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II Ep. les adresses de félicitation

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les actes d'adhé1789. sion des provinces et des villes principales, arrivaient en foule; bientôt il eût fallu consacrer les séances entières à les lire, on fut obligé de se réduire à faire mention honorable des intitulés de chacune. Les dangers réels de l'assemblée, grossis encore par l'éloignement des lieux et par la renommée, lui avaient acquis, une considération qui lui valut bientôt la toute-puissance; sa conduite ferme et mesurée lui gagna en même temps la confiance générale. Dès le second mois de sa session, l'assemblée pouvait tout ; et ceux qui lui ont reproché d'avoir trop voulu, n'ont pas considéré qu'elle resta toujours en deçà de sa puissance.

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Après les adresses des provinces, les corps judiciaires de la capitale comparurent à sa barre; le parlement de Paris, qui s'était contenté de faire part au président de l'assemblée d'un de ses arrêtés, fut mandé en la personne de son premier président : on apportait à l'assemblée l'hommage et le respect des cours souveraines, et l'assemblée les recevait, en témoignant sa satisfaction.

Les affaires étaient plus difficiles à traiter avec la commune de Paris; c'était - là que s'adressaient ceux qui avaient besoin de difficultés et d'embarras publics : déja l'assemblée avait sagement renvoyé tout ce qui pouvait tenir à la police, et même à l'approvisionnement

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journalier de la capitale; on vint lui demander 11. Ep. l'érection d'un tribunal extraordinaire pour juger 1789. les crimes de lèse-nation, et l'assemblée eut la sagesse de renvoyer cet établissement à celui de la constitution dont il devait faire partie : ellemême sentait déja se développer dans son sein le germe des partis qui devaient la diviser. Une circonstance, peu importante, les signala le duc de Liancourt avait été nommé président, et, après sa quinzaine finie, Thouret fut élu au 1."août. scrutin pour lui succéder; son élection était légale, inattaquable; mais Thouret était un de ceux que l'on appelait des 90; c'étaient les membres qui, lors de la constitution de l'assemblée nationale, s'étaient opposés à cette dénomination par opinion ou par inquiétude de l'avenir. Thouret était un avocat célèbre à Rouen, et même un administrateur estimé dans l'assemblée provinciale; il en avait rédigé le procès-verbal, qui était regardé comme un modèle en ce genre; il avait plutôt l'esprit de discussion et de rédaction, que l'esprit des affaires publiques; il sut ensuite regagner l'estime qui lui était due, et fut un des principaux rédacteurs de la constitution: fut-ce à ce titre, futce à des rivalités personnelles qu'il dut sa place parmi les victimes choisies au temps des proscriptions, sous le règne terrible de la hache révolutionnaire. Il y avait déja dans l'assemblée

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11. Ep. un parti plus spécialement populaire, celui qui se regardait comme éminemment chargé de la révolution: il était connu sous le titre de Club des Bretons; c'était les députés de cette province, ceux de Dauphiné, de Franche-Comté, et quelques autres, et ce fut la première origine de la société des jacobins, qui d'abord ne fut que la réunion de ceux qui voulaient la liberté publique, et la liberté publique à tout prix et avant tout; mais qui furent bientôt influencés, dominés, maîtrisés par ceux qui s'aperçurent que l'on ne pouvait renverser la liberté que sur elle-même.

On avait déja alors le pernicieux usage de faire courir, dans Paris, des listes de ceux dont l'opinion, à l'appel nominal, n'avait pas été celle du décret rendu : Thouret avait été sur cette liste, et l'on craignit que le choix de l'assemblée ne décréditât le parti; il fut donc résolu que, malgré le vœu proclamé du scrutin, Thouret n'occuperait pas la place de président. C'était sans doute une chose assez indifférente au bien public, que tel ou tel membre présidât; mais, ce qui ne le fut pas au bon ordre, ce fut de voir une minorité active et turbulente faire la loi à la majorité reconnue: Thouret donna sa démission; l'assemblée procéda à une autre élection, et, de ce jour, il fut connu que la volonté effective de l'assemblée n'était pas sa volonté générale, vérifiée léga

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lement par le scrutin; la majorité apprit à mé- II. Ep connaître son droit et ses forces ; et la minorité, quelle qu'elle fût par la suite, apprit à connaître les siennes, et souvent en fit usage.

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Les moyens extérieurs n'étaient pas négligés: on n'a jamais bien su comment, par quel art magique, toutes les communes de France furent mises debout en huit jours, et s'armèrent contre de prétendus brigands qui détruisaient et incendiaient les récoltes, et qui, cherchés et poursuivis partout, ne se trouvèrent nulle part; des députations de communes vinrent même à l'assemblée Pièces já demander des secours, et ne remportèrent que ce qu'on voulait, l'ordre de s'armer. Au terme où les choses en étaient, il est certain que cette mesure fut salutaire ; si elle causa quelques désordres, elle en empêcha beaucoup; elle établit une force publique que la loi put organiser; elle contint l'étranger par l'appareil imposant d'une nation entière armée; et s'il n'entreprit pas de troubler, par une invasion, on ne le dut qu'à l'incertitude du succès. On en a fait depuis honneur au génie de Mirabeau, et on peut croire qu'il y aida beaucoup; ses moyens mêmes furent assez simples; des courriers, partis, le même jour de la capitale, traversèrent la France sur tous les rayons, n'ayant d'autre mission que de dire partout qu'ils avaient laissé les brigands à quelques lieues en arrière, et qu'ils portaient l'ordre

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11. Ep. de s'armer contre eux : l'effervescence générale, et quelques avis répandus d'avance, suffirent pour déterminer une démarche à laquelle les esprits étaient déja disposés ; en 'moins de huit jours, l'assemblée apprit qu'elle avait une armée de plusieurs centaines de milliers d'hommes qui lui demandaient des ordres, et il devint prudent de leur en donner, de peur qu'ils ne vinssent à en prendre d'eux-mêmes; ainsi se formèrent ces gardes nationales, qui furent d'abord l'armée de la révolution au dedans, et, quelques années après, le salut de la France contre les ennemis du dehors. Cette grande commotion ne put cependant pas s'opérer sans donner un ébranlement à toute la machine politique les premières résistances du clergé et de la noblesse avaient laissé, dans le peuple, des impressions dont les agitateurs surent profiter; on exerça des violences coupables aux yeux de la raison et de l'humanité; on incendia dans plusieurs provinces, les châteaux; on détruisit les possessions: la Bretagne surtout fut le théâtre des excès les plus condamnables; partout, sous prétexte de recherches d'armes, on exerçait une inquisition à main armée; les haines de famille ou de parti, les vengeances personnelles, se couvrirent souvent du prétexte de la chose publique; on imaginą alors le mot aristocrate, pour désigner ceux que l'on voulait signaler comme

ennemis

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