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BARTHOLO. Qui ne vous recevra point.

ROSINE. C'est ce qu'il faudra voir.

BARTHOLO. Nous ne sommes pas ici en France,1 où l'on donne toujours raison aux femmes; mais pour vous en ôter 5 la fantaisie, je vais fermer la porte.

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ROSINE, pendant qu'il y va. Ah! ciel! Que faire ?... Mettons vite à la place la lettre de mon cousin, et donnons-lui beau jeu2 à la prendre. (Elle fait l'échange, et met la lettre du cousin dans la pochette, de façon qu'elle sort un peu.)

BARTHOLO, revenant. Ah! j'espère maintenant la voir.
ROSINE. De quel droit, s'il vous plaît?

BARTHOLO. Du droit le plus universellement reconnu, celui du plus fort.3

ROSINE. On me tuera plutôt que de l'obtenir de moi. BARTHOLO, frappant du pied. Madame! Madame ! . . . ROSINE tombe sur un fauteuil et feint de se trouver mal. Ah! quelle indignité ! . . .

...

BARTHOLO. Donnez cette lettre ou craignez ma colère.
ROSINE, renversée. Malheureuse Rosine!

BARTHOLO. Qu'avez-vous donc ?

ROSINE. Quel avenir affreux !

BARTHOLO. Rosine !

ROSINE. J'étouffe de fureur.

BARTHOLO. Elle se trouve mal.

ROSINE. Je m'affaiblis. . . je meurs.

BARTHOLO lui tâte le pouls, et dit à part: Dieux ! la lettre ! Lisons-la sans qu'elle en soit instruite. (Il continue à lui tâter le pouls, et prend la lettre qu'il tâche de lire en se tournant un peu.)

ROSINE, toujours renversée. Infortunée! ah!...

BARTHOLO lui quitte le bras et dit à part: Quelle rage at-on d'apprendre ce qu'on craint toujours de savoir!

ROSINE. Ah! pauvre Rosine !

BARTHOLO. L'usage des odeurs. . . produit ces affections spasmodiques. (Il lit par derrière le fauteuil en lui tatant 5 le pouls. Rosine se relève un peu, le regarde finement, fait un geste de tête et se remet sans parler.)

BARTHOLO, à part. O ciel! c'est la lettre de son cousin. Maudite inquiétude ! Comment l'apaiser maintenant? Qu'elle ignore au moins que je l'ai lue! (Il fait semblant de 10 la soutenir et remet la lettre dans la pochette.)

ROSINE soupire. Ah!...

BARTHOLO. Eh bien! ce n'est rien, mon enfant; un petit mouvement de vapeurs, voilà tout; car ton pouls n'a seulement pas varié. 1 (Il va prendre un flacon sur la con- 15 sole.)

I

ROSINE, à part. Il a remis la lettre ! fort bien.

BARTHOLO. Ma chère Rosine, un peu de cette eau spiri

tueuse.

ROSINE. Je ne veux rien de vous laissez-moi.

BARTHOLO. Je conviens que j'ai montré trop de vivacité sur ce billet!

ROSINE. Il s'agit bien du billet! C'est votre façon de demander les choses qui est révoltante.

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BARTHOLO, à genoux. Pardon : j'ai bientôt senti tous 25 mes torts; et tu me vois à tes pieds, prêt à les réparer.

ROSINE. Oui, pardon! lorsque vous croyez que cette lettre ne vient pas de mon cousin.

BARTHOLO. Qu'elle soit d'un autre ou de lui, je ne veux aucun éclaircissement.

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ROSINE lui présentant la lettre.

I

Vous voyez qu'avec de

Lisez-la.

bonnes façons on obtient tout de moi.

BARTHOLO. Cet honnête procédé dissiperait mes soupçons si j'étais assez malheureux pour en conserver.

ROSINE. Lisez-la donc, monsieur.

BARTHOLO se retire. A Dieu ne plaise que je te fasse une pareille injure! 2

ROSINE. Vous me contrariez de la refuser.

BARTHOLO. Reçois en réparation cette marque

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3 de ma

10 parfaite confiance. Je vais voir la pauvre Marceline, que ce Figaro a, je ne sais pourquoi, saignée du pied; n'y viens-tu pas aussi?

ROSINE. J'y monterai dans un moment.

BARTHOLO. Puisque la paix est faite, mignonne, donne-moi 15 ta main. Si tu pouvais m'aimer, comme tu serais heureuse ! ROSINE, baissant les yeux. Si vous pouviez me plaire, ah! comme je vous aimerais!

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BARTHOLO. Je te plairai, je te plairai; quand je dis que je te plairai! (Il sort.)

SCÈNE XVI

ROSINE le regarde aller. Ah! Lindor! Il dit qu'il me plaira ! ... Lisons cette lettre, qui a manqué de me causer tant de chagrin. (Elle lit et s'écrie :) Ha!.

j'ai lu trop

tard; il me recommande de tenir une querelle ouverte avec mon tuteur; j'en avais une si bonne, et je l'ai laissée 25 échapper! En recevant la lettre, j'ai senti que je rougissais jusqu'aux yeux. Ah! mon tuteur a raison; je suis bien loin d'avoir cet usage du monde qui, me dit-il souvent, assure le maintien des femmes en toute occasion! Mais un homme injuste parviendrait à faire une rusée de l'innocence même.

ACTE TROISIÈME

SCÈNE PREMIÈRE

BARTHOLO, seul et désolé. Quelle humeur!

quelle hu

meur! Elle paraissait apaisée... Là, qu'on me dise qui diable lui a fourré dans la tête de ne plus vouloir prendre leçon de don Bazile ! Elle sait qu'il se mêle de mon mariage. . . (On heurte à la porte.) Faites tout au monde 5 pour plaire aux femmes; si vous omettez un seul point. je dis un seul. . . (On heurte une seconde fois.) Voyons qui c'est.

..

SCENE II

BARTHOLO, LE COMTE, en bachelier.

LE COMTE. Que la paix et la joie habitent toujours 10 céans ! 2

BARTHOLO, brusquement. Jamais souhait ne vint plus à Que voulez-vous ?

propos.
LE COMTE.

cié...

Monsieur, je suis Alonzo, bachelier,3 licen

BARTHOLO. Je n'ai pas besoin de précepteur.

LE COMTE. Elève de don Bazile, organiste du grand couvent, qui a l'honneur de montrer la musique à madame

votre...

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BARTHOLO. Bazile! organiste! qui a l'honneur! Je le 20 sais. Au fait !

LE COMTE, à part. Quel homme! (Haut.) Un mal subit, qui le force à garder le lit. . .

BARTHOLO. Garder le lit !

voyer; je vais le voir à l'instant.

Bazile! Il a bien fait d'en

S LE COMTE, à part. Oh! diable! (Haut.) Quand je dis le lit, monsieur, c'est. . . la chambre que j'entends.

BARTHOLO. Ne fût-il qu'incommodé... Marchez devant; je vous suis.

LE COMTE, embarrassé. Monsieur, j'étais chargé... 10 Personne ne peut-il nous entendre?

BARTHOLO, à part. C'est quelque fripon. (Haut.) Eh non, monsieur le mystérieux! parlez sans vous troubler, si vous pouvez.

LE COMTE, à part. Maudit vieillard! (Haut.) Don 15 Bazile m'avait chargé de vous apprendre...

BARTHOLO. Parlez haut, je suis sourd d'une oreille.

LE COMTE, élevant la voix. Ah! volontiers... Que le comte Almaviva, qui restait à la grande place...

BARTHOLO, effrayé. Parlez bas; parlez bas.

20 LE COMTE, plus haut. ... En est délogé ce matin. Comme c'est par moi qu'il a su que le comte Almaviva. . . BARTHOLO. Bas; parlez bas, je vous prie.

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LE COMTE, du même ton. ... Etait en cette ville, et que j'ai découvert que la señora Rosine lui a écrit. . . .

BARTHOLO. Lui a écrit? Mon cher ami, parlez plus bas, je vous en conjure! Tenez, asseyons-nous, et jasons d'amitié. Vous avez découvert, dites-vous, que Rosine. . .

LE COMTE, fièrement. Assurément. Bazile, inquiet pour vous de cette correspondance, m'avait prié de vous montrer 30 sa lettre; mais la manière dont vous prenez les choses. . .

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