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BARTHOLO. Que je le trouve sur le mémoire ! . . . On n'est pas de cette extravagance-là !

FIGARO. Ma foi, monsieur, les hommes n'ayant guère à choisir qu'entre la sottise et la folie, où je ne vois pas de profit, je veux au moins du plaisir; et vive la joie! Qui 5 sait si le monde durera encore trois semaines?

BARTHOLO. Vous feriez bien mieux, monsieur le raisonneur, de me payer mes cent écus et les intérêts, sans lanterner; je vous en avertis.

FIGARO. Doutez-vous de ma probité, monsieur? Vos 10 cent écus! j'aimerais mieux vous les devoir toute ma vie que de les nier un seul instant.

BARTHOLO. Et dites-moi un peu comment la petite Figaro a trouvé les bonbons que vous lui avez portés?

FIGARO. Quels bonbons? que voulez-vous dire? BARTHOLO. Oui, ces bonbons, dans ce cornet fait avec cette feuille de papier à lettre. . . ce matin.

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ROSINE, l'interrompant. Avez-vous eu soin au moins de les lui donner de ma part, monsieur Figaro? Je vous 20 l'avais recommandé.

FIGARO. Ah! ah! les bonbons de ce matin! Que je suis bête, moi! j'avais perdu tout cela de vue... Oh! excellents, madame, admirables!

BARTHOLO. Excellents! admirables! Oui, sans doute, 25 monsieur le barbier, revenez sur vos pas! Vous faites là un joli métier, monsieur, . . .

...

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FIGARO. Qu'est-ce qu'il a donc, monsieur?

BARTHOLO. Et qui vous fera une belle réputation, mon

sieur !

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BARTHOLO. Avec un homme de loi, pour mon mariage? LE COMTE. Vous aurais-je arrêté sans cela? Il m'a chargé de vous dire que tout peut être prêt pour demain. Alors, si elle résiste...

BARTHOLO. Elle résistera.

LE COMTE veut reprendre la lettre, Bartholo la serre. Voilà l'instant où je puis vous servir: nous lui montrerons sa lettre, et s'il le faut (plus mystérieusement) j'irai jusqu'à lui dire que je la tiens d'une femme à qui le comte l'a sa10 crifiée1; vous sentez que le trouble, la honte, le dépit peuvent la porter sur-le-champ. . .

BARTHOLO, riant. De la calomnie! mon cher ami, je vois bien maintenant que vous venez de la part de Bazile! Mais pour que ceci n'eût pas l'air concerté, ne serait-il pas 15 bon qu'elle vous connût d'avance?

LE COMTE réprime un grand mouvement de joie. C'était assez l'avis de don Bazile. Mais comment faire? il est tard... Au peu de temps qui reste. . .

BARTHOLO. Je dirai que vous venez en

20 lui donnerez-vous pas bien une leçon?

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sa place. Ne

LE COMTE. Il n'y a rien que je ne fasse pour vous plaire. Mais prenez garde 4 que toutes ces histoires de maîtres supposés sont de vieilles finesses, des moyens de comédie; si elle va se douter. . .

25 BARTHOLO. Présenté par moi, quelle apparence? 5 Vous avez plus l'air d'un amant déguisé que d'un ami officieux.

LE COMTE. Oui? vous croyez donc que mon air peut aider à la tromperie?

BARTHOLO. Je le donne au plus fin à deviner. Elle 30 est ce soir d'une humeur horrible. Mais quand elle ne

ferait que vous voir. . . Son clavecin est dans ce cabinet. Amusez-vous en l'attendant: je vais faire l'impossible pour vous l'amener.

LE COMTE. Gardez-vous bien de lui parler de la lettre. BARTHOLO. Avant l'instant décisif? Elle perdrait tout 5 son effet. Il ne faut pas me dire deux fois les choses: il ne faut pas me les dire deux fois. (Il s'en va.)

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SCÈNE III

LE COMTE, seul. Me voilà sauvé. Ouf! Que ce diable d'homme est rude à manier! Figaro le connaît bien. Je me voyais mentir; cela me donnait un air plat et gauche; 10 et il a des yeux! Ma foi, sans l'inspiration subite de la lettre, il faut l'avouer, j'étais éconduit comme un sot. O ciel on dispute là-dedans. Si elle allait s'obstiner à ne pas venir ! Ecoutons... Elle refuse de sortir de chez elle, et j'ai perdu le fruit de ma ruse. (Il retourne écouter.) 15 La voici; ne nous montrons pas d'abord. (Il entre dans le cabinet.)

SCÈNE IV

LE COMTE, ROSINE, BARTHOLO.

ROSINE, avec une colère simulée. Tout ce que vous direz est inutile, monsieur, j'ai pris mon parti; je ne veux plus entendre parler de musique.

BARTHOLO. Ecoute donc, mon enfant; c'est le seigneur Alonzo, l'élève et l'ami de don Bazile, choisi par lui pour être un de nos témoins. t'assure.

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La musique te calmera, je

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ROSINE. Oh! pour cela, vous pouvez vous en détacher. Si je chante ce soir ! . . . Où donc est-il ce maître que vous craignez de renvoyer? Je vais en deux mots lui donner son compte,2 et celui de Bazile. (Elle aperçoit son 5 amant, et fait un cri.) Ah!...

ΙΟ

BARTHOLO. Qu'avez-vous?

ROSINE, les deux mains sur son cœur avec un grand trouble. Ah mon Dieu! monsieur... Ah mon Dieu! monsieur...

BARTHOLO. Elle se trouve encore mal, seigneur Alonzo! ROSINE. Non, je ne me trouve pas mal... mais c'est qu'en me tournant... Ah!

LE COMTE. Le pied vous a tourné, madame?

ROSINE. Ah oui! le pied m'a tourné. Je me suis fait 15 un mal horrible.

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LE COMTE. Je m'en suis bien aperçu.

ROSINE, regardant le comte. Le coup m'a porté au

cœur.

BARTHOLO. Un siège, un siège. Et pas un fauteuil ici? (Il va le chercher.)

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ROSINE. Quelle imprudence!

LE COMTE. J'ai mille choses essentielles à vous dire.
ROSINE. Il ne nous quittera pas.

LE COMTE. Figaro va venir nous aider.

BARTHOLO. apporte un fauteuil. Tiens, mignonne, assieds-toi. Il n'y a pas d'apparence, bachelier, qu'elle prenne de leçon ce soir, ce sera pour un autre jour. Adieu.

ROSINE, au comte. Non, attendez; ma douleur est un 30 peu apaisée. (A Bartholo.) Je sens que j'ai eu tort avec

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vous, monsieur: je veux vous imiter en réparant sur-lechamp. . .

BARTHOLO. Oh! le bon petit naturel de femme ! Mais, après une pareille émotion, mon enfant, je ne souffrirai pas que tu fasses le moindre effort. Adieu, adieu, bachelier.

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ROSINE, au comte. Un moment, de grâce! (A Bartholo.) Je croirai, monsieur, que vous n'aimez pas à m'obliger, si vous m'empêchez de vous prouver mes regrets en prenant ma leçon.

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LE COMTE, à part, à Bartholo. Ne la contrariez pas, 10 si vous m'en croyez.

BARTHOLO. Voilà qui est fini, mon amoureuse.

Je suis si loin de chercher à te déplaire, que je veux rester là tout le temps que tu vas étudier.

ROSINE. Non, monsieur: je sais que la musique n'a nul 15 attrait pour vous.

BARTHOLO. Je t'assure que ce soir elle m'enchantera.
ROSINE, au comte, à part. Je suis au supplice.

LE COMTE, prenant un papier de musique sur le pupitre. Est-ce là ce que vous voulez chanter, madame?

ROSINE. Oui, c'est un morceau très agréable de la Précaution inutile.

BARTHOLO. Toujours la Précaution inutile!

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LE COMTE. C'est ce qu'il y a de plus nouveau aujourd'hui. C'est une image du printemps d'un genre assez vif. 25 Si madame veut l'essayer?

ROSINE, regardant le comte. Avec grand plaisir un tableau du printemps me ravit; c'est la jeunesse de la nature. Au sortir de l'hiver, il semble que le cœur acquière un plus haut degré de sensibilité : comme un esclave 30

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