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LE COMTE. Pas davantage. Lisez le billet doux que notre maréchal des logis vous écrit.

BARTHOLO. Voyons. (Le comte cache la lettre et lui donne un autre papier. -Bartholo lit.) "Le docteur Bartholo recevra, nourrira, hébergera, couchera. . .

LE COMTE, appuyant. Couchera !

BARTHOLO. “... pour une nuit seulement, le nommé Lindor, dit l'Ecolier, cavalier au régiment. . .”

ROSINE. C'est lui, c'est lui-même.

BARTHOLO, vivement à Rosine. Qu'est-ce qu'il y a?

LE COMTE. Eh bien, ai-je tort à présent, docteur Barbaro?

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ΤΟ

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BARTHOLO. On dirait que cet homme se fait un malin plaisir de m'estropier de toutes les manières possibles. Allez au diable, Barbaro! Barbe-à-l'eau ! et dites à votre 20 impertinent maréchal des logis, que depuis mon voyage à Madrid je suis exempt de loger des gens de guerre.

LE COMTE, à part. O ciel! fâcheux contretemps! BARTHOLO. Ah! ah! notre ami, cela vous contrarie et vous dégrise un peu? Mais n'en décampez pas moins à 25 l'instant.

LE COMTE, à part. camper! si vous êtes

J'ai pensé me trahir. (Haut.) Déexempt de gens de guerre, vous

n'êtes pas exempt de politesse, peut-être ! Décamper! Montrez-moi votre brevet d'exemption; quoique je ne 30 sache pas lire, je verrai bientôt. . .

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5

IO

BARTHOLO. Qu'à cela ne tienne : il est dans ce bu

reau.

LE COMTE, pendant qu'il y va, dit, sans quitter sa place. Ah! ma belle Rosine!

ROSINE. Quoi, Lindor, c'est vous?

LE COMTE. Recevez au moins cette lettre.

ROSINE. Prenez garde, il a les yeux sur nous.

LE COMTE. Tirez votre mouchoir, je la laisserai tomber. (Il s'approche.)

BARTHOLO. Doucement, doucement, seigneur soldat, je n'aime point qu'on regarde ma femme de si près.

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LE COMTE. Je vous ai pris pour son bisaïeul paternel, 15 maternel, sempiternel; il y a au moins trois générations entre elle et vous.

BARTHOLO, lit un parchemin. "Sur les bons et fidèles. témoignages qui nous ont été rendus. . .”

LE COMTE donne un coup de main sous les parchemins, 20 qui les envoie au plancher. Est-ce que j'ai besoin de tout ce verbiage?

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BARTHOLO. Savez-vous bien, soldat, que si j'appelle mes gens, je vous fais traiter sur-le-champ comme vous le méritez?

LE COMTE. Bataille? Ah! volontiers, bataille ! c'est mon métier, à moi (montrant son pistolet de ceinture), et voici de quoi leur jeter de la poudre aux yeux. Vous n'avez peut-être jamais vu de bataille, madame ?

ROSINE. Ni ne veux en voir.

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LE COMTE.

Rien n'est pourtant aussi gai que bataille ! 2

Figurez-vous (poussant le docteur) d'abord que l'ennemi est d'un côté du ravin, et les amis de l'autre. (A Rosine en lui montrant la lettre.) Sortez le mouchoir. (Il crache à terre.) Voilà le ravin, cela s'entend.

ROSINE tire son mouchoir; le comte laisse tomber sa lettre 5 entre elle et lui.

BARTHOLO, se baissant.

Ah! ah!

Tenez! ... moi qui allais

LE COMTE la reprend et dit.

vous apprendre ici les secrets de mon métier. . . Une

femme bien discrète, en vérité ! Ne voilà-t-il pas un bil- 10 let doux qu'elle laisse tomber de sa poche?

BARTHOLO. Donnez, donnez.

LE COMTE.

Dulciter, papa! chacun son affaire. Si une ordonnance de rhubarbe était tombée de la vôtre?...

ROSINE avance la main. Ah! je sais ce que c'est, mon- 15 sieur le soldat. (Elle prend la lettre qu'elle cache dans la petite poche de son tablier.)

BARTHOLO. Sortez-vous, enfin?

LE COMTE. Eh bien, je sors. Adieu, docteur; sans rancune. Un petit compliment, mon cœur 2: priez la mort 20 de m'oublier encore quelques campagnes; la vie ne m'a jamais été si chère.

BARTHOLO. Allez toujours,3 si j'avais ce crédit-là sur la mort...

LE COMTE. Sur la mort? N'êtes-vous pas médecin? 25 Vous faites tant de choses pour elle, qu'elle n'a rien à vous refuser. (I sort.)

1

SCÈNE XV

BARTHOLO, ROSINE

BARTHOLO le regarde aller. Il est enfin parti. (A part.) Dissimulons.

ROSINE. Convenez pourtant, monsieur, qu'il est bien gai, 5 ce jeune soldat! A travers son ivresse, on voit qu'il ne manque ni d'esprit, ni d'une certaine éducation.

ΙΟ

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BARTHOLO. Heureux, m'amour,1 d'avoir pu nous en délivrer! Mais n'es-tu pas un peu curieuse de lire avec moi le papier qu'il t'a remis?

ROSINE. Quel papier?

BARTHOLO. Celui qu'il a feint de ramasser pour te le faire accepter.

ROSINE. Bon! c'est la lettre de mon cousin l'officier qui était tombée de ma poche.

BARTHOLO. J'ai idée, moi, qu'il l'a tirée de la sienne.
ROSINE. Je l'ai très bien reconnue.

BARTHOLO. Qu'est-ce qu'il coûte d'y regarder?
ROSINE. Je ne sais pas seulement ce que j'en ai fait.
BARTHOLO, montrant la pochette. Tu l'as mise là.

20 ROSINE. Ah! ah! par distraction.

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BARTHOLO. Ah! sûrement. Tu vas voir que ce sera quelque folie.

ROSINE, à part. Si je ne le mets pas en colère, il n'y aura pas moyen de refuser.

BARTHOLO. Donne donc, mon cœur.

ROSINE. Mais quelle idée avez-vous en insistant, monsieur? est-ce encore quelque méfiance?

BARTHOLO. Mais vous, quelle raison avez-vous de ne pas la montrer?

ROSINE. Je vous répète, monsieur, que ce papier n'est autre que la lettre de mon cousin, que vous m'avez rendue hier toute décachetée; et puisqu'il en est question, je vous 5 dirai tout net que cette liberté me déplaît excessivement.

BARTHOLO. Je ne vous entends pas.

ROSINE. Vais-je examiner les papiers qui vous arrivent? Pourquoi vous donnez-vous les airs de toucher à ceux qui me sont adressés? Si c'est jalousie, elle m'insulte; s'il to s'agit de l'abus d'une autorité usurpée, j'en suis plus révoltée

encore.

BARTHOLO. Comment, révoltée ! Vous ne m'avez jamais parlé ainsi.

ROSINE. Si je me suis modérée jusqu'à ce jour, ce n'était 15 pas pour vous donner le droit de m'offenser impunément. BARTHOLO. De quelle offense me parlez-vous?

ROSINE. C'est qu'il est inouï qu'on se permette d'ouvrir les lettres de quelqu'un.

BARTHOLO. De sa femme?

2

ROSINE. Je ne la suis pas encore. Mais pourquoi lui donnerait-on la préférence d'une indignité qu'on ne fait à personne ?

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BARTHOLO. Vous voulez me faire prendre le change et détourner mon attention du billet, qui, sans doute, est une 25 missive de quelque amant ! Mais je le verrai, je vous as

sure.

ROSINE. Vous ne le verrez pas. Si vous m'approchez, je m'enfuis de cette maison, et je demande retraite au premier venu.

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