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Depuis les succès de Necker, son éloignement était devenu l'objet des intrigues ; la passion, qui ne calcule rien, et la flatterie qui sert aveuglément les passions, obtinrent enfin son exil; on persuada au roi que ce ministre, sous des dehors de vertu, et sous des démonstrations de popularité, ne songeait qu'à se fonder une autorité personnelle sur les débris de la monarchie. Le 12 juillet, il reçut un ordre secret du roi, de quitter à l'instant le royaume ; et la confiance, en son caractère, se mêlant encore à l'expression de sa disgrace, le roi lui recommandait le secret; il fut obéi. Immédiatement, sans se permettre le moindre préparatif, sous prétexte d'une promenade qu'il avait coutume de faire tous les jours après dîné, il monta en voiture pour sortir du royaume, et le billet du roi lui servit de passe-port.

Pendant que l'on se félicitait à la cour, la capitale prenait les armes, les bustes de Necker et d'Orléans se trouvèrent réunis et portés dans les rues ; les barrières forcées et incendiées; le soir, l'autorité populaire fit fermer les spectacles; les troupes voulurent agir, ou plutôt on voulut faire agir les troupes, car déja elles avaient une opinion.

Le prince Lambesck, de la maison de Lorraine, s'emporta à des mouvements de colère, à des actes de violence, aussi imprudents que repré

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hensibles, dans le jardin public des Tuilleries. 1. Ep. Les soldats de la garde française se déclarèrent pour le peuple, firent feu sur les troupes; le premier sang coula. Ces mouvements avaient été prévus dans l'assemblée, et des instances. réitérées, des députations pressantes, avaient sollicité, près du roi, l'éloignement des troupes. Les nouveaux ministres écartèrent de lui, autant qu'ils le purent, la connaissance des événements, qu'on se flattait toujours de traiter en émotion passagère.

Mirabeau, avait le premier dénoncé les trou- 9 juillet. bles de Paris, et proposé une adresse au roi, d'abord ajournée, puis reprise, à l'instant, sur l'avis motivé de Lafayette. Cet écrit donna la mesure du talent de Mirabeau et de son génie ; cet homme extraordinaire, toujours si différent de lui-même, parce qu'il était forcé, par son caractère, d'obéir successivement à ses passions, à ses besoins, et même à ses principes; cet homme, auquel il ne manqua que de la moralité pour être un grand homme, reviendra souvent dans le cours de la révolution; ses actions seules peuvent le peindre, parce qu'il fut toujours le personnage que lui-même se choisit pour l'instant; une jeunesse fougueuse et des éclats scandaleux le firent arriver aux étatsgénéraux, sans autre titre que son génie; et, désespérant déja de l'estime publique, il ne

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songea plus qu'à conquérir la renommée à la place de la considération, et sa conduite politique fut toujours réglée par son ambition ; plus ambitieux encore de gloire et de célébrité, que de richesses ou d'honneurs: enfin, pour être un grand homme, il ne lui manqua qu'une grande pensée; c'est qu'avec de grands talents, l'immoralité avouée est une faute de politique et une erreur de calcul.

Paris était déja en armes ; les arsenaux forcés et pillés; la Bastille prise ; et le roi répondait encore en maître, en arbitre, des mesures de repression. Le jour même de ce grand événement, le magistrat, chargé de la police de la capitale, en arrivait, et, se trouvant dans l'antichambre du roi, avec la députation qui venait 72 et 13 le lui annoncer, il démentait affirmativement juillet.

ces faits, comme exagérés par la peur ou la malveillance. Cependant, dès la veille du 14 juillet, au matin, après une nuit d'alarmes et d'agitations, le tocsin, sonné dans tous les quartiers, avait rassemblé les habitants; les soldats des gardes françaises s'étaient mis à la tête des attroupements; on faisait délivrer les canons et les drapeaux de la ville; on ouvrit les prisons; les magasins de la maison religieuse de SaintLazare furent pillés et incendiés ; des citoyens s'étaient rassemblés à l'Hôtel de ville; comité des électeurs se forma, et détermina

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le

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l'établissement d'une garde bourgeoise; la nuit 1." Ep. se passa sous les armes, et l'on maintint de police ce qu'il en fallait pour empêcher le pillage. Pièces j. Le matin du 14, on arrêta plusieurs voitures, et la sortie de Paris ne fut plus libre. Plusieurs hommes, convaincus ou accusés de trahison, furent jugés et exécutés tumultuairement; on se porta en foule aux Invalides, les portes furent ouvertes sans résistance, et toutes les armes, environ 30 mille fusils enlevés sans effusion de sang; le prévôt des marchands, Flesselles, fut traduit au comité de l'Hôtel-de-ville, accusé de connivence avec les commandants militaires, notamment avec le gouverneur de la Bastille; malgré les efforts de plusieurs membres du comité, qui reclamèrent vainement les formes judiciaires et la justice, traîné à la Grève, abandonné à la fureur publique, sa tête alla effrayer ceux qui prévoyaient les suites des soulèvements tumultueux, et peut-être encourager ceux qui voulaient déja en faire l'instrument des vengeauces personnelles ou de leurs projets sanguinaires.

Le peuple n'avait que l'enthousiasme inséparable des premiers éclairs de la liberté toujours orageux; mais, parmi le peuple se mêlait des hommes à projets ou à systêmes, qui dirigeaient l'enthousiasme, ou payaient la férocité. Ce fut une diversion heureuse pour la chose pu

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1." Ep. blique, qui détourna l'effervescence générale vers une entreprise, dont l'audace prit un caractère de grandeur.

Le peuple demanda, à grands cris, le siége de la Bastille; quelques heures auparavant des citoyens s'y étaient portés en foule; on avait parlementé avec le gouverneur ; les premières cours étaient remplies; environ quatre cents hommes ayant dépassé le premier pont-levis des cours intérieures, le pont se haussa; et, soit désordre, soit mesure de sûreté, qui devint alors une vraie perfidie, le canon fut tiré sur la multitude, qui se dispersa d'abord et se rallia bientôt; les soldats des gardes françaises prirent la tête des attaques; ils s'y portèrent avec bravoure, et furent soutenus d'un feu vif, établi de tous les points des maisons voisines. Le canon arriva; et, soit par un coup de hasard qui rompit la chaîne du pontlevis, soit par l'intrépidité d'un homme qui se fit des échelons avec des bajonnettes fichées dans le mur, et alla scier la solive qui rattachait la chaîne, le pont tomba, et l'on put pénétrer jusques au second fossé, près duquel étaient les corps de ceux que la première décharge de l'artillerie du château avait renversés; le canon brisa la seconde porte ; un grenadier des gardes et un jeune bourgeois s'y jetèrent les premiers, celui-ci fut tué; la foule suivit, et le château fut enlevé. Le premier moment fut celui de

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