cher. Simon lui répondit: Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre , cependant je jetterai le filet sur votre parole. Obéissance aveugle, par laquelle Simon sacrifie ses propres lumières. Il savoit plus que tout autre, que le grand jour n'étoit pas un temps aussi favorable pour la pêche, que le temps de la nuit; il savoit, par une expérience toute récente, qu'il n'y avoit point de poissons dans cet endroit ; mais le raisonnement n'a point lieu quand il s'a-· git d'obéir. L'obéissance n'est point par- : faite, si on ne lui sacrifie ses propres lumières. Obéissance pleine de confiance. Si S. Pierre exposa au Sauveur ses pen-sées et ses réflexions, ce ne fut point pour l'engager à révoquer ses ordres, mais seulement pour lui marquer la pleine confiance qu'il avoit en lui. Malgré tout cela, lui dit-il, sur votre parole, je vais, sans délibérer, jeter le filet. Ce qui ne: veut pas dire seulement : Je vais le faire pour vous obéir, parce que vous l'or-. donnez, ce qui ne seroit qu'une obéissance d'action, et non une obéissance de jugement et de volonté ; mais je vais le faire sur votre parole, persuadé qu'agissant en votre nom et par vos ordres, mon travail ne sauroit être vain, inutile et sans succès. Enfin, obéissance prompte. A peine Pierre a-t-il achevé ses paroles, que lui et ses gens jettent le filet, sans attendre

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attendre du Sauveur ni réponse, ni explication, ni nouveaux ordres, ni nouvelle assurance. Est-ce ainsi que nous obéissons à nos supérieurs qui nous tiennent sur la terre la place de Jesus-Christ?

2.o Observons le succès de l'obéissance de S. Pierre. Et l'ayant jeté, ils prirent une si grande quantité de poissons, que leur filet rompoit. Alors ils firent signe à leurs compagnons qui étoient dans l'autre barque, de venir les aider. Ils y vinrent, et ils remplirent tellement les deux barques, qu'il s'en falloit peu qu'elles ne coulassent à fond. A peine eurent-ils jeté le filet, qu'ils sentirent une quantité de poissons s'y rassembler. Ils craignirent de le voir rompre entre leurs mains, et désespérèrent de le tirer sans secours. Ils firent signe aux Pêcheurs de autre barque de venir les aider. Ceux-ci s'approchèrent, et la pêche se trouva si abondante, que les deux barques remplies étoient sur le point de s'enfoncer. Pourrions-nous, après une telle merveille, nous défier de notre Dieu, et craindre encore de lui obéir?

3. Observons les sentimens qu'inspira ce miracle. Ce que voyant Simon Pierre, il dit à Jesus, en se jetant ses pieds: Seigneur, retirez-vous de moi, parce que je suis un pécheur; car une grande frayeur l'avoit saisi, lui et tous ceux qui étoient avec lui, à la vue Tome II.

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de la pêche qu'ils venoient de faire. Jacques et Jean, fils de Zébédée, qui étoient les compagnons de Simon, furent dans le même étonnement; mais Jesus dit à Simon: Ne craignez point. Les Disciples avoient vu faire bien des miracles à leur Maître; mais celui ci les jeta dans l'épouvante. Pêcheurs de profession, ils se trouvoient plus à portée d'en comprendre la grandeur. Ils avoient pu, sans s'effrayer, voir leur Maître commander sur la terre aux Démons, aux maladies, et s'en faire obéir; mais quand ils virent que son pouvoir pénétroit jusque dans les abîmes de la mer, qu'il en appeloit les poissons et les rassembloit à son gré, ils en furent si épouvantés, que la frayeur les rendit, eux et tous ceux qui étoient avec eux, muets et comme immobiles. Ils n'osoient presque lever les yeux sur leur bienfaiteur. Pierre, dont les sentimens eurent toujours quelque chose de plus vifque ceux des autres, surmontant sa frayeur, et recueillant toutes ses forces, se jeta aux pieds de Jesus, et lui dit Seigneur, je ne mérite pas de vous retenir dans ma barque: retirezVous d'un pécheur tel que moi; je ne suis pas digne de vous posséder. O sainteté redoutable ! comment nousmêmes osons-nous paroître devant vous, ou plutôt, comment y paroissons-nous avec si peu de respect et de crainte? Jesus

dit à Simon: Ne craignez point. C'est donc à dire, ô mon Dieu ! que votre bonté égale votre puissance, l'une et l'autre sont infinies. Non, ce ne sont point ceux qui vous craignent et qui vous aiment, qui doivent s'éloigner de vous: quelque pé cheurs qu'ils soient, dès qu'ils s'humilient sincèrement devant vous, vous savez dissiper leurs craintes et les rassurer Vous n'avez que des faveurs à leur accor der. Se croire indigne de Jesus, par respect pour sa grandeur, et conserver en même-temps un tendre amour pour sa personne, ce sont les moyens sûrs de n'en être jamais séparé.

TROISIÈME POINT.

Jesus indique le mystère caché sous cet événement.

Jesus dit à Simon: Ne craignez point, votre emploi sera désormais d'être pêcheurs d'hommes. C'est-à-dire, ne vous effrayez point loin de vous éloigner de moi, comprenez au contraire qu'il est temps pour vous de tout quitter et de me suivre. Ce que vous venez de voir, n'est qu'une figure de ce que je veux opérer dans la suite par votre ministère: de pêcheurs de poissons, vous allez devenir pêcheurs d'hommes. Ces paroles fixèrent les premiers Disciples du Sauveur, qui désormais s'attachèrent à lui pour ne s'en plus séparer. Et ayant tiré leurs

barques à terre, ils quittèrent tout et le suivirent. Par ces paroles, Jesus nous fait voir encore que cette pêche fut nonseulement un miracle, mais encore une figure et une prédiction d'un plus grand miracle ; savoir: de la propagation de l'Evangile par les Apôtres et leurs successeurs. Prédiction bien consolante pour nous, qui en voyons l'accomplissement littéral.

1.o Dans l'abondance de cette pêche spirituelle. Toutes les parties du monde, tous les royaumes de la terre, toutes les nations, tous les climats, toutes les langues ont reçu le Christianisme. La barque de Pierre a traversé toutes les mers, ses filets mystérieux ont été tendus d'un bout du monde à l'autre, de l'orient à l'occident, du septentrion au midi. Les habitans de l'ancien et du nouveau monde s'y sont réunis en foule, et ce pêcheur de poissons est devenu le Docteur de toutes les nations. Pourrions-nous croire un tel prodige, si nous n'en étions les témoins Qculaires?

2. Accomplissement de la prédiction de J. C. dans la manière dont cette pêche s'est faite. Elle s'est faite de la manière qui paroissoit la moins propre au succès. Elle s'est faite au grand jour, c'est-à-dire que la Religion Chrétienne s'est présentée au monde telle qu'elle est, sans détour, sans artifice, sans dissimulation. A la