais il n'eut pas de suite; et les gardes-de-ville, armés seulement avec leur épée, vinrent entourer les barils, et écartèrent un peu la foule qui voulait s'en emparer. Sur le champ, j'allai trouver M. Deflesselles qui était chez M. Veytard, avec quelques électeurs; je leur fis part du danger de laisser la poudre dans la cour, exposée à être pillée par le peuple. Il fut convenu que l'on me donnerait un endroit propre à renfermer les barils, et dont M. Deflesselles me fit donner la clef. Ce fut dans les bureaux des payeurs de rentes, où sont aujourd'hui deux corps - de - garde.

A peine les quatre barils y furent-ils déposés, que l'on apporta quatre-vingt barils que le peuple avait saisis sur le port Saint-Nicolas. Je les fis mettre dans le second bureau ; je pris alors deux hommes qui se trouvèrent là,

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qui se dirent déserteurs des canonniers, pour m'aider à distribuer au peuple la poudre en cornet, et c'est ce qui dura jusqu'à deux heures après minuit, que je fis fermer la première porte des magasins; mais bientôt une nouvelle foule brise la porte sous les coups redoublés de haches et de pieux : elle est encore dans le même état. Elle entre avec violence, et, dans l'impétuosité, un coup de pistolet part; la balle, m'ayant effleuré légèrement, porta sur la fenêtre, dont elle cassa plusieurs carreaux. Je fus forcé de distribuer de la poudre, en sacs et cornets, à ce peuple effréné qui me présentait, d'un air menaçant, des piques, sabres et autres armes.

Le reste de la nuit se passa à cette distribution.

A la pointe du jour, un homme assez mal vêtu vint s'asseoir sur un baril de poudre, et fumait tranquillement sa pipe. Alarmé du danger que je courais, ainsi que ceux qui étaient présents, j'offre de lui acheter sa pipe, moyennant 3 liv. qu'il prit. Je l'a jetai par la fenêtre. Depuis cet instant, j'ai toujours délivré la poudre jusqu'à trois heures après-midi, heure à laquelle vinrent les gardes-françaises, qui me demandèrent des barils de poudre pour assiéger la Bastille. Je leur livrai, sur leur demande, trois barils, sans autre permission. A cinq heures, d'autres citoyens vinrent aussi me demander de la poudre pour terminer le siége. Je leur en délivrai deux autres barils, et l'instant d'après je vis arriver un groupe de gens de toute espèce qui montèrent à la Ville, et me dirent que la Bastille était prise ; ce que j'eus peine à croire. En effet, sur les six heures, un peuple immense, arnié de toute pièce, venant de la Bastille, arrive sur la place de Grève. Au milieu, était M. Dėlaunay, le gouverneur. Là, après avoir été massacré à coups de crosses de fusils,baïonnettes, par le peuple, on lui coupa la tête devant la porte de la Ville, sous les fenêtres de

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mon magasin : ce qui me convainquit que cette forteresse était réellement prise. A peine l'expédition de M. Delaunay était faite, que vingt à vingt-cinq hommes de la milice de Saint-Denis vinrent se réfugier à mon bureau me demandant de quoi vivre et mourant de faim. Je leur fis donner du pain et du vin : leurs besoins satisfaits, ils s'offrirent à passer la nuit pour m'aider à faire la distribution, ce que je n'acceptai pas. Je les renvoyai au commandant-général qui était alors M. Delasalle. Le peuple m'assaillait pour avoir de la poudre et des armes que je leur distribuai toujours. Sur les neuf heures du soir, trois de MM. les électeurs vinrent à mon magasin, me proposèrent de m'aider. Surpris de voir arriver quarante-cinq milliers de poudre, venant de la Bastille et autre part, me reposant sur leur offre, je sortis un instant pour prendre de quoi me soutenir le reste de la nuit. Je revins à dix heures, et surpris de ne trouver que mes deux garçons, je leur demandai où étaient mes confrères ; ils me répondirent qu'ils s'étaient retirés. Je passai la nuit toujours dans la même perplexité, au sujet des poudres. A une heure du matin, 'un électeur vint me trouver avec M. le chevalier Désaudraye, et me demandèrent si je n'avais aucune inquiétude étant seul: ils me firent observer seulement à mettre du papier autour des chandelles. Sur le matin, on m'apporta des piques et autres objets, et l'on m'offrit des fusils à acheter, provenant de la prise faite aux Invalides. Je fus consulter M. Delasalle, qui m'engagea à les acheter ; j'en pris vingt-sept qui furent déposés au magasin, et ensuite distribués, ainsi que la poudre, par les ordres du commandant - général. Demi-heure après, l'on ap-. porta des tentes, matelas, couvertures, etc. que l'on me dit avoir été enlevés au Champ-de-Mars, ainsi que d'autres effets qui furent transportés dans les magasins

du greffe, et entre autres les débris de la voiture du prince de Lambesc, et des bagages appartenants au régiment cantonné à Vaugirard; enfin une tonne en fer appartenante à la caisse de Poissy, qui fut déposée dans mon magasin, au milieu des barils de poudre. Je remplis mes fonctions, sans avoir rien éprouvé de remarquable jusqu'au 16 matin, époque où l'annonce de l'arrivée du monarque fit naître l'idée de transporter les poudres dans un lieu moins exposé à la foule qui nécessairement précéderait le roi. Après bien des réflexions, je proposai de les transférer à l'hôtel de Soubise, sous la galerie de la grande cour; ce qui fut à l'instant exécuté. Elles furent gardées par les troupes des Capucins et des EnfantsRouges, jusqu'au 18 matin. Après avoir pris toutes les précautions nécessaires, en pareil cas, je les fis transporter à l'Arsenal. Je les remis entre les mains de M. Mazurier, qui m'en donna une décharge. Depuis cette époque, je ne fis que délivrer les effets saisis, tels que les cartouches, tentes, matelas, couvertures, bidons, etc.

Signé, l'abbé, LEFEVRE.

SECONDE ÉPOQUE.

LAFAYETTE, né le 6 septembre 1757.

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Lorsqu'on désespérait de la cause des insurgés en Amérique, acheta un navire, leur porta des secours, malgré les défenses de Versailles, et débarqua à Charlestown, au commencement de 1777; fut fait général-major, servit comme volontaire, fut blessé à la première bataille, rejoignit le général Greem dans le Jersey, battit, avec quelques milices, un corps d'Anglais et Hessois, et eut le commandement d'une division. En 1778, il tenta une expédition sur le Canada, retira sans perte, à Barrenhill en Pensylvanie, un corps entouré par l'armée d'Howe et de Clinston; commanda à la bataille de Monmouth, d'abord une avant-garde, puis la seconde ligne; commanda l'arrière-garde des troupes du général Sullivan, engagées sur Rhodesisland, et reçut une épée du congrès.

A 22 ans, il revint en France chercher des secours d'hommes, de vaisseaux et d'argent; débarqua à Boston, où il fut reçu avec honneur; commanda, pendant cette campagne, l'infanterie légère et les dragons.

La campagne suivante, il fut chargé de la défense de la Virginie contre l'armée de lord Cornwalis, et s'y maintint sans être entamé ; sauva les magasins de l'armée du Sud, reçut quelques renforts, et après plusieurs mois d'une campagne très-active, réussit à enfermer lord Cornwallis dans la position d'Yorktown. L'amiral Grasse entra dans la baie avec trente vaisseaux de ligne, et envoya le marquis de Saint-Simon, avec trois mille Français, renforcer l'armée de Lafayette. Grasse et Saint-Simon pressèrent Lafayette d'attaquer; mais, sûr que son adversaire ne pouvait plus échapper, il voulut épargner le sang, et attendit le général Washington et le général Rochambeau, qui vinrent de Newyork avec de nouvelles forces. La capitulation de Yorktown, 19 octobre 1781, décida le sort de cette guerre.

En. 1784, il fit un voyage aux Etats-Unis, reçut partout, même des nations sauvages, des témoignages d'affection et de gratitude.' En prenant congé du congrès à Trenton, dans le Jersey, il termina son discours par ces mots: « Puisse ce temple immense, que nous ve,

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